À la lumière de récentes discussions sur le rôle des stages en éducation et en début de carrière, il importe de réévaluer leur importance pour les étudiants des programmes axés sur la recherche aux cycles supérieurs.
Depuis quelques années, on observe un écart entre la manière dont les étudiants, les professeurs et les anciens définissent les objectifs des études aux cycles supérieurs. Les étudiants expriment un intérêt grandissant à l’égard des activités de développement professionnel qui visent à les préparer à se trouver un emploi, à acquérir des compétences en communication, à savoir rédiger un CV et à se préparer pour une entrevue, alors que la plupart des professeurs mettent encore l’accent sur la recherche au détriment d’autres objectifs. Les anciens insistent pour leur part encore davantage que les étudiants sur la nécessité d’acquérir des compétences qui ne sont pas directement liées à la recherche, comme la capacité de travailler en équipe et de savoir formuler et accepter la critique.
Cet écart témoigne de la préoccupation grandissante des étudiants et des nouveaux diplômés pour qui le fait d’avoir effectué de la recherche de grande qualité ne suffira peut-être pas à se trouver un emploi à la fin de leurs études.
Les étudiants veulent ajouter à leur expérience en recherche toute une gamme de compétences connexes, soit en suivant des ateliers sur les campus ou encore en faisant des stages en entreprise ou au gouvernement. La plupart de ceux qui envisagent une carrière hors du milieu universitaire considèrent ce genre d’expérience à la fois pratique et nécessaire.
Certaines universités canadiennes ont commencé à offrir des programmes de développement professionnel, comme le programme Graduate Pathways to Success de l’Université de la Colombie-Britannique. Le genre de formation le plus profitable pour les étudiants aux cycles supérieurs et la manière de l’offrir sont deux questions qui reviennent constamment dans les discussions; des discussions où les étudiants aux cycles supérieurs devraient avoir davantage voix au chapitre.
Le double objectif qui consiste à effectuer une recherche de grande qualité et à ouvrir les portes du marché du travail ne devrait pas représenter une situation conflictuelle. Les opinions évoluent par rapport au recoupement des compétences professionnelles utiles à la fois pour faire carrière en milieu universitaire et en entreprise. Les trois organismes subventionnaires de recherche (le CRSNG, le CRSH et les IRSC) ont par exemple déterminé que les chercheurs devaient posséder des compétences professionnelles en communication, en leadership et en gestion, et de nombreuses universités ont intégré des objectifs de développement professionnel à leurs programmes aux cycles supérieurs.
Les stages sont un bon exemple de possibilité de développement professionnel offerte dans le cadre de certains programmes aux cycles supérieurs, particulièrement en sciences, où ils combinent la formation sur le terrain et les occasions de réseautage. Les stagiaires ont alors la possibilité d’acquérir des compétences qui sont à la fois spécifiques à leur discipline et facilement transférables. Les occasions de réseautage peuvent grandement améliorer leurs chances de trouver un travail approprié dans le secteur privé ou encore d’enrichir le réseau de recherche dans le milieu universitaire. Certains stages sont complémentaires aux objectifs de recherche et peuvent même recouper certains objectifs de la thèse. Enfin, comme la plupart des stages sont relativement courts, ils perturbent très peu la durée prévue du programme.
Au cours de ma deuxième année au doctorat, j’ai fait un stage de quatre mois au sein d’une entreprise pétrolière et gazière. En fonction de mes antécédents en recherche et de mes intérêts, on m’a assignée à travailler avec une équipe qui applique une technique de modélisation à un actif de l’entreprise. J’ai appris beaucoup au sujet de la manipulation et de l’interprétation de données. Les compétences et l’expérience que j’ai acquises ont amélioré mes chances de trouver du travail dans ce domaine après mes études, et élargissent mes perspectives sur mes travaux de recherche actuels.
Les avantages d’un stage compensent largement pour l’interruption d’un programme de recherche. Malheureusement, les superviseurs utilisent leur pouvoir considérable pour dissuader, sinon carrément empêcher, les étudiants de profiter de ces occasions.
Je ne remets pas en question le fait que la recherche est au centre de nombreux programmes aux cycles supérieurs au Canada, mais il faut faire preuve de souplesse et permettre aux étudiants d’acquérir un certain degré d’expérience. Les raisons qui poussent à faire des études aux cycles supérieurs sont multiples, et les étudiants devraient pouvoir contrôler l’orientation de leur programme en fonction de leur motivation. Souhaiter suivre un programme de développement professionnel pendant ses études ne va pas à l’encontre des exigences fondamentales de la recherche; c’est une démarche pragmatique qui vise à mettre toutes les chances de son côté pour trouver du travail pertinent et intéressant.
Dans un marché du travail où de moins en moins de titulaires de doctorat poursuivront une carrière universitaire, et où le secteur privé est de plus en plus intéressé à embaucher des travailleurs diplômés des cycles supérieurs qualifiés, il faut revoir les possibilités qui sont accordées aux étudiants de définir et de poursuivre leurs propres objectifs dans le cadre de leurs programmes d’études. Il est aussi temps d’arrêter de considérer les stages comme une simple distraction; les stages devraient être vus comme des composantes viables et essentielles d’un programme d’études enrichissant et efficace.
Janice Allen est doctorante au département des sciences de la Terre à l’Université Dalhousie.