Au XXIe siècle, la recherche et l’innovation scientifiques sont à la base de la création de richesses. La santé, la prospérité économique, la capacité concurrentielle internationale et le niveau élevé de vie des Canadiens sont intimement liés à la vigueur et à la productivité de l’activité scientifique au pays. Le bon roulement de cette activité dépend à son tour de la formulation de politiques gouvernementales judicieuses en matière de sciences et d’innovation, un processus qui requiert un échange d’idées entre les intervenants des milieux de la recherche universitaire, de l’industrie et du gouvernement.
Malheureusement, les politiques scientifiques n’ont jamais eu la cote au Canada. Malgré d’importants investissements gouvernementaux en sciences et technologie, les mécanismes de formulation de ces politiques accusent un retard par rapport à de nombreux autres pays. Le Canada doit mettre à la disposition des scientifiques universitaires de meilleurs moyens pour se faire entendre, multiplier les projets de recherche sur ses politiques scientifiques et instaurer un forum consacré aux enjeux nationaux les concernant.
Les politiques scientifiques se situent au carrefour de l’entreprise scientifique et de l’administration publique. Le rapport qui s’établit est bidirectionnel : les politiques sont au service de la science, en tant que stratégies de gestion et d’amélioration de la recherche scientifique et la science est elle aussi au service des politiques puisqu’elle éclaire les décisions gouvernementales.
Au Canada, les scientifiques universitaires alimentent peu les décisions stratégiques. Deux principaux organismes conseillent le gouvernement fédéral sur les questions scientifiques : le Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation et le Conseil des académies canadiennes. Leur expertise est indéniable, mais nombre des questions qu’ils examinent leur sont soumises par le gouvernement. Il n’existe aucun moyen officiel pour le milieu scientifique universitaire de transmettre ses préoccupations aux décideurs; c’est pourtant crucial afin de traiter rapidement les possibilités et les défis qui se présentent en sciences et technologie.
Parallèlement, les politiques scientifiques doivent s’appuyer davantage sur l’avis d’intervenants non gouvernementaux. Actuellement, diverses associations scientifiques et professionnelles tentent de façon non coordonnée d’influer sur la gestion et le financement gouvernemental de la recherche.
Pourtant le milieu scientifique pourrait mieux se faire entendre s’il le faisait de façon coordonnée. Il serait ainsi mieux représenté et conserverait un accès constant aux sphères décisionnelles. Par ailleurs, les législateurs accueilleraient mieux les plaidoyers s’ils étaient conçus par des scientifiques capables de formuler des politiques scientifiques.
Il est regrettable que, au Canada, peu d’équipes universitaires se consacrent exclusivement à la recherche sur les politiques scientifiques. Ce manque relatif d’occasions de formation risque de priver le Canada, au cours de la prochaine génération, de décideurs qui comprennent les enjeux scientifiques et de scientifiques qui savent situer la recherche dans un contexte social élargi.
Les politiques scientifiques commencent toutefois à attirer l’attention. En partie en raison des nombreux investissements que consacre l’administration Obama à la recherche scientifique, des Canadiens des milieux universitaires, de l’industrie et du gouvernement qui prennent part depuis peu à de vigoureux échanges sur le financement de la science. Bien qu’ils se limitent souvent à des lettres envoyées à des politiciens ou aux médias, ces échanges se faisaient attendre depuis longtemps dans notre milieu scientifique traditionnellement silencieux.
Il est maintenant de plus en plus reconnu que la complexité des politiques scientifiques exige le dynamisme d’organisations complexes et interreliées à même de répondre aux besoins de l’entreprise scientifique du XXIe siècle. Le Canada doit disposer d’un forum où examiner les enjeux nationaux de ses politiques scientifiques, et ce dernier doit être étendu, de portée nationale, multisectoriel et multidisciplinaire.
C’est ce besoin urgent qui a incité un groupe de scientifiques universitaires, de leaders de l’industrie et de décideurs à se réunir il y a plus d’un an pour organiser la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes de 2009 (http://sciencepolicy.ca/fr). Plus de 60 intervenants de divers milieux donneront des exposés sur cinq thèmes couvrant les principaux enjeux liés aux politiques scientifiques canadiennes. Cette audacieuse conférence, qui se tiendra du 28 au 30 octobre à Toronto, vise à soulever la discussion entre les intervenants du milieu scientifique universitaire, de l’industrie, du gouvernement et du secteur à but non lucratif sur les enjeux les plus pressants en matière de politiques scientifiques au Canada et à créer des liens durables entre scientifiques et décideurs.
La Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes de 2009 a pour thème « Améliorer les politiques pour améliorer la science ». Cet événement aura à tout le moins pour objectif de sensibiliser ses participants à l’importance d’amorcer un débat pancanadien sur les politiques scientifiques qui profiteront à tous les Canadiens.
M. Hariri est boursier postdoctoral au McLaughlin-Rotman Centre for Global Health et président du comité organisateur de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes. M. Sharom est étudiant au doctorat à l’Université de Toronto et membre du comité organisateur. Les auteurs ont fondé le blogue sur les politiques scientifiques « Science Canada ».