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Conseils carrière

La santé mentale des doctorants

Parlons de la dépression chez les étudiants aux cycles supérieurs.

par MELONIE FULLICK | 06 FEV 12

La période de novembre à mars semble propice à l’épuisement aux cycles supérieurs. Dans certains cas, il s’agit d’un état saisonnier : on s’engouffre dans le stress et la fatigue pour n’en ressortir que quelques mois plus tard. Toutefois, au-delà de la déprime d’hiver, il semble que la dépression clinique, l’angoisse et autres problèmes de santé mentale soient de plus en plus fréquents chez les étudiants aux cycles supérieurs.

Quand j’ai demandé à une collègue étudiante ce qu’elle en pensait, elle m’a répondu : « on dirait que tout le monde que je connais à l’université est déprimé ». À une autre occasion on m’a révélé que « tout le monde » passe par une sorte de break-down au cours de ses études de doctorat.

En décembre dernier, j’ai donc posé la question sur Twitter et affiché sur mon blogue (Speculative Diction) un article qui traite des doctorants, de la dépression et de l’abandon. L’article a suscité une réaction en ligne si vive du milieu universitaire que plus de 5 000 visites et des dizaines de commentaires ont été reçus en trois jours – un record pour le site Web d’Affaires universitaires qui héberge mon blogue.

La dépression chez les étudiants aux cycles supérieurs serait-elle un problème qui ne touche que quelques cas isolés, ou serait-elle plutôt un problème structurel (et normalisé) grave? Si tel est le cas, pourquoi est-ce que personne n’en parle?

Voici quelques exemples de cas de problème structurel. Aux cycles supérieurs, les étudiants ont une charge de travail plus importante qu’au premier cycle et se retrouvent, souvent pour la première fois, avec des étudiants qui ont les mêmes aptitudes qu’eux. Ces facteurs peuvent donner lieu à ce qu’on appelle le « syndrome de l’imposteur », un sentiment par lequel le sujet a l’impression qu’on va se rendre compte qu’il n’est pas réellement intelligent. À l’instar d’adultes placés en position subordonnée, certains doctorants se sentent infantilisés alors même qu’on attend d’eux qu’ils se construisent une identité professionnelle.

En ce qui concerne l’expérience universitaire étudiante au niveau du doctorat, l’accent est mis sur la transition vers le travail autonome, ce qui représente souvent un nouveau défi. Des limites floues en termes de responsabilités peuvent créer chez certains étudiants, qui ne savent pas exactement quelle aide peut leur offrir leur superviseur, un sentiment d’insécurité. Le doute qui en découle est aggravé par l’isolement dans lequel vivent les doctorants surtout vers la fin de leurs études.

Certains commentateurs sur mon blogue ont aussi évoqué l’image qui est perçue du doctorant idéal, ainsi que de la culpabilité et du doute ressenti par un doctorant qui ne se conforme pas à cet idéal. Ce sentiment d’insécurité peut aussi être exacerbé par la solitude et le manque apparent de structure dans les activités.

Les programmes aux cycles supérieurs, au Canada comme ailleurs, ont connu une hausse des inscriptions sans pour autant que le nombre de professeurs superviseurs ou le financement aient proportionnellement augmenté. Ainsi, le nombre insuffisant de superviseurs donne lieu à une concurrence entre étudiants pour obtenir du mentorat et de l’appui, et le peu de postes de professeurs disponibles dans les universités accroît la concurrence entre étudiants; toutes des circonstances pouvant être déprimantes et stressantes.

Bien qu’une proportion relativement faible de titulaires de doctorat obtiennent des postes permanents de professeurs, dans beaucoup de programmes d’études on continue de croire que les étudiants devraient se diriger vers des carrières universitaires axées sur la recherche. Avec une perception aussi étroite de la réussite, il est facile de vivre un sentiment d’échec.

Parallèlement aux pressions professionnelles, certaines situations personnelles difficiles, dont personne n’est à l’abri, peuvent complètement déstabiliser les études (et la vie) – une rupture ou un divorce, par exemple, peuvent être le résultat de problèmes relationnels causés par la vie universitaire.

Le silence oppressant dans lequel baigne ce contexte représente un grave problème. Plusieurs ont indiqué dans leurs commentaires sur mon blogue que le fait de ne pas reconnaître et de ne pas discuter ouvertement de la dépression et des questions de santé mentale est le pire des problèmes, car le silence empêche les étudiants d’aller chercher de l’aide auprès de l’université ou de leurs pairs.

Ce n’est pas une coïncidence si un silence comparable entoure la question de l’abandon des études à ce niveau. Pourtant, vu les taux élevés d’abandon et le coût des études aux cycles supérieurs, on pourrait s’attendre à trouver de nombreuses études sur les raisons pour lesquelles l’abandon est si fréquent. Selon le chercheur Chris Golde de l’Université Stanford, si nous possédons peu d’information c’est en partie parce que l’abandon est mal vu par toutes les parties en cause (qui rejettent la responsabilité de cet échec sur l’étudiant).

Nous devrions nous demander combien d’étudiants abandonnent pour des raisons de santé mentale et les effets connexes exacerbés par le désarroi psychologique propre à la structure du doctorat – et combien de ces situations pourraient être évitées.

COMMENTAIRES
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  1. noémie / 10 février 2012 à 16:37

    Très bon sujet, je suis très agréablement surprise qu’on parle enfin des problèmes d’abandons et de ces causes (qui peut-être la dépression).

    Bien sur il serait très intéressant de faire des études sur le sujet. Mais comme généralement un professeur prend un étudiant au doctorat ou post-doc pour faire ses recherches… Quel doctorant ou post-doc va vouloir travailler sur un sujet qui peut l’impliquer avec tous les tabous??? et de devoir en discuter avec son professeur… Pas facile à mon avis.

  2. valérie, étudiante doc / 22 novembre 2012 à 21:11

    On peut aussi mentionner l’adéquation ou l’inadéquation entre les études doctorales et le marché du travail. Plusieurs étudiants sont nombreux à se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle. Pourquoi faire tant d’années d’études si les emplois disponibles dans certains domaines sont quasi-inexistants. Que la perception d’une inadéquation entre les études et le travail soit imaginaire ou réelle, il a fort à parier que cela a une incidence sur la santé mentale des étudiants et leur motivation à poursuivre leurs études.

  3. Pierre Rochette, vagabond / 24 mai 2013 à 09:20

    wowwwww très pertinent votre texte

    sur l’importance d’une bonne santé mentale

    pour un doctorant,

    qui illustre bien paradoxalement

    ma question de doctorat

    en phénoménologie:)))

    Si une personne

    prend soin

    de la beauté du monde

    se peut-il que

    la beauté du monde

    prenne soin

    de cette personne?)))

    ——————

    DANS LA BEAUTE DU MONDE

    dans la beauté du monde

    dans la beauté du monde

    je marcherai

    deux âmes sioux m’inondent

    deux âmes sioux m’inondent

    dans votre beauté du monde

    France et Jean-René

    je marcherai

    suis devenu

    un arbre qui marche

    parce qu’il relève ses racines

    un doux vieillard

    qui le soir délasse ses bottines

    une belle jeune fille

    qui r’trousse sa jupe

    parce qu’elle dessine

    le bout d’ses pieds

    dans la rivière

    dejà fini

    l’été d’hier

    reste le canot de Jean-René

    les fruits de France et sa bonté

    sur leur galerie

    de Notre-Dame de Montaubant

    je me prépare pour l’hiver

    tel un enfant

    car mes deux ames sioux

    ont fait de moi

    un arbre-fou

    comme le canot de Jean-René

    sur la rivière Batiscan

    comme les fruits de sa belle France

    de Notre-Dame de Montauban

    je traverserai

    l’éternité

    en marchant

    la neige et le vent

    Pierrot

    vagabond céleste

    —–

    http://www.simongauthier.com

    http://www.enracontantpierrot.blogspot.com

    http://www.reveursequitables.com

    http://www.demers.qc.ca

    chansons de pierrot

    paroles et musique

    sur YOUTUBE,

    Simon Gauthier, conteur, video vagabond celeste

  4. Félix / 24 février 2016 à 16:57

    Le « syndrome de l’imposteur », j’ignorais le terme d’une sensation souvent éprouvée… Arrivé sur cette page suite au départ en dépression d’un 2e collègue doctorant (pas le même directeur), je me demandais si le tx de dépression était plus élevé dans ce domaine. J’ai ma réponse! Merci pour l’article.

  5. Marielle / 13 novembre 2016 à 18:22

    Article très intéressant! Mon fils n’a pas tenu le coup en doctorat. Brillant élève, bac, licence et master avec mention, il a décroché un doctorat à la place d’une étudiante qui ne pouvait continuer, faute de note suffisante au master. Sa directrice de labo ayant tenté de plaider sa cause sans succès auprès de la direction de la fac, et pourtant fort influente, s’est résignée à prendre mon fils pour ne surtout pas perdre ses financements! Mais alors quelle catastrophe! L’étudiante recalée et pressentie en premier lieu, diplôme d’ingénieur de recherche, a obtenu un poste dans le labo pour passer le relais, et mon fils est allé de désillusions en humiliations! Sans parler des guerres intestines au sein du labo, entre directrice, sous-directeur, etc… Il a fini par craquer, est complètement détruit, je crains même pour sa vie.

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