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Conseils carrière

Qu’est-ce qui se cache derrière un essoufflement professionnel en milieu de carrière?

Coup d’œil sur les obstacles que rencontrent communément les professeurs dans leurs activités de recherche après l’obtention de la permanence.

par TIM KENYON | 03 NOV 20

Comment définir un essoufflement des activités de recherche en milieu de carrière? Dans le milieu universitaire, nous sommes nombreux à avoir constaté qu’à l’enthousiasme à l’idée d’obtenir la permanence, puis à l’énergie déployée pour l’obtenir et à l’anxiété qui en découlait, succédait souvent un essoufflement des activités de recherche. Cette situation peut alors causer à son tour une baisse du moral et de l’engagement et une rupture de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ces difficultés émaillent le parcours de multiples professeurs et chercheurs en milieu de carrière, suscitant dans leur sillage questionnements et remises en cause. Pour être clair, quand je parle de « milieu de carrière », j’inclus les professeurs qui ont obtenu la permanence depuis deux à douze ans environ — oui, je sais, la fourchette est imprécise. Mais libre à chacun de se reconnaître dans cette expression même s’il ne remplit pas ce critère. Les chercheurs de ce groupe se retrouvent généralement autour de difficultés et d’un vécu communs. Toutefois, dans le cadre de ce texte, je m’intéresse plus particulièrement à l’expérience des professeurs qui souhaitent dynamiser leurs activités de recherche.

Dans cette série en trois parties, je présenterai certains des obstacles que rencontrent fréquemment les professeurs en milieu de carrière dans leurs activités de recherche, je proposerai des stratégies et des conseils afin d’éviter un essoufflement professionnel, et je donnerai des solutions pour que cette baisse de régime ne mette pas définitivement votre carrière universitaire au point mort. Une partie de ce que j’écris ici s’applique également aux chargés de cours contractuels et aux chercheurs non permanents, mais ces collègues connaissent des expériences et des défis propres à leur situation.

Pour commencer, examinons certaines des difficultés auxquelles sont souvent confrontés les professeurs en milieu de carrière dans leurs activités de recherche :

Un essoufflement professionnel postpermanence

Préparer sa permanence est souvent synonyme d’augmentation exponentielle de la productivité et de l’anxiété. Une fois la permanence obtenue, vous pourriez avoir moins de travail en perspective et être épuisé par la pression et le stress. Dans ces circonstances, un ralentissement est tout à fait naturel. Mais ce ralentissement dure parfois jusqu’à devenir la norme, surtout quand votre temps et votre attention sont constamment sollicités.

Le poids des tâches auxiliaires

Si certains comités universitaires exigent officiellement que leurs membres soient des professeurs permanents, d’autres privilégient simplement les collègues qui maîtrisent leur sujet. Toujours est-il qu’avec l’expérience et l’ancienneté, les membres du corps professoral se retrouvent à jongler avec des engagements de plus en plus nombreux. Les chercheurs en milieu de carrière, jusqu’alors relativement épargnés par les fonctions administratives, sont désormais en position de protéger leurs jeunes collègues. Entre charge d’enseignement complète au premier cycle, recrudescence des demandes de supervision aux cycles supérieurs, et multiplication des autres engagements, la pression sur le temps de recherche peut être forte et faire vaciller la perception que l’on a de sa propre valeur pour l’université.

Les tracas de l’existence

Si les chercheurs en milieu de carrière sont d’âges variés, les soucis familiaux et les tracas de santé semblent très souvent accaparer leur temps, leur énergie et leur esprit. Il n’est pas rare que les chercheurs de ce groupe démographique passent sans transition de l’éducation de jeunes enfants à la prise en charge de parents âgés — quand ce n’est pas carrément les deux en même temps. Il est difficile de se concentrer sur des travaux de recherche lorsque la famille et la santé monopolisent toute notre attention.

Un déphasage par rapport aux travaux de recherche en cours

Après l’obtention de la permanence, même un bref essoufflement professionnel pourrait vous faire craindre d’avoir perdu le contact pendant que vous étiez moins actif dans votre domaine. Soudain, vous avez peut-être l’impression d’être en décalage avec les problématiques du moment et les nouveaux ouvrages. Si vous avez raté des événements majeurs dans votre discipline, vous pourriez aussi vous sentir à l’écart alors que vous entreteniez naguère des relations de travail avec d’autres chercheurs. En outre, à mesure que vos préférences évoluent, il est possible que des sujets de recherche que vous trouviez autrefois captivants vous laissent aujourd’hui de marbre. Découvrir qu’un domaine de recherche et d’expertise, qui semblait auparavant faire partie intégrante de vous-même, ne vous intéresse ou ne vous motive plus est parfois déstabilisant.

Une perte de ressources

Un essoufflement professionnel ou des infortunes successives peuvent jouer dans la course aux subventions : baisse du financement, accès réduit aux laboratoires, diminution du nombre d’étudiants aux cycles supérieurs, et autres pertes sur le plan de la capacité de recherche. C’est à mesure que l’« effet Matthieu » se met en place que le cercle vicieux s’enclenche. En ayant moins de ressources, il devient alors encore plus difficile d’en obtenir pour accroître ses moyens de recherche. Les programmes de subvention qui comportent une catégorie distincte pour les chercheurs en début de carrière sont d’un grand secours lorsqu’on démarre. Mais si le ralentissement de vos activités de recherche intervient alors que vous n’êtes plus admissible, vous pourriez être désavantagé par rapport aux autres chercheurs chevronnés, dans un groupe où la concurrence est (en théorie) plus rude.

Mis bout à bout, ces défis peuvent affecter les chercheurs, habitués à être des universitaires très actifs et perçus comme tels. C’est une situation que j’ai moi-même vécue et, au fil des ans, j’ai travaillé avec d’autres personnes dans le même cas et les ai conseillées.

Il convient par ailleurs de noter que les femmes, les personnes de couleur, les personnes handicapées, les Autochtones et les membres de groupes sous-représentés, ou marginalisés, dans le milieu universitaire subissent à l’extrême les pressions résumées ici. En effet, en raison de politiques bien intentionnées exigeant que les Comités de gouvernance universitaire tiennent compte de la diversité, les membres de ces groupes peuvent recevoir un nombre considérable de sollicitations. Ces objectifs de diversité et d’inclusion sont alors susceptibles de créer une surcharge émotionnelle (« Si je n’assume pas personnellement ces fonctions, les objectifs ne seront pas atteints pour les étudiants et les collègues qui me succéderont »).

Quoi qu’il en soit, ces pressions peuvent provoquer gêne et embarras chez certaines personnes : « J’étais à la fine pointe dans mon domaine. Mes collègues ou mes étudiants me voient-ils maintenant comme un traînard? »

D’autres pourraient se laisser gagner par le pessimisme : « Ce serait tellement de travail de se remettre dans le bain. Je n’ai absolument pas le temps en ce moment. Est-ce que j’ai raté l’occasion de devenir un chercheur performant? »

Il est possible que d’autres encore se sentent coincés : « Je ne veux pas me consacrer uniquement à l’enseignement ou à l’administration. Mais, au moins, ce sont des moyens d’apporter ma pierre à l’édifice sans me lancer dans un projet pharaonique de remise à jour scientifique, que je n’ai ni le temps ni l’énergie de mener à bien. »

Bien entendu, les collègues qui se dévouent corps et âme à l’enseignement et à l’administration sont éminemment respectés au sein de leur établissement et au-delà. Ce sont des personnes influentes et très appréciées qui laissent leur empreinte sur leur université, sur leur discipline et sur la vie d’innombrables étudiants. Il est parfaitement possible d’exprimer sa créativité et son goût pour l’innovation grâce à l’enseignement, au mentorat et aux hautes fonctions universitaires. Ainsi, toute tentative d’imposer un contraste très net en matière de compétences et de réalisations entre la recherche, l’enseignement et les services administratifs s’avère dans une certaine mesure infondée. La distinction existe pourtant et elle s’accompagne de conséquences, de missions, de fonctions et de modes d’épanouissement différents. Généralement, les universitaires veulent s’investir dans leur discipline, dans le milieu de la recherche et dans les problématiques qui l’agitent en prenant une part active à des programmes de recherche. Mais quels sont les moyens de renouer avec une activité de recherche intense et une participation accrue aux travaux d’érudition quand on connaît, ce qu’on juge être, un essoufflement professionnel en milieu de carrière? Ce sera justement l’objet de mon prochain texte.

Tim Kenyon est vice-recteur à la recherche à l’Université Brock.

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