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À mon avis

La puissance des arts

Les arts, la force des provinces de l’Atlantique.

par HEATHER SPARLING | 12 DÉC 12

En décembre 1989, un navire de Nouvelle-Calédonie, le Captain Torres, a perdu ses moteurs lors d’une vilaine tempête alors qu’il traversait le détroit de Cabot. Il a dérivé sur des vagues hautes de 15 mètres, balayé par des vents de 60 à 70 nœuds, dans des eaux glaciales. Lorsque les membres de l’équipage ont compris que leur navire allait sombrer, ils ont appelé la Garde côtière par radio et demandé à ce que chacun puisse appeler à la maison. Dans le calme, les 23 marins ont tour à tour fait leurs adieux à leurs proches pendant deux minutes au téléphone.

L’auteur primé Silver Donald Cameron consacre quelques paragraphes à cette histoire dans son livre Wind, Whales and Whiskey: A Cape Breton Voyage. La tragédie a également inspiré au chanteur folk canadien James Keelaghan une chanson que je vous invite à écouter, qui se trouve au http://disastersongs.ca/captain-torres/.




[Si vous n’avez pas le temps de regarder la vidéo en entier, visionnez l’extrait de 4 m 50 s à 8 m 03 s]

Le Captain Torres a coulé le soir même du massacre à l’École polytechnique de Montréal. Dans l’esprit du chanteur, les deux histoires se rejoignent. D’un côté, un drame qui fait ressortir le côté le plus sombre de l’humain : un homme qui avait peur des femmes, et qui a donc décidé de les tuer. De l’autre, une tragédie qui montre que l’humain est également capable du meilleur : 23 hommes, confrontés à la catastrophe, ont pensé à leurs familles et ont calmement attendu leur tour pour leur dire adieu. Par sa chanson, M. Keelaghan veut montrer que la plupart du temps, c’est le bon côté de la nature humaine, plutôt que le mauvais, qui triomphe.

Cette chanson m’arrache souvent des larmes, même si je l’ai écoutée des dizaines de fois. Cette réaction viscérale est attribuable à la puissance des arts. Nous savons tous que les arts sont puissants, mais je crois qu’il est parfois utile non seulement de le savoir, mais de le ressentir. C’est d’ailleurs la valeur des arts : la connaissance ne réside pas uniquement dans l’esprit, elle passe aussi par le corps. Les arts nous enseignent de nouvelles façons de comprendre le monde.

Lorsque je parle des arts, je ne fais pas seulement référence à leurs formes créatives; j’inclus également les sciences humaines. Les arts nous invitent à envisager le monde qui nous entoure d’un œil créatif, ce dont la région où je vis a grandement besoin en cette période d’incertitude sur les plans économique, religieux, éthique, social, culturel et politique. Les arts nous amènent à la découverte de l’autre et de l’inconnu, ce qui incite à la compassion, à l’empathie et à la compréhension. Le rôle des arts est grandement nécessaire non seulement à l’échelle mondiale, mais également plus près de nous, dans nos universités, où les étudiants sont en contact avec un nombre croissant d’étudiants étrangers, et où les étudiants étrangers souhaitent non seulement acquérir des connaissances dans une discipline, mais aussi découvrir la vie et la culture canadiennes.

Je sais que mon discours est familier, c’est précisément ce qui fait que nous n’en avons peut-être plus conscience. Les provinces de l’Atlantique profitent de la popularité grandissante de programmes d’études en commerce, en science, en santé et en technologie, malgré le déclin démographique que vit la côte Est. Ces programmes produisent des retombées très importantes à l’échelle mondiale comme à l’échelle régionale. Ils sont essentiels, car les universités doivent offrir un éventail de programmes pour demeurer viables, tout comme les collectivités fortes ont besoin de citoyens aux compétences et à l’expertise variées.

Je me demande cependant quelle est la place des arts dans l’avenir des universités de l’Atlantique. Bien sûr, toutes les universités de la région possèdent des programmes d’études complets et établis de longue date en arts, mais ces programmes accusent une baisse marquée de leurs effectifs.

Les universités de l’Atlantique jouissent d’une position unique pour défendre les arts. La côte Est est une région réputée pour la force et le dynamisme de sa culture. Elle produit et attire en grand nombre des artistes et des intellectuels de renom, de puissants conférenciers et des leaders charismatiques. Silver Donald Camron, par exemple, est un « étranger ». Tout comme moi d’ailleurs. Lorsque j’ai interviewé M. Keelaghan, qui est originaire de Calgary, je lui ai demandé pourquoi autant de chansons relatant des catastrophes (le sujet de mes recherches actuelles) semblent provenir des provinces de l’Atlantique. Son hypothèse est intéressante. Selon lui, la côte Est développe sa culture depuis l’arrivée des Européens il y a plusieurs centaines d’années, tandis que l’Ouest a une histoire beaucoup plus jeune et il lui faudra encore plusieurs centaines d’années avant d’en arriver au même point sur le plan culturel.

Nous avons absolument besoin de programmes d’études en commerce, en science, en technologie et en santé, mais nous avons également besoin de programmes d’études en arts. Nous disposons d’une occasion unique de devenir des leaders en arts à une époque où de nombreux établissements d’enseignement refusent d’investir dans ce domaine. Je crois que les universités de l’Atlantique ne devraient pas enseigner les arts simplement par tradition ou convention; elles devraient également le faire par conviction. Tirons parti des forces reconnues de notre région et montrons au reste du monde comment les arts peuvent mener à un monde prospère, heureux et sain.

Heather Sparling, professeure au département d’histoire et de culture à l’Université du Cap Breton, a reçu le prix Anne Marie MacKinnon pour le leadership en éducation 2012, remis par l’Association des universités de l’Atlantique. Le présent article est une adaptation du discours qu’elle a prononcé lors de la cérémonie de remise du prix. 

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