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Conseils carrière

Les pour et les contre de la corédaction en sciences humaines

par AIMÉE MORRISON, ERIN WUNKER AND HEATHER ZWICKER | 07 NOV 11

Si vous poursuivez des études supérieures en sciences humaines, les bonnes raisons de cosigner un article avec votre directeur de thèse ne manquent pas. Il se peut en effet que votre relation de travail avec votre directeur de thèse soit si complexe que la distinction de vos contributions respectives poserait problème. Il se peut également que vous considériez qu’un article corédigé se voit accorder plus de valeur que si vous-même et votre directeur de thèse exposiez vos idées chacun de votre côté.

La corédaction n’est pas la norme en sciences humaines. Vous devez par conséquent bien mesurer les pour et les contre de cette démarche.

En pratique, le fait de collaborer avec votre professeur peut à la fois influer sur le processus de rédaction et vous aider à mieux cerner ce qu’est vraiment un article digne d’être soumis pour publication, que ce soit dans une revue ou dans le cadre d’un congrès. Il est par ailleurs préférable de cosigner des articles dans de véritables revues universitaires plutôt que de signer seul des articles dans de simples revues de premier cycle ou d’études supérieures. La corédaction donne de ses auteurs l’image de gens sérieux, non uniquement mus par l’ambition. Votre professeur pourra peut-être même consentir à rédiger une lettre faisant état de votre contribution, qui fera bonne figure dans votre dossier. La corédaction favorise en outre la réflexion sur le processus de rédaction en plus de donner lieu, jusqu’au terme de celui-ci, à de très précieux échanges.

Contrairement à ce qui est le cas en sciences, les notions de premier auteur, de deuxième auteur, etc., n’existent pas en sciences humaines. Le principal organisme subventionnaire axé sur les sciences humaines, à savoir le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ne reconnaît en effet parmi les coauteurs d’un article que le « chercheur principal » et son « collaborateur ». Comme la corédaction reste peu courante en sciences humaines, et la contribution précise de chaque auteur difficile à évaluer, beaucoup continuent d’estimer, à tort, que le coauteur d’un article signé à deux, par exemple, n’a accompli que la moitié du travail, au lieu de considérer que la totalité du travail est l’œuvre collective des deux coauteurs.

Quand vient le temps de dénombrer les articles publiés en fin d’année, un article corédigé ne compte que pour un demi-article. Une fois arrivé sur le marché du travail, vous risquez également, en tant que coauteur, que l’on s’interroge sur ce que vous avez personnellement accompli comme travail. Votre directeur de thèse vous a-t-il simplement fait une fleur, vous autorisant à exploiter la présence de son nom au côté du vôtre pour décrocher un poste? Quelle part des idées exprimées vient vraiment de vous? Avez-vous personnellement mené les recherches sur lesquelles s’appuie l’article, ou vous êtes-vous contenté de le peaufiner avant sa soumission pour publication?

Sur le plan personnel, vous devez comprendre que le fait de corédiger avec un professeur modifiera votre relation avec votre directeur de thèse, qu’il soit ou non votre collaborateur. Cela influera aussi sur votre relation avec les autres étudiants aux cycles supérieurs, pour le mieux à maints égards, mais sachez que tout risque de jalousie ou de ressentiment de leur part n’est pas exclu.

Heureusement, comme les chercheurs en sciences humaines corédigent de plus en plus d’articles, les choses évoluent, bien que lentement. Cette évolution n’est peut-être pas étrangère aux aspirations professionnelles des jeunes chercheurs.

Bien sûr, vous ne souhaitez pas accéder au marché du travail en n’ayant à votre actif que des articles corédigés, mais vous souhaitez également mettre toutes les chances de votre côté. Alors, ne renoncez pas à ce que la publication peut vous apporter sur les plans intellectuel et professionnel. Voici cinq conseils à prendre en compte avant de vous lancer dans ce genre de projet :

  1. Veillez à ne cosigner que des articles qui comptent vraiment, non de simples comptes rendus ou autres courts textes savants du même ordre. Veillez également à ce que tout article coécrit avec votre professeur soit examiné par les pairs et publié dans les meilleures revues possible.
  2. Discutez sérieusement avec votre collaborateur du processus de rédaction, et de vos attentes. Établissez des objectifs précis et déterminez exactement ce qu’il faudra pour les atteindre. Par exemple, le fait d’indiquer que « la version préliminaire de la seconde section devra être prête dès avril » signifie-t-il que les paragraphes qui la composent devront être entièrement rédigés avant cette échéance, ou que seule une liste des points abordés suffira? Et « dès avril » signifie-t-il « le 1er avril »… ou « avant le 15 avril »? N’oubliez pas non plus que même les objectifs clairement formulés peuvent ne pas être atteints : discutez à l’avance de ce que vous ferez en pareil cas.
  3. Déterminez clairement en quoi votre projet de corédaction est lié à votre thèse. Pourrez-vous tirer parti, dans d’autres cadres, des idées exprimées dans l’article? Pourrez-vous intégrer des sections entières de celui-ci à votre thèse de doctorat? Faites en sorte que votre collaborateur et le comité de surveillance cernent bien les liens entre ces deux projets étroitement liés, mais distincts.
  4. Discutez de la manière dont vous souhaitez que votre contribution soit reconnue. La démarche égalitaire suivie en sciences humaines, qui consiste à citer les coauteurs par ordre alphabétique comme tel est le cas en tête du présent article, n’est pas forcément à votre avantage, a fortiori si vous accomplissez la majeure partie du travail. N’hésitez pas à aborder la question de l’ordre dans lequel les noms des coauteurs apparaîtront. Et demandez dès le départ à votre collaborateur s’il entend rédiger une lettre faisant état de votre contribution.
  5. Fixez-vous enfin pour principe de ne pas publier plus d’un article corédigé sur trois.

Aimée Morrison, Erin Wunker et Heather Zwicker sont les créatrices et rédactrices en chef du blogue Hook and Eye.

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