Au fédéral, on les appelle chercheurs institutionnels. Au provincial, on utilise le terme chercheurs d’établissement. « En trouvez-vous parfois ? », m’a déjà demandé un employé de l’entretien.
Le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture en donne une définition et le ministère de la Santé et des Services sociaux fait même de leur présence une exigence pour les établissements désireux de renouveler leur désignation universitaire à titre de centre universitaire affilié ou d’institut universitaire.
Les recherches des chercheurs d’établissement peuvent être de même nature que celles des chercheurs universitaires, viser les mêmes objectifs et faire appel aux mêmes méthodes. Les deux types de chercheurs sont appelés à trouver des fonds externes par voie de concours, à contribuer à la formation d’étudiants et à publier des articles scientifiques. On s’attend par contre d’un chercheur d’établissement qu’il détienne et maintienne une affiliation universitaire, qu’il cerne les besoins en recherche dans son établissement, sur le territoire local et dans le réseau sociosanitaire dans son ensemble, qu’il réalise une programmation de recherche conséquente, qu’il contribue au développement de pratiques innovantes et qu’il élabore une gamme diversifiée de produits de transfert de connaissances à l’intention de divers auditoires.
L’intégration d’équipes de recherche sociale dans les établissements (qui remonte à 1995) est une mesure pour promouvoir le développement d’une recherche sociale appliquée pertinente dans les milieux de pratique. Nous avons la prétention de croire que les chercheurs d’établissement sont susceptibles de mieux comprendre les besoins auxquels les intervenants, les gestionnaires et les décideurs doivent répondre.
Malheureusement, il appert que l’implantation de l’initiative ministérielle est demeurée inachevée. En effet, le statut de chercheur d’établissement n’est toujours pas reconnu dans la nomenclature des titres d’emploi. Faute de statut officiel, les chercheurs d’établissement sont peu considérés et insuffisamment rémunérés, compte tenu de la nature des exigences liées à leur emploi et de la complexité des responsabilités qui leur sont confiées. Voici le message que l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux a transmis en 2013 :
Ces chercheurs, des CSSS-CAU désignés pour un volet social, sont considérés comme des professionnels de recherche, au même titre que les personnes qu’ils sont appelés à coordonner et ils sont rémunérés selon la même échelle salariale. De plus, le fait que le statut de chercheur ne leur soit pas reconnu ne favorise pas l’attraction et la rétention de chercheurs hautement qualifiés.
Toutes les démarches faites au cours des dernières années pour soutenir la reconnaissance du statut de chercheur d’établissement n’ont rien donné. Les gouvernements se succèdent et personne ne semble se soucier d’eux. La direction des établissements qui les accueillent semble avoir également jeté la serviette. Ce n’est sûrement pas pour une poignée de personnes que l’on va affronter le gouvernement qui en a déjà tant sur les bras!
Les chercheurs d’établissement n’osent pas crier trop fort par peur de réprimandes. Il faut dire que le milieu des établissements se fait de plus en plus contrôlant et que l’on y encourage de moins en moins l’expression des idées. Il faut bien comprendre que les chercheurs d’établissement ne jouissent pas d’une aussi grande liberté de pensée et d’expression que les chercheurs universitaires, qui n’engagent que leur nom propre.
Au moment où les universités produisent plus de « docteurs » que ce que les milieux sont capables d’accueillir, le ministère de la Santé et des Services sociaux se fait on ne peut moins attrayant pour offrir des perspectives de carrière.
Monsieur le Ministre, les chercheurs d’établissement ne demandent qu’une reconnaissance légitime de leur statut en échange de leur contribution au développement de la mission universitaire et des zones d’interaction entre la recherche et les pratiques.
M. Leclerc est professeur à l’Université de Montréal et chercheur d’établissement dans l’un des six CSSS-CAU du Québec. La politique de communication de son établissement ne lui permet pas d’identifier le CSSS en question.