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À mon avis

À bas le style hermétique : trois suggestions pour rendre vos exposés plus intéressants

Parfois, il faut perdre la face pour s’améliorer.

par TAYLOR PRICE | 22 JUILLET 22

En toute amitié, j’invite tous mes collègues universitaires à arrêter de faire des exposés trop longs, ennuyants et désorganisés. Des caractéristiques régulièrement associées au style hermétique. Je n’aime pas les présentations hermétiques, et je soupçonne que vous ne les aimez pas non plus.

Les universitaires subissent beaucoup de pression et doivent jongler avec de nombreuses contraintes : ainsi, tant les étudiants que les professeurs font parfois des crises d’anxiété avant, pendant ou après leurs exposés. Ce sont des problèmes bien réels, et je compatis. Mais, de grâce, ne vous vengez pas sur la poignée d’auditeurs qui s’intéressent au même sujet ésotérique (mais important!) que vous.

Pour faire suite à mon invitation, j’énonce maintenant une thèse, en bon universitaire que je suis. La voici : en chérissant le souvenir de vos présentations embarrassantes, vous pourrez développer vos compétences, et ce, à partir de votre niveau actuel. Les moments malaisants sont riches en enseignements. En effet, vous pouvez apprendre de vos longues présentations ennuyantes et embarrassantes pour améliorer votre capacité à communiquer des choses intéressantes à vos pairs. Ça peut sembler bizarre, mais croyez-moi, c’est vrai.

Ayant assisté à de nombreux congrès, j’ai bon espoir que personne ne se sentira visé par ce texte. Mais si vous avez l’impression que je parle de vous, sachez que je n’ai rien contre vous et que j’ai surtout puisé dans le profond regret que j’éprouve en me remémorant toutes les fois où j’ai commis ces erreurs gênantes et bien d’autres faux pas.

Suggestion no 1 : Définissez un élément et faites une affirmation en une minute

Ce n’est pas sorcier : expliquez ce dont vous parlez. Imaginez la scène. Vous assistez à une présentation de 15 minutes. Après 10 minutes, vous vous dites : « Euh… ça parle de quoi? » C’est probablement parce que la personne a défini trop d’éléments (ou trop peu) et que son public n’a pas encore saisi le point central qu’elle souhaite communiquer. Bref, réfléchissez à ce que vous voulez transmettre et entrez rapidement dans le vif du sujet. Avant de vous adresser à vos pairs, essayez d’expliquer votre point central à un proche en dehors du milieu universitaire. Si cette personne ne comprend pas trop votre message, même vos pairs les plus érudits risquent d’être perplexes. Une fois que vous maîtriserez cette technique, essayez de commencer par une anecdote. Mais quoi qu’il arrive, communiquez votre point central avant la fin – et idéalement avant le milieu de votre exposé.

Suggestion no 2 : Trop, c’est comme pas assez

Vous devez prévoir des pauses. Beaucoup d’universitaires n’ont jamais appris à bien respirer pendant une présentation et n’ont donc jamais connu la joie de faire une pause au moment parfait. En vous arrêtant, vous donnez au public le temps d’apprécier votre génie. Si vous ne le faites pas, vous perdez de belles occasions de briller…

Si vous mentionnez plus de deux auteurs en une minute, vous allez m’étourdir. Bien sûr, il y a des exceptions (p. ex., c’est généralement acceptable de citer rapidement Durkheim, Marx, Weber et d’autres « grands penseurs » blancs décédés qui ont éclipsé des auteurs marginalisés ou se sont approprié leurs travaux). Mais voici ce qu’il faut retenir : si vous tenez vraiment à présenter un théoricien, vous devez prendre le temps de parler de lui et de ses idées. Et sachez que c’est difficile de le faire en moins de 15 minutes. Vous bombardez votre public de mentions de nouveaux penseurs? Vous employez des phrases comme « X pense ceci, tandis qu’Y pense cela, et Z nous invite à… »? Ça suffit! Chaque nouvelle mention ajoute à la confusion du public.

Enfin, je ne donnerai pas d’exemples de diapositive surchargée et de diapositive efficace. Vous savez à quoi ressemble une bonne diapositive; vous n’avez qu’à faire pareil pour les vôtres. Si vous tenez absolument à en conserver une qui est chargée, utilisez l’onglet « Animations » de PowerPoint pour faire apparaître les puces graduellement.

Suggestion no 3 : Respectez la limite de temps

Ce qui devait arriver arriva : vous avez quand même dépassé la durée prévue. D’accord, mais arrêtez de nous le rappeler. On le sait. On s’en fiche. On se doutait que ça arriverait, mais on n’y pouvait rien. Ce qu’on veut voir, c’est comment vous allez finir. Il n’y a pas 36 façons de terminer une présentation trop longue, mais, malheureusement, aucune option n’est élégante; d’où ma suggestion. Surtout, évitez de lire le reste de votre texte à toute vitesse. Je trouve que c’est carrément un manque de respect.

La première fois que j’ai donné une présentation, j’ai pleuré tout le long. J’étais en cinquième année et, si ma mémoire est bonne, je parlais d’un dinosaure. Je ne me rappelle pas ce que j’avais à dire sur cet animal ancien qui avait piqué ma curiosité. Mais je me souviens de la leçon que j’ai tirée de ces six minutes de torture devant mes pairs. Exténué, je me suis rassis sur ma chaise en plastique et je me suis dit : parfois, il faut perdre la face pour s’améliorer. Cette leçon m’a servi dans tous les aspects de ma vie, et je suis persuadé que je vais encore perdre la face très bientôt. Certains malaises ont des causes très graves : perdre la face parce qu’on est victime d’intimidation, par exemple, ce n’est pas une expérience enrichissante. Mais ce jour-là, alors que je n’étais encore qu’un enfant timide dans une école primaire du Nord de l’Ontario, mon sentiment de honte m’a appris que j’avais envie de dire des choses intéressantes à mes pairs. Je savais ce que je devais faire la prochaine fois : ne pas pleurer… ou, au minimum, pleurer moins.

J’espère que ces mots éviteront à mes collègues des larmes de honte, d’ennui et de frustration, au sens propre comme au figuré, que j’ai pleurées lors de congrès universitaires. Surtout, j’espère qu’ils les aideront à devenir des communicateurs plus confiants et efficaces.

Perdre la face, c’est désagréable; je ne souhaite ça à personne. Mais il vaut mieux avoir honte qu’être naïf ou prétentieux.

Taylor Price est candidat au doctorat en sociologie à l’Université de Toronto.

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