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Conseils carrière

Les introvertis et les conférences

De nombreux professeurs sont introvertis, mais les organisateurs de conférences axées sur l’enseignement n’en semblent guère conscients.

par ADAM CHAPNICK | 25 JUIN 14

Depuis 10 ans, les conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage se multiplient en Amérique du Nord.

Désormais, les organisations qui s’emploient à favoriser le partage du savoir par des moyens interactifs ne manquent pas, qu’il s’agisse, ici au Canada, de la Société pour l’avancement de la pédagogie dans l’enseignement supérieur (SAPES) ou du Réseau de formateurs en pédagogie de l’enseignement supérieur (RFPES), ou encore, aux États-Unis, du Professional and Organizational Development Network in Higher Education (POD) ou de Teaching Professor.

Cette nouvelle interactivité entre les apprenants, les professeurs, les étudiants et leurs collègues du milieu universitaire se reflète en général dans l’organisation des conférences elles-mêmes. D’après mon expérience, en effet, dans la plupart des cas, les participants sont vivement encouragés à prendre part à chacune des séances proposées, voire tenus de le faire.

Le prix des repas est de plus en plus intégré aux frais exigés des participants, afin que ces derniers puissent, tout en mangeant, discuter autour de tables agencées de manière à favoriser les échanges sur les thèmes de la conférence.

Toujours d’après mon expérience, les conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage sont désormais marquées par une ouverture et une convivialité sensiblement plus importantes que celles qui caractérisent habituellement les rencontres savantes réservées aux membres d’une discipline. Les conférenciers vedettes se montrent tout aussi désireux de s’adresser aux étudiants aux cycles supérieurs qu’à leurs propres collègues. Les participants, quant à eux, sont ravis de faire la connaissance des personnes qui assistent pour la première fois à ce genre d’exercice.

Cela dit, poussée trop loin, l’ouverture qui caractérise ces conférences peut conduire certains participants à se sentir isolés, voire menacés.

En effet, pour certaines personnes introverties, l’exubérante convivialité des conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage est écrasante. Comme l’explique Susan Cain dans son succès de libraire Quiet: The Power of Introverts in a World that Can’t Stop Talking, entre un tiers et la moitié des Nord-Américains « ont besoin d’être seuls pour recharger leurs batteries ». C’est là une chose inconcevable pour les extrovertis (donc, apparemment, pour la plupart des participants aux conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage), qui semblent plutôt « avoir au contraire besoin de sociabiliser pour recharger leurs batteries ».

Ce n’est pas que les introvertis, comme moi, soyons forcément timides. Simplement, nous nous sentons plus à l’aise seuls avec nos pensées. Nous pouvons nous montrer tout aussi enthousiastes et enclins à participer que les introvertis, mais nous nous épuisons plus vite à le faire.

La dernière fois où je me suis rendu à une conférence axée sur l’enseignement et l’apprentissage, j’ai présenté un exposé lors de la première séance, suis ensuite allé prendre un café afin de poursuivre la discussion, puis j’ai assisté et participé à une deuxième séance avant que n’arrive enfin l’heure du déjeuner.

À ce stade, même si le repas était compris dans le prix de la conférence, j’ai vraiment ressenti le besoin de me retrouver seul. Je me suis réfugié à l’autre bout du campus, dans un restaurant rapide isolé, ai retiré le badge à mon nom que je portais et suis ainsi resté seul avec moi-même, en paix.

Je ne l’ai pas fait par insatisfaction vis-à-vis des organisateurs de la conférence, ou pour me montrer antisocial. Simplement, j’étais conscient que j’avais atteint mes limites, que je ne pourrais donner le meilleur de moi-même par la suite sans me retrouver d’abord seul un moment.

Cette anecdote montre à quel point les conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage peuvent, si leurs organisateurs ne se montrent pas particulièrement attentifs, donner aux introvertis un sentiment de honte.

Un participant à une conférence organisée par POD m’a d’ailleurs dit un jour en plaisantant que cet acronyme signifie en réalité « Participez ou mourrez ». En exigeant la participation de chacun à la moindre table ronde et au moindre atelier, en imposant la prise des repas en commun et en laissant entendre, voire en affirmant explicitement, que « l’ouverture » est préférable au caractère plus intime des rencontres réservées aux membres d’une discipline, les organisateurs de conférences véhiculent l’idée selon laquelle l’introversion serait anormale, synonyme d’égoïsme ou même condamnable.

Je détesterais que le côté ouvert et communautaire des conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage disparaisse. Je pense toutefois que des solutions relativement simples gagneraient à être mises en œuvre pour faire en sorte que tant les introvertis que les extrovertis se sentent bien dans le cadre de ces conférences. Voici deux de ces solutions :

  1. 1. Il serait souhaitable qu’en s’inscrivant à une conférence, chaque participant soit tenu de préciser, si tel est le cas, (1) qu’il est étudiant aux cycles supérieurs, (2) qu’il en est à sa première participation à ce genre d’exercice, et (3) qu’il est en quête d’un mentor. Tout participant répondant au moindre de ces critères devrait alors se voir affecter un mentor chargé de communiquer avec lui avant la conférence, puis de l’accueillir à son arrivée. Ce mentor serait également tenu de veiller à ce que le participant puisse s’intégrer au groupe à son rythme. (Les organisateurs de conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage n’auront sûrement aucun mal à trouver le nombre de mentors bénévoles nécessaire.)
  2. 2. Tout en continuant à prévoir des discussions thématiques à l’heure de repas, les organisateurs devraient veiller à ce qu’aucun participant ne soit contraint d’y assister. Le prix des repas devrait en outre être retranché de la somme exigée des participants qui préfèrent manger seuls.

Même si je suis souvent rebuté par certains aspects des conférences axées sur l’enseignement et l’apprentissage, je trouve ces conférences tout à fait valables et très utiles. Simplement, dès l’instant où chacun est tenu de participer à toutes les activités, j’ai du mal à m’adapter. Il suffirait de changer quelques petites choses, et de mieux prendre en compte les différences entre introvertis et extrovertis, pour rendre ces conférences plus agréables aux personnes introverties comme moi.

Adam Chapnick est directeur adjoint de l’éducation au Collège des Forces canadiennes.

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