Lors de mes cours de perfectionnement professionnel, je demande souvent à mes étudiants de préparer un exposé éclair pour décrire leur travail et leurs objectifs. Le scénario est le suivant : vous êtes dans le même ascenseur qu’Elon Musk, le PDG de Tesla Motors, qui vous demande ce que vous faites dans la vie. Que lui répondez-vous? L’idée est d’utiliser des termes simples : tout un défi pour des universitaires qui ont tendance à utiliser leur jargon même avec les non-initiés. Pour prévenir les faux pas causés par la nervosité, le mieux est de préparer son exposé éclair. Participer à des concours comme Ma thèse en 180 secondes est aussi une excellente idée. Pour donner envie à des gens comme M. Musk de discuter avec vous, commencez par un énoncé très général, comme le mien : « J’aide à guérir des maladies dégénératives à l’aide de cellules souches ». Si vous arrivez à attirer l’attention de votre interlocuteur, il voudra en savoir plus, et vous pourrez graduellement étayer vos propos. L’ennuyer avec les détails et le jargon ne mènera nulle part.
Dans son nouveau livre, This I Know, maître à penser du marketing et animateur de la populaire émission balado Under the Influence de la CBC, Terry O’Reilly nous invite à raccourcir encore plus nos exposés éclair. Si votre rencontre importante se produit dans un ascenseur, vous aurez environ 30 secondes pour parler. Si elle a lieu dans un escalier roulant : vous devrez vous mettre en valeur en une seule phrase. Il faudra vous en tenir à l’essentiel, ce qui n’est pas si simple. L’idée est de capter l’attention de l’interlocuteur, un peu comme un producteur qui présente son projet de film. Vous pourriez n’avoir que quelques instants pour faire valoir une position ou établir une collaboration. En milieu universitaire, cet exposé éclair pourrait vous valoir une copublication, du financement ou une nouvelle relation précieuse sur LinkedIn.
Un des premiers exemples cités par Terry O’Reilly est celui de Steve Jobs, alors qu’il tentait d’attirer John Scully, PDG de Pepsi, chez Apple. Ce dernier ne s’est pas laissé convaincre par les millions de dollars promis, mais par une simple question de M. Jobs : « Voulez-vous passer le reste de votre vie à vendre de l’eau sucrée ou contribuer à changer le monde? » Aux yeux de M. Jobs, la mission centrale d’Apple était de créer un monde meilleur, et c’est ce qu’il a fait valoir à M. Scully. Ébranlé, ce dernier a décidé de se joindre à Apple. C’est la raison pour laquelle, selon M. O’Reilly, un exposé éclair doit avoir un sens profond. Prenons à présent l’exemple de Pat Riley, un entraîneur de basketball légendaire. Son équipe, le Heat de Miami, avait pour la première fois atteint les finales de la NBA. À la veille du sixième match, il a demandé à ses joueurs de faire leur valise « pour une seule nuit », malgré la possibilité d’un septième match contre les Lakers de Los Angeles. Pour Pat Riley, l’équipe était composée de gagnants, et une deuxième tentative ne serait pas nécessaire. Il avait raison : le septième match n’a jamais eu lieu.
L’essence de ce que nous sommes n’est pas facile à trouver, parce que nos vies sont très compliquées. M. O’Reilly la compare au point qui unit une multitude de cercles concentriques. Ces cercles représentent le temps, la croissance, les réussites, les échecs, les conditions du marché, le roulement de personnel, les changements de mode de gestion, les effets de la concurrence et les cycles économiques. Dans le contexte universitaire, ils peuvent aussi correspondre, entre autres, au financement externe, aux relations hiérarchiques et aux publications. Chaque cercle nous éloigne davantage de notre mission ou de la source de notre petite flamme.
Ce concept me parle. Il y a quelques jours, j’ai retrouvé un exposé de planification stratégique que j’avais préparé il y a 15 ans, à une époque où ma vie était plus simple, tant professionnellement que personnellement. J’étais en train d’établir mon programme de recherche. Je disposais d’un bon financement et d’une équipe très efficace. J’avais mis sur pied les installations de mutagenèse ciblée de l’Université et le Réseau de cellules souches du Canada m’avait confié le mandat de produire les premières cellules souches embryonnaires du pays. L’essence de mes travaux était alors claire. J’ai depuis connu les difficultés d’un financement limité. La portée et la qualité de mes recherches, tout comme mon personnel, en ont écopé. Je me retrouve maintenant de l’autre côté du miroir, et je sais que mon laboratoire doit redéfinir sa mission. Je n’ai pas encore de réponses, mais je songe à entreprendre un nouvel exercice de visualisation et de planification stratégique avec mes nouveaux partenaires. L’exemple de Pat Riley le démontre : bien comprendre et communiquer la mission d’une équipe peut avoir une énorme incidence sur son rendement et celui de ses membres.
Pour le moment, je vous lance le défi de raccourcir votre exposé éclair et, mieux encore, de vous en tenir à l’essentiel. Si vous participez au concours Ma thèse en 180 secondes, commencez avec votre exposé éclair. En plus de contribuer au succès de votre exposé, il vous aidera peut-être à amener votre recherche et votre carrière vers de nouveaux sommets.