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Conseils carrière

L’enseignement en mode urgence se poursuivra à l’automne 2020

Nous devons comprendre que l’enseignement à distance est très complexe et ne se limite pas à mettre du contenu en ligne.

par ANDREA EIDINGER | 09 JUIN 20

Dans la foulée de la pandémie actuelle de COVID-19, des universités de partout au pays continuent d’annoncer qu’elles effectueront une transition, à tout le moins partielle, vers les cours en ligne à l’automne. Ces mesures ont suscité beaucoup de discussions. De nombreux membres du corps professoral s’inquiètent de l’application pratique de ce concept et des questions de contenu protégé par le droit d’auteur. Les chargés de cours au statut précaire se demandent s’ils seront rémunérés pour le travail supplémentaire nécessaire pour créer des cours en ligne. Finalement, beaucoup d’étudiants et de familles estiment qu’ils ne devraient peut-être pas payer l’intégralité de leurs frais de scolarité étant donné que la plupart de leurs cours se tiendront en ligne, car nombreux sont ceux qui croient qu’il y a une différence de qualité entre l’apprentissage en ligne et en personne.

Bon nombre de ces discussions s’appuient sur l’hypothèse que les cours devraient être plus ou moins revenus à la normale d’ici l’automne, même s’ils seront donnés en ligne. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas le cas. À la session d’automne 2020, l’enseignement se fera toujours en mode urgence.

Je répète : À la session d’automne 2020, l’enseignement se fera toujours en mode urgence.

Cette pandémie est loin d’être terminée, et l’inquiétude plane quant à une deuxième vague pour l’automne.

Parallèlement, nous devons reconnaître que l’enseignement en ligne est très complexe et ne se limite pas à verser du contenu en ligne. Cette technique d’enseignement se fonde sur des pédagogies et des démarches différentes qui nécessitent une formation spécialisée et qui ne peuvent pas être maîtrisées d’ici septembre. Les membres du corps professoral qui préparent des classes en ligne comptent habituellement sur l’assistance d’une équipe complète, soient des concepteurs de cours, du personnel de soutien technique et des experts en contenu. Élaborer de tels cours peut prendre des mois. Et étant donné les circonstances et la situation précaire que vivent déjà bon nombre d’universités, nous serons peu nombreux à avoir accès à ce niveau d’assistance ou à pouvoir suivre la formation nécessaire.

Cependant, et je ne le dirai jamais assez, le passage à l’enseignement en ligne est une réaction d’urgence à une crise de santé publique. Oui, ce sera difficile, mais apprendre de nouvelles compétences, même si c’est ardu, est toujours positif et, au bout du compte, ces compétences nous seront utiles, ainsi qu’à nos étudiants. Comme l’a mentionné ma collègue Samantha Cutrara : « [C’est] peut-être le bon moment de (re)penser l’acte d’enseigner comme un tout plutôt qu’un ensemble de pratiques qu’on peut vouloir appliquer ou non. »

De plus, il n’est pas nécessaire de relever tous ces défis en vase clos. Même si je n’ai jamais donné de cours en ligne auparavant, beaucoup de mes collègues l’ont déjà fait. Il y a deux semaines, j’ai demandé à certains d’entre eux s’ils avaient des conseils pour les chargés de cours qui devront faire de l’enseignement en ligne au semestre d’automne 2020. Voici ce qu’ils avaient à dire.

1. N’essayez pas de reproduire avec des activités en ligne tout ce que vous faites lorsque vous enseignez en personne. Comme je l’ai mentionné auparavant, vous devez garder en tête que l’enseignement en ligne, c’est bien plus que verser du contenu en ligne. Il faut également garder à l’esprit que nous fonctionnons tous à capacité réduite actuellement. Alors au lieu de simplement essayer de reproduire vos cours en personne dans un environnement virtuel, réfléchissez soigneusement à une présentation constructive : ce que vous voulez démontrer dans le cours et ce que vous souhaitez que vos étudiants apprennent, plutôt que seulement ce que vous voulez enseigner. Et concentrez-vous là-dessus. Élargissez votre compréhension de l’apprentissage et de l’enseignement, et pensez à des façons nouvelles et moins conventionnelles d’organiser vos cours en mettant l’accent sur l’apprentissage plutôt que sur le contenu. Parfois, avec le contenu, on peut faire plus avec moins.

2. Dans la mesure du possible, utilisez les ressources en ligne existantes. Vous devez déjà gérer une grosse charge de travail, alors l’utilisation des ressources existantes peut vous faciliter un peu la vie. Pourquoi partir de zéro si vous pouvez déjà avoir une longueur d’avance? Adoptez la démarche de Mary Chaktsiris et considérez-vous comme un gardien de contenu. Internet regorge de ressources pédagogiques exceptionnelles, et il existe même des compilations pour différentes matières (souvent décrites comme des plans de cours communautaires). Rassemblez du contenu et des expériences en ligne. Structurez-les en thèmes qui tiennent compte des objectifs d’apprentissage de votre cours. Les ressources multimédias comme les balados, les vidéos, les documentaires et les galeries d’images sont particulièrement utiles. Dans le même ordre d’idées, n’oubliez pas d’utiliser les ressources dont dispose déjà votre établissement! Beaucoup d’universités offrent des webinaires sur l’enseignement en ligne, et bon nombre d’excellents centres d’enseignement et d’apprentissage partout au pays ont publié des guides intéressants. Vous en trouverez quelques-uns ci-dessous.

3. Veillez à rendre votre contenu accessible. Bon nombre des préoccupations dont Mary Chaktsiris et moi avons fait état dans un article précédent demeurent : les étudiants n’ont pas tous accès à des ordinateurs ou à Internet à l’extérieur du campus, ou ne possèdent pas nécessairement de compétences techniques avancées. Faites preuve de modération quant au nombre d’outils technologiques que vous introduisez dans votre cours. Si vous enregistrez des vidéos, veillez à mettre des sous-titres afin que des étudiants S/sourds ou malentendants puissent tout de même utiliser votre matériel. Vous pouvez le faire vous-même ou encore utiliser un service payant dont les coûts sont variables, ou encore un service automatisé, puis apporter les corrections nécessaires.

4. Utilisez le meilleur équipement dont vous disposez. Soyons francs : l’équipement d’enregistrement coûte cher. Il n’est donc pas à la portée des bourses de la plupart des étudiants aux cycles supérieurs ou des chargés de cours au statut précaire. Ne vous en faites donc pas si vous vous contentez de la caméra et du microphone de votre portable. Si vous vous trouvez dans cette situation, communiquez avec le service informatique de votre établissement pour profiter de toute source de soutien ou de financement disponible. Bon nombre d’universités, y compris plusieurs de celles pour qui j’ai travaillé, prêtent aux membres de leur corps professoral des ordinateurs et de l’équipement d’enregistrement. Mais si vous pouvez vous le permettre, Mohammad Keyhani a quelques bonnes suggestions d’équipement très intéressant. Je recommande particulièrement le micro Blue Yeti, d’excellente qualité et facile à utiliser.

5. Communiquer, communiquer, communiquer. Même dans les meilleures conditions, les cours en ligne peuvent être source de difficultés et d’isolement pour les étudiants. Au semestre d’automne 2020, beaucoup d’étudiants n’auront jamais suivi de cours en ligne, ou en suivront uniquement parce qu’ils y sont contraints. Une des meilleures façons de les aider, et de favoriser leur apprentissage, est de communiquer régulièrement avec eux. Plusieurs personnes recommandent de multiplier les annonces dans vos cours afin que les étudiants restent sur la bonne voie. Ainsi, non seulement vous les aiderez à respecter les dates butoirs, mais ils vous seront aussi reconnaissants de votre intérêt pour leur bien-être et leur réussite. Rebecca Beausaert recommande d’annoncer au début de chaque semaine les activités et les dates butoirs. Dans la même veine, Ian Milligan fait lui aussi des annonces hebdomadaires dans lesquelles il donne des nouvelles d’intérêt, de l’information sur ce qui se passe dans sa vie et rappelle les dates butoirs des travaux. Sean Kheraj a également rappelé l’importance d’offrir des heures de bureau virtuel ou de visite en personne afin de créer un lien plus direct avec vos étudiants. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de tels liens.

6. Favoriser un sentiment d’appartenance. Ce point est particulièrement important en ce moment, puisque les étudiants ne pourront pas tisser de liens comme ils le feraient dans une classe normale. Une des meilleures méthodes consiste à utiliser la fonction de babillard incluse dans la plupart des systèmes de gestion de l’apprentissage. Ian Milligan propose d’obliger les étudiants à effectuer deux publications hebdomadaires : une consacrée aux invitations à la discussion et une autre pour répondre à la publication d’un de leurs pairs. Cette méthode contribue à favoriser de vraies discussions. Il recommande également de créer de petits groupes de quatre à six étudiants qui travailleront ensemble pendant tout le semestre. Dans de plus petits groupes comme ceux-ci, les étudiants peuvent apprendre à se connaître tout en demeurant motivés. J’ai personnellement connu beaucoup de succès avec la technique des petites équipes lors de mes discussions de groupe dans des cours en personne, alors je vous la recommande fortement. Finalement, assurez-vous de participer vous aussi. C’est une autre technique qui s’applique aussi bien en personne qu’en ligne. Vous n’avez pas besoin de répondre personnellement à chaque publication, mais essayez de tout lire et de répondre à quelques publications ou fils de discussion.

7. Soyez un exemple de bonté. Ou, dans les mots de Samantha Cutrara : « Profitez de ce moment pour montrer à vos élèves que vous aussi êtes humain. » Il s’agira d’une nouvelle expérience pour la plupart d’entre nous. Acceptez le fait que vos étudiants et vous commettrez des erreurs. Et ce n’est pas grave. Les erreurs sont des occasions d’apprentissage, pas des sources de honte. Privilégiez la souplesse à la rigidité, parce que cette souplesse vous permettra de réagir plus facilement aux complications imprévues. Et il y en aura. Ce que j’essaie de dire, c’est que vous devriez régulièrement vérifier comment vont vos étudiants, leur donner l’espace et l’occasion de s’exprimer à ce sujet et leur indiquer comment vous, vous allez! Peut-être que vous voudrez aussi partager des techniques de gestion du stress, comme pratiquer des activités qui font plaisir ou développer une nouvelle compétence.

Même si nous aurons plus de temps pour nous préparer en vue du semestre de l’automne 2020 et que les défis à relever seront différents, nous n’en serons pas moins en situation d’urgence. Mais ne vous méprenez pas, les circonstances sont encore tout sauf normales. Nous vivons toujours un traumatisme collectif. Et plusieurs mois après le début de la pandémie, toutes nos vies ont été chamboulées d’une façon que nous commençons à peine à comprendre. À cause de la COVID-19, nous sommes nombreux à avoir perdu un être cher, des sources de revenus ou une demeure. Et le traumatisme que nous vivons est devenu la norme. Vos étudiants n’auront peut-être pas la même capacité de concentration qu’à pareille date l’an dernier. De plus, bon nombre d’étudiants n’ont pas l’habitude de travailler de façon autonome, et l’apprentissage en ligne nécessite une certaine dose de discipline personnelle. Vous aussi aurez peut-être de la difficulté à vous concentrer. Il n’est pas faux de dire qu’un arrosoir vide ne peut nourrir aucune fleur. Les professeurs aussi doivent vivre et travailler malgré la pandémie de COVID-19, et nous devons également prendre soin de nous-mêmes.

N’oubliez pas que nous tentons tous de faire de notre mieux dans une situation difficile. Vous devriez continuer d’accorder la priorité à l’attention et au soutien que vous apportez à vos étudiants tout en prenant soin de vous. Ainsi, en faisant une large place à la sollicitude et à la collectivité, nous survivrons à cette épreuve ensemble.

Mes sincères remerciements à Samantha Cutrara, Mary Chaktsiris, Ian Milligan, Sean Kheraj, Shawn Graham, Rebecca Beausaert, Jeremy Milloy, Stacy Zembryzcki, J. Sheldon MacLeod et Susan Jourdrey pour leurs réponses généreuses. Une mention spéciale à Samantha Cutrara et à Mary Chaktsiris pour leurs commentaires sur les versions préliminaires de cet article.

Andrea Eidinger a été chargée de cours dans plusieurs universités de la Colombie-Britannique. Elle est la créatrice et rédactrice du blogue Unwritten Histories, consacré à l’Histoire du Canada.

COMMENTAIRES
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  1. François Guillemette / 11 juin 2020 à 15:48

    C’est certain que si on dit en amont que c’est « très complexe », ce le sera. Mais on peut aussi apprendre pas à pas en progressant du simple au complexe. Je dis ça, je dis rien.

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