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L’embauche massive de professeurs devrait se poursuivre

Les nouveaux professeurs seront embauchés pour remplacer ceux qui partent à la retraite et pour répondre à la croissance des effectifs étudiants, selon Tendances.

par Léo Charbonneau
Janvier 2008

Bonne nouvelle : le nombre de professeurs connaît une nette augmentation au Canada, et cette tendance ne semble pas près de disparaître. Le revers de la médaille? La population étudiante connaît pour sa part une croissance bien plus rapide encore.

Voilà quelques-unes des principales conclusions du dernier volume de Tendances dans le milieu universitaire, publié par l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), qui traite des questions relatives au corps professoral. Ce volume de Tendances fait suite au premier volume, publié en mai, qui portait sur les effectifs étudiants.

D’après le nouveau rapport, le nombre de professeurs dans les universi­tés canadiennes a atteint 40 800 en 2006, une augmentation de 21 pour cent depuis 1998. Des professeurs ont été engagés par milliers en réponse à l’augmentation du nombre de demandes d’admission et à l’intensification des activités de recherche.

« Voilà une bonne nouvelle. Nous assistons à un important renouvelle­ment du corps professoral, à un roule­ment générationnel en cours depuis une dizaine d’années », estime Tom Traves, recteur de l’Université Dalhousie et président du conseil d’administration de l’AUCC.

Cependant, au cours de cette même période, les effectifs étudiants ont crû de 37 pour cent à l’échelle nationale, de sorte que les ratios étudiants-professeur n’ont fait qu’augmenter, et la popula­tion étudiante devrait continuer de croître avec l’inscription de quelque 120 000 étudiants de plus au cours de la prochaine décennie, prévoit le premier volume de Tendances.

Cette situation peut nuire aux universités dans les efforts qu’elles déploient pour répondre à la demande de la population, qui souhaite que soit améliorée la qualité de l’expérience universitaire. Les études concordent : « L’accès aux professeurs est la clé d’un parcours étudiant réussi », explique  M. Traves. Or, il n’est pas seulement question du temps consacré à l’appren­tissage dans un cadre formel. « Il s’agit de ces échanges essentiels entre étudiants et professeurs en dehors des salles de cours qui font jaillir l’étincelle et permet­tent d’envisager toutes les possibilités. Lorsque le ratio professeur-étudiants augmente, les chances que se produisent de tels échanges sont coupées d’autant. »

L’enquête nationale sur la partici­pation des étudiants, initiative d’une grande notoriété à laquelle participent de nombreuses universités canadiennes, évalue le rendement des universités à différents chapitres, comme la qualité des échanges entre étudiants et professeurs, l’apprentissage actif et collaboratif et l’enrichissement des expériences éducatives, qui sont tous des facteurs qui contribuent à alourdir la charge de travail et l’emploi du temps des professeurs. Le dernier volume de Tendances attire par ailleurs l’attention sur le fait que les professeurs consacrent de plus en plus de temps à l’élaboration des programmes d’études, à l’évaluation des propositions de recherche et à la participation à des comités d’examen par les pairs.

Or, les professeurs ressentent l’alourdissement de leur charge de travail. Une étude récente de l’Association canadienne des profes­seures et professeurs d’université a révélé que, au Canada, la majorité des membres du corps professoral uni­versitaire souffrent d’un niveau élevé de stress lié à l’exercice de leurs fonctions.

Les dix prochaines années pour­raient présenter un défi encore plus grand à relever pour les universités. Tendances prévoit en effet que les universités devront embaucher jusqu’à 35 000 nouveaux professeurs d’ici 2016, ce qui correspond presque au nombre actuel de professeurs dans les universités canadiennes. Les deux tiers des nouveaux professeurs seront embauchés pour remplacer ceux qui partent à la retraite ou qui quittent l’enseignement, et l’autre tiers pour répondre à la croissance des effectifs étudiants, satisfaire aux exigences d’enrichissement de l’enseignement universitaire et pourvoir aux postes de recherche nouvellement créés. Aucune discipline n’y échappera.

En plus d’avoir à renouveler le corps professoral, les universités de­vront livrer concurrence aux universités étrangères pour attirer les meilleurs éléments. Qui plus est, « le secteur privé et le gouvemement puisent eux aussi de plus en plus dans le bassin des titulaires de
doctorat », ajoute M. Traves.

Les universités canadiennes réagissent en élargissant les programmes aux cycles supérieurs, mais il n’en demeure pas moins que le pays est loin d’être en mesure de produire suffisamment de titulaires de doctorat pour combler les besoins. « La pro­chaine décennie s’annonce ardue. Il ne sera pas facile de recruter la quantité et la qualité de professeurs dont nous avons besoin. »

L’abolition de la retraite obliga­toire à l’âge de 65 ans partout au pays aura une incidence sur l’attrition en incitant certains professeurs à prolonger leur carrière. (Le Québec et le Manitoba ont éliminé la retraite obligatoire dans les années 1980.) Cependant, l’effet de ce changement sur le nombre total de professeurs universitaires ne se fera sentir qu’à court terme, conclut le rapport.

Ken Snowdon, analyste spécialisé en politique éducative établi à Kingston, en Ontario, est de cet avis : « Un nouvel équilibre va se créer au fil du temps. La retraite va simplement survenir à un age plus tardif », précise-t-il. Aux États-Unis, où la retraite obligatoire a été révoquée il y a plus de 20 ans, la grande majorité des professeurs prennent leur retraite avant l’âge de 70 ans, mais un nombre croissant d’entre eux poursui­vent leur carrière au-delà.

« Ceux qui restent en fonction sont généralement toujours actifs dans le milieu de la recherche, explique M. Snowdon. Tant et aussi longtemps qu’ils respectent les critères d’examen par les pairs et continuent d’obtenir des subventions, ils seront membres du corps professoral à part entière. »

Les établissements d’enseignement connaissent la valeur des professeurs chevronnés capables d’agir comme men­tors auprès des jeunes professeurs et des étudiants aux cycles supérieurs. « Leur expérience en matière de demandes de subvention et de direction d’activités de recherche est aussi un atout recherché et, à ce chapitre, ils possèdent des connais­sances inestimables. »

M. Snowdon est d’avis que malgré la lourde charge de travail et les attentes croissantes, c’est très stimulant de faire partie du milieu universitaire en ce moment : les étudiants sont de plus en plus nombreux à s’inscrire, le finance­ment de la recherche croît continuel­lement, les niveaux de rémunération du corps professoral augmentent et les universités rivalisent pour recruter et maintenir en poste les universitaires de talent. Cest une époque où il est bon d’être professeur.

« Quelle différence avec le milieu des années 1990, alors qu’il était plutôt déprimant d’œuvrer dans le milieu universitaire. »

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