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Conseils carrière

Quand un plan de cours permet de raconter une histoire

par RAUL PACHECO-VEGA | 11 JAN 16

Plus tôt cette semaine, je me suis aperçu que nous entamions la deuxième moitié du semestre (nos semestres sont inhabituellement longs, 16 semaines de cours au lieu des 13 auxquelles j’étais habitué au Canada). J’ai donc ajouté quelques diapositives à ma présentation PowerPoint afin de récapituler les notions déjà abordées et de donner un aperçu des exposés à venir. Un tableau sommaire illustre à quelle étape nous sommes rendus dans le déroulement du cours. Évidemment, mes étudiants et moi comprenons parfaitement que nos parcours et rôles diffèrent. Dans mes réflexions sur l’enseignement, je m’imagine comme le capitaine d’un navire dont l’équipage serait formé d’étudiants. Je lis la carte et je maintiens le cap, tandis que mes étudiants exécutent toutes les manœuvres qui permettront au navire d’arriver à bon port.

J’aime planifier mes exposés, sélectionner les textes à lire, choisir les notions à définir et préparer des exposés qui favoriseront l’apprentissage des étudiants. Je trouve intéressant d’incorporer des éléments de récit à chacun de mes exposés, mais également à l’ensemble de mon cours. Bien que je n’enseigne pas comment raconter une histoire (un sous-champ d’études et de pratique distinct qui relève à la fois des sciences humaines numériques et de la création littéraire), j’ai été formé sur la façon de le faire et cette formation se traduit dans ma façon d’enseigner. J’adore intégrer une structure narrative à mes cours. Je crois que les procédés narratifs constituent un puissant outil dans le domaine de la recherche et de l’enseignement et qu’ils ont le potentiel d’enrichir l’expérience étudiante.

En ajoutant certaines structures narratives à mon plan de cours, j’enseigne le principe de cheminement progressif qui, ultimement, mène à l’obtention d’un diplôme. Ces structures se présentent de la façon suivante : en tant qu’analyste et intervenant dans le secteur des politiques publiques, il vous faudra maîtriser un ensemble d’outils précis. Voici donc les outils dont vous aurez besoin pour faire A, B et C. Outre ces outils, vous chercherez probablement à vous familiariser avec certaines autres techniques. Toutefois, vos outils de base resteront X, Y et Z. Au terme de ce cours, vous serez en mesure de faire R, S et T. À titre d’exemple, voici la structure narrative que j’emploie pour mon cours sur le développement régional :

« Selon moi, tous les étudiants du domaine des politiques publiques doivent avoir une bonne perception de l’espace. Ils doivent comprendre le rôle que jouent l’espace, l’endroit et le lieu dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les principes de géographie économique (semaines 1 à 3). En vertu de ces principes, nous verrons qu’il existe au moins quatre types de modèles de développement régional (semaines 4 et 5). L’un de ces modèles, probablement le plus fréquent au Mexique à l’heure actuelle, est le développement régional fondé sur les pôles de compétitivité. Nous analyserons donc la nature des pôles de compétitivité (semaine 6), les différents types de pôles (semaine 7) et la façon d’établir une correspondance entre professions et emplois au sein de ces pôles de compétitivité. Nous devrons également aborder le cycle de vie spécifique de ces pôles (semaine 9). Quand nous aurons appris en quoi les pôles de compétitivité ne sont pas éternels, nous examinerons les lacunes et les désavantages qui leur sont associés (semaine 10). Les semaines qui suivent seront axées sur les difficultés auxquelles les régions sont confrontées (semaine 11, régions résilientes) et la possibilité de déclin industriel (semaine 13). Nous discuterons aussi des mégavilles, de la ville en tant qu’élément central de la région, ainsi que des politiques qui régissent la vie quotidienne en milieu urbain (semaines 12 et 14). Enfin, nous nous pencherons sur la planification urbaine et régionale en conditions réelles (semaines 15 et 16) et sur l’élaboration de politiques publiques de développement régional solides et factuelles, qui tiennent compte de l’espace et des données. »

Un récit est donc associé à chaque étape du cours et j’explique à mes étudiants pourquoi je consacre cinq semaines à la théorie des pôles de compétitivité. Si je ne revenais pas régulièrement à mon plan de cours, mes étudiants pourraient perdre le fil du cours (compte tenu des nombreux textes à lire — environ 120 pages par semaine) et ne pas comprendre que les textes et les sujets choisis ont des fonctions précises, tout comme l’ordre dans lequel ils sont présentés. Ces éléments établissent le contexte, le contenu et la structure.

Les universitaires craignent souvent d’utiliser le récit comme un outil pédagogique. Les professeurs répugnent à se départir de leur image « d’érudits rigoureux » pour endosser celle de « conteurs ». Je repense souvent à la conférence TED de Brené Brown sur le pouvoir de la vulnérabilité. Au début de son exposé, elle décrit son malaise d’être considérée comme une « conteuse » : Je peux être à la fois une conteuse et une chercheuse en sciences humaines; peut-être que les histoires sont juste des données scientifiques avec une âme. D’une certaine façon, je vois ces récits dans mon plan de cours comme des histoires à raconter sur les compétences et les habiletés que doivent acquérir les étudiants. Et il s’agit toujours de beaux récits à partager.

Raul Pacheco-Vega est professeur adjoint d’analyse comparative des politiques publiques au Centre de recherche et d’enseignement économiques (Centro de Investigación y Docencia Económicas, CIDE) à Aguascalientes, Mexique.

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