« Publie ou péris » : voilà un précepte constamment rappelé aux étudiants aux cycles supérieurs et aux professeurs en début de carrière. À défaut de disposer d’un dossier de publications respectable, ils verront rapidement leur carrière interrompue et leurs espoirs anéantis.
Mais comment publier? Où trouver le temps? La plupart des professeurs travaillent en moyenne 60 à 80 heures par semaine. Il faut préparer les cours, les enseigner, les remanier, rédiger les examens, surveiller leur déroulement, corriger et attribuer les notes, superviser, répondre au courrier, présider des comités, assister à des réunions, coordonner les assistants à l’enseignement, résoudre des différends, rédiger des lettres de recommandation, collecter des données, obtenir des subventions, lire les journaux et, évidemment, publier.
Le présent article ne résume qu’un des volets abordés dans notre ouvrage : le cycle d’écriture et de publication, qui comprend cinq étapes : trouver un sujet, trouver des éditeurs potentiels, rédiger le manuscrit, le soumettre et réagir aux commentaires reçus.
Trouver un sujet
Choisissez un sujet que vous connaissez bien. Le sujet doit être pertinent et cibler un lectorat précis. Vous pouvez commencer par résumer des extraits de votre thèse ou de votre mémoire et en faire quelques articles, ou encore publier des données recuillies pendant vos études, mais écartées de votre dissertation. Voici des exemples d’articles que vous pouvez rédiger :
1. article fournissant des renseignements pratiques;
2. document d’information;
3. analyse documentaire;
4. essai philosophique;
5. texte d’opinion;
6. rapport de recherche.
Vous pouvez également publier un ouvrage ou une monographie inspirés de votre dissertation, pourvu que vous n’en ayez pas déjà fait paraître plus de 30 pour cent. Veillez toutefois à ne pas enfreindre les lois sur le droit d’auteur.
Trouver des éditeurs potentiels
Pour chaque article, trouvez quelques revues susceptibles de vous publier. Comment? Examinez les sources utilisées pour votre thèse ou votre mémoire. Les revues qui ont publié votre thèse ou votre mémoire pourraient‑elles aussi publier vos travaux?
Comment choisir parmi la myriade de revues qui existent? Il y a des revues grand public et des revues spécialisées; des revues axées sur la théorie, d’autres, sur la recherche; des revues publiées sous l’égide d’un établissement, d’autres, d’une société savante. Certaines ont un comité interne de sélection, alors que d’autres font appel à des évaluateurs externes.
Au moins trois facteurs doivent guider votre choix. D’abord, votre texte doit absolument correspondre au sujet de la revue. Ce facteur explique la plupart des refus. Pour chaque revue, lisez attentivement la section consacrée aux auteurs. Quels sujets ces revues privilégient‑elles? Quel est leur créneau? Consultez les anciens numéros et parcourez les tables des matières. Notez le style d’écriture et passez en revue les bibliographies. Bref, il faut bien connaître les revues dans lesquelles vous envisagez de publier.
Ensuite, il faut tenir compte de la diffusion, déterminée par les index de périodiques et de résumés analytiques dans lesquels figurent les articles. Si une revue n’est pas indexée, le lectorat se limite aux abonnés et à leurs amis. Puisque vous êtes encore peu connu, vous avez intérêt à ce que vos travaux soient le plus largement diffusés possible. Ciblez donc les revues les plus largement indexées.
Enfin, il faut évaluer la qualité de la revue, qui tient essentiellement au processus de sélection (processus ouvert, lecture anonyme ou double lecture anonyme). Dans un processus de sélection ouvert, les évaluateurs connaissent le nom de l’auteur. Lors d’une lecture anonyme, ils ne connaissent pas l’auteur, mais ce dernier sait qui procède à l’évaluation. Lors d’une double lecture anonyme, l’auteur ne connaît pas le nom des évaluateurs, et inversement. Les publications revues par un comité de lecture (et donc soumises à une lecture ou à une double lecture anonyme) ont généralement plus de poids dans la décision d’accorder une promotion ou un poste permanent à un candidat que les publications qui n’ont pas été soumises à un comité de lecture (processus ouvert).
Rédiger le manuscrit
Établissez d’abord le plan de votre article en le résumant. Il existe deux types de résumés : synthétique et analytique.
Le résumé synthétique peut porter différents noms (résumé schématique, par thème, en arborescence, etc.), mais le principe demeure : l’accent est mis sur les concepts, puis sur la structure. Un tel résumé précède souvent la rédaction d’un résumé analytique.
Le résumé analytique est un sommaire concis décrivant un sujet étape par étape. Il peut être de quatre types : plan en style télégraphique, court texte précisant le thème abordé, résumé en une seule phrase ou en un paragraphe. Choisissez le type de résumé qui vous convient le mieux : certains ont besoin d’un plan beaucoup plus détaillé que d’autres. Mais n’oubliez pas que plus le résumé est détaillé, plus facile est la rédaction.
Il vous faudra probablement rédiger plus d’une ébauche, et certaines parties peuvent même nécessiter une troisième ou une quatrième ébauche. Rédigez tout votre article avant de le retravailler. La rédaction est affaire de création, tandis que la révision est un acte de réflexion critique. L’amalgame de ces deux étapes conduit tout droit au blocage.
Établissez un horaire de travail : prévoyez un nombre d’heures par jour, de jours par semaine et de semaines par année que vous consacrerez à la rédaction. Les rédacteurs qui suivent un horaire régulier sont plus productifs que ceux qui écrivent de façon sporadique. Au début, prévoyez environ six heures de rédaction par semaine. Vous pourrez ensuite augmenter graduellement votre objectif, mais sans exagérer, car si vous vous en demandez trop, vous risquez de vous retrouver en panne d’inspiration. Limitez les périodes consacrées à l’écriture à deux ou à trois heures. Écrire mille mots (environ quatre pages à double interligne) en deux heures constitue un objectif réaliste. Si c’est trop au début, réduisez vos attentes. Il vaut mieux se satisfaire d’un petit objectif que de terminer chaque séance avec un sentiment d’échec.
L’unité doit être votre principe directeur. Chaque paragraphe doit porter sur une seule idée, et chaque phrase doit se rapporter à ce thème central, énoncé au début du paragraphe.
Pour garantir l’unité globale de votre texte, structurez‑le selon le plan que vous avez établi. Votre pensée doit être développée de façon cohérente du début à la fin de votre article. Si vous avez du mal à établir l’ordre des paragraphes, imprimez-les sur des feuilles séparées, puis permutez les pages jusqu’à ce que vous trouviez le bon enchaînement. En suivant votre plan, vous le mettez en quelque sorte à l’épreuve, tout comme vous vous assurez de la validité de chacun des paragraphes en les confrontant aux éléments de votre plan.
Soumettre le manuscrit
Il est contraire à l’éthique de soumettre votre manuscrit à plusieurs revues à la fois. Commencez par une publication, puis, si votre texte est rejeté, soumettez‑le à une autre revue. Présentez chaque fois une lettre d’accompagnement et une page titre. Règle générale, vous devriez recevoir un accusé de réception dans les deux à quatre semaines suivant votre envoi. La période d’évaluation varie d’une revue à l’autre, mais elle dure parfois six mois, voire plus. Certaines revues utilisent des listes de vérification et formulent des commentaires, d’autres évaluent les textes en fonction d’une échelle de notation et fournissent des commentaires, et d’autres encore ne fournissent que des commentaires. Quatre verdicts sont possibles : texte accepté tel quel, accepté sous réserve de légères modifications, accepté sous réserve d’importantes modifications ou rejeté.
Réagir aux commentaires reçus
Si votre texte est accepté tel quel ou sous réserve de légères modifications, vous pouvez être optimiste. Par contre, si d’importantes modifications vous sont demandées, ce n’est pas bon signe. Il faudra déterminer si le jeu en vaut la chandelle. Une fois retravaillé, votre texte peut tout de même être rejeté. S’il est soumis aux mêmes évaluateurs, il arrive souvent qu’ils demandent à l’auteur des modifications supplémentaires. Ce cycle peut se prolonger pendant plusieurs mois, et parfois, plus d’une année. Enfin, un refus reste un refus. Sur le coup, vous serez peut‑être atterré, mais le mieux est d’accepter le verdict puisque les évaluateurs reviennent rarement sur leur décision. Examinez les commentaires fournis, apportez des modifications, puis tentez de nouveau votre chance.
Résumé de Scholarly Writing Worthy of Print
par G. Patrick O’Neill et Robin P. Norris
The Althouse Press, Université Western Ontario, 2006
(267 pp, 39,95 $ au Canada, couverture souple), ISBN 0‑920354‑59‑9.
Remarque : pour obtenir de plus amples renseignements, nous vous invitons à consulter notre livre, qui comprend des annexes pratiques. Le présent article a été publié avec l’autorisation de la maison d’édition The Althouse Press, The University of Western Ontario (www.edu.uwo.ca/althousepress).