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Conseils carrière

Les médias sociaux, outil d’enseignement révolutionnaire ou source de distraction en classe?

Échanger avec des étudiants connectés en permanence aux médias sociaux, en classe comme ailleurs, présente de multiples possibilités, défis et pièges.

par DAVID SMITH | 05 AVRIL 17

J’offre mes heures de disponibilité le vendredi après-midi, ce qui déplaît à certains de mes étudiants. Pour me préparer à ces rencontres pédagogiques en personne remontant à une époque lointaine, je mets de l’ordre dans mon bureau. Je mets au recyclage les bouts de papier inutiles, je jette mes cafés à moitié bus et je branche même parfois un assainisseur d’air. Puis, assis dans mon fauteuil pivotant, j’attends l’affluence d’étudiants au premier cycle et leurs questions sur la génétique.

Dernièrement, un phénomène se produit dans mon bureau. Les réponses ou explications détaillées que je donne à un étudiant me reviennent une heure plus tard, sous la forme de questions complémentaires posées par un autre étudiant, qui ne se trouvait même pas dans la pièce au moment de la conversation initiale. Comment les informations que je fournis dans des discussions prétendument privées circulent-elles si rapidement? Selon mon enquête sommaire, mes étudiants en génétique de deuxième année ne sont pas télépathes. Ils tirent tout simplement avantage des médias sociaux.

J’ai en effet découvert que mes échanges avec eux pendant mes heures de disponibilité se retrouvent en temps réel sur Twitter, Facebook et différents blogues. L’étudiante discrète assise sur le sofa de mon bureau, qui tape sur son appareil, ne prend pas de notes. Elle publie en direct ce que je dis dans le groupe Facebook créé spécialement pour mon cours. Et la question intéressante qu’elle soulève n’est pas le fruit de la discussion constructive en cours. Elle l’a plutôt reçue par message texte d’un autre étudiant qui se trouve à Toronto pour la fin de semaine.

Ces activités en ligne ressemblent parfois à de l’espionnage, mais elles sont très utiles. Comme les étudiants affichent mes réponses sur Facebook ou Twitter, je n’ai pas à expliquer les mêmes concepts maintes et maintes fois. Ceux qui sont à l’extérieur reçoivent aussi l’information, ce qui m’aide à communiquer avec tout le groupe. En revanche, si ma réponse est inappropriée ou que j’en dis un peu trop au sujet de l’examen, mes paroles sont diffusées à des centaines d’étudiants et reviennent parfois me hanter.

Échanger avec des étudiants connectés en permanence aux médias sociaux, en classe comme ailleurs, présente de multiples possibilités, défis et pièges. Le plus difficile pour les chargés de cours est bien entendu d’attirer et de retenir l’attention des étudiants, en cette ère où les écrans sont omniprésents et où un clic n’attend pas l’autre. Alors comme je ne peux pas les battre, je me rallie à eux.

Je suis encore un utilisateur novice de Twitter et des autres médias sociaux, comme Instagram et Medium. Toutefois, je montre de l’ouverture, et j’envisage avec un optimisme prudent d’intégrer ces plateformes et d’autres technologies modernes au travail en classe. Je compte bientôt commencer à échanger avec mes étudiants sur les médias sociaux avant, pendant et après les cours. En révisant mes documents PowerPoint en vue du prochain semestre, j’ai déjà commencé à y ajouter des mots-clics et des exemples de publications pour Twitter, dans l’espoir d’alimenter la discussion en ligne qui se déroule en classe.

Malgré les avantages, les activités en ligne peuvent rapidement devenir une source d’angoisse. Comme un grand nombre d’étudiants (plus de 1 000) suivent mon cours, je suis terrifié à l’idée de commettre une maladresse sur les médias sociaux. Bien sûr, jamais je ne prononcerais ou n’écrirais délibérément des mots offensants ou indécents. Mais il peut nous arriver à tous de faire des commentaires qui semblent ridicules, stupides ou involontairement déplacés, surtout s’ils sont pris hors contexte. Ma crainte de me discréditer publiquement est vive, puisque je sais que pendant que j’enseigne, des centaines de téléphones intelligents sont prêts à capter la moindre remarque désobligeante ou bêtise qui sortirait de ma bouche.

Une recherche sur les médias sociaux me permet aussi d’évaluer (de façon subjective) l’insatisfaction de certains étudiants à l’égard de ma façon d’enseigner et de noter. Si je consulte mon profil sur le site d’évaluation Rate My Professors après un examen de mi-semestre ou un examen final, je sais à peu près combien d’étudiants n’ont franchement pas apprécié les questions (malheureusement, ils affichent rarement des commentaires lorsque l’examen leur a paru juste).

Je n’aime pas lire de tels commentaires négatifs. Cependant, s’ils sont constructifs, ils m’aident à améliorer mon enseignement. Et parfois, ils me font bien rire : « Le professeur Smith est comme un petit oiseau : il cherche à tout prix notre attention et passe son temps à jacasser. »

Nos vies publique, privée et professionnelle se passent de plus en plus en ligne. Il est indéniable que les médias sociaux s’infiltrent dans tous les volets de notre quotidien. Lorsqu’ils sont mis à profit efficacement, ils constituent un outil de communication révolutionnaire, qui dynamise les échanges. Toutefois, ils représentent aussi une source de distraction et véhiculent un contenu trop souvent violent et malsain. Sur le plan personnel et professionnel, j’essaie d’accueillir ces nouvelles réalités. Je crains par contre que le déferlement continu de haine en ligne n’occulte les changements positifs.

David Smith est professeur adjoint au département de biologie de l’Université Western. Il est présent en ligne à www.arrogantgenome.com.

COMMENTAIRES
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  1. Lise Lévesque / 6 avril 2017 à 17:42

    J’ai souvent constaté des manifestations de ce phénomène en tant que chargée de cours. Je le prend maintenant pour acquis.

    Cette rapidité à rejoindre un grand nombre d’étudiants sans même qu’on le veule est anxiogène. Il est maintenant possible d’en faire tellement plus avec les technologies. Où et comment mettre ses limites?

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