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Zoom sur l'enseignement

Le clavardage est mort : vive le clavardage!

Cette forme de communication permet aux étudiant.e.s de jouer un rôle actif dans un environnement qui ne s’y prête pas toujours.

par BONNIE STEWART | 08 DÉC 22

Le trimestre d’automne est bientôt terminé. C’était la première fois que je donnais un cours en personne depuis mars 2020… et j’ai adoré ça. J’ai pu parler avec mes étudiant.e.s, me faire une idée de leur personnalité et voir leur curiosité initier des discussions spontanées. Les quatre murs de la salle de classe me semblaient familiers et humains.

Malgré tout, il y a un aspect des cours en ligne qui m’a beaucoup manqué : les échanges.

Je ne veux pas parler du bourdonnement conversationnel ambiant, mais du clavardage; cette fonction des plateformes de vidéoconférence permettant de consulter les interventions du groupe en temps réel sur le côté de l’écran.

Je sais que certaines personnes n’aiment pas particulièrement le clavardage. Il faut dire que la plupart du personnel enseignant n’a pas eu l’occasion de développer cette compétence (donner un cours tout en suivant un flux de conversation) avant la pandémie. En 2020, j’ai entendu des collègues exprimer leur malaise par rapport au clavardage lors de séances de formation. À leur décharge, nous n’avons pas l’habitude dans notre travail que les étudiant.e.s parlent en même temps que nous, même s’il s’agit simplement de messages qui défilent en silence. Pendant la période « ultra-numérique » de la pandémie, on traitait généralement le clavardage comme une distraction qu’il fallait décourager.

Il est vrai que le clavardage peut déconcentrer, voire faire dérailler le cours. J’ai vu des étudiant.e.s et des professeur.e.s l’utiliser pour détourner un cours ou une réunion. (Vous vous reconnaîtrez certainement!) Mais il existe des stratégies et des règles de base pour éviter ces écueils. Le clavardage ajoute aussi une couche de complexité supplémentaire aux processus officiels qui entourent les activités en ligne. Les messages doivent-ils aussi figurer dans les procès-verbaux? Est-ce qu’on doit en accompagner les enregistrements de cours pour les personnes qui les regardent à une date ultérieure? Dans ces deux cas, la réponse est « généralement, non ».

C’est en partie pour ça qu’il me manque autant.

En tant que phénomène éphémère, au sens où « il fallait être là » pour vivre cette expérience partagée, le clavardage s’articule autour de la présence des personnes et renforce leurs liens. Utilisé à bon escient, il offre un environnement propice aux contributions importantes et pertinentes, aux discussions en aparté et à l’humour. Il y a aussi moins de pression sur la qualité des contributions qu’à l’oral.

Je dirais qu’environ 90 % de mes étudiant.e.s ont participé au clavardage de leur propre chef. J’ai beau rendre mes cours aussi ouverts que possible, les échanges verbaux sont loin d’être aussi nombreux. Heureusement, d’ailleurs, vu le temps limité qui nous est imparti. Mais le clavardage permet de discuter sans perturber le bon déroulement du cours. En fait, il peut même améliorer l’expérience d’apprentissage et inciter le groupe à jouer un rôle actif et démystificateur (un peu comme un chœur antique) dans un environnement qui ne s’y prête pas toujours. En plus de rendre un peu de pouvoir aux apprenant.e.s, il les aide à focaliser leur attention.

Ce qui me manque surtout, c’est cet aspect choral. Dans les cours magistraux, il y a une seule personne qui s’adresse à de nombreuses autres. Les conversations avec une ou plusieurs personnes ne se prêtent pas aux interventions simultanées. En présentiel, on n’a pas le choix : si tout le monde parlait en même temps, on n’aurait pas la chance de digérer l’information. En revanche, le clavardage permet les échanges « plusieurs-à-plusieurs » sans (trop) de désordre.

J’ai organisé beaucoup de mes cours en ligne autour du clavardage. Je commençais par dire au groupe : « Dites-moi dans le clavardage X, Y, Z. » Je posais des questions fermées au début du cours pour inciter les gens à utiliser cette fonction. Je les invitais à poser des questions, et quand la conversation s’éloignait du sujet (ce qui est tout naturel), je prenais le temps de rectifier le cap. Parfois, on voyait émerger des conversations intéressantes qui ressemblaient aux discussions qu’on pouvait avoir en classe. C’était aussi une source de rires. À d’autres moments, l’interruption me servait simplement à couper court aux digressions.

Après avoir enseigné depuis un placard aménagé en bureau en pleine pandémie, le clavardage m’a rappelé que la mer de pixels sur mon écran représente des êtres humains en chair et en os, qui ne sont pas devant moi, mais avec moi. Le clavardage a transformé mon cours magistral en cours participatif. Il nous a permis, de façon modeste, mais bien réelle, de nous rapprocher.

C’est un peu ironique que cet aspect communautaire me manque maintenant que nous sommes de retour sur le campus.

Il y a des années, avant la pandémie, j’ai créé un mot-clic pour mon cours sur les médias sociaux en éducation afin d’intégrer les futur.e.s enseignant.e.s à la communauté dynamique de perfectionnement professionnel présente sur Twitter. Parfois, je l’affichais sur l’écran derrière moi pendant les discussions et on pouvait voir les interactions en temps réel, en mode clavardage. J’aimais le fait qu’il permettait aux personnes plus réservées de contribuer à la conversation. En cette période, disons… volatile, je n’utilise plus Twitter en cours. Je suis actuellement à la recherche d’une autre solution pour réintégrer le clavardage.

Je ne suis pas la seule qui y pense. Cet automne, en discutant avec des collègues au dîner ou par l’intermédiaire de sondages improvisés sur Twitter, je me suis rendu compte que nous vivions la même chose : nous étions heureuses et heureux d’être de retour, mais le caractère flexible et accessible des cours virtuels nous manquait, à nous et à nos groupes. Nous déplorions surtout la perte du clavardage.

On peut en tirer la leçon suivante : même si les cours en présentiel ont leurs avantages, ils ne sont pas la seule avenue pour créer une connexion et communiquer.

Le retour effréné à l’apprentissage en personne sur les campus n’a pas magiquement résolu tous les problèmes révélés par la pandémie. En plus de mettre la santé mentale et l’accessibilité sous le feu des projecteurs, les dernières années ont montré à quel point l’apprentissage en classe était axé sur le contenu, alors que c’est l’aspect communautaire et humain qui nous a le plus manqué quand les mesures sanitaires ont réduit les cours à leur plus simple appareil.

J’ai hâte de reprendre les cours sur le campus en janvier, mais j’aimerais trouver comment réintégrer l’aspect collectif du clavardage pour rehausser mon expérience et celle de mes groupes entre les quatre murs qui me sont familiers.

À PROPOS BONNIE STEWART
Bonnie Stewart is an associate professor of Online Pedagogy and Workplace Learning in the faculty of education at the University of Windsor.
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