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À mon avis

Le concept d’examen final doit être revu en profondeur

Pourquoi les étudiants ne sont-ils pas plus nombreux à protester contre ce rituel universitaire angoissant?

par MICHAEL BAUMANN | 26 OCT 17

Avant de venir au Canada en 1993 pour poursuivre mon doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique, je ne connaissais pas le concept de bourrage de crâne de dernière minute avant un examen. J’avais passé huit ans à l’Université de Vienne, suivi 52 cours et rédigé un mémoire de maîtrise, mais je ne m’étais jamais préparé à un examen en engloutissant à la hâte de grandes quantités d’information que je devrais recracher d’un coup le moment venu, et je n’avais jamais vu quelqu’un d’autre le faire. (Pour tout dire, j’ai suivi une formation classique en zoologie et personne, à ma connaissance, n’étudie dans ce domaine sans s’y intéresser vraiment. J’ai eu de la chance.)

Au Canada, il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour comprendre les raisons de cette mauvaise habitude universitaire. La succession de tâches prenantes et sans grande valeur ne stimule pas la réflexion. La succession de mini-évaluations donne l’impression que chaque aspect d’apprentissage digne d’intérêt peut faire l’objet d’une évaluation exhaustive. L’obsession des notes révèle qu’on accorde plus d’importance à ce qui est mémorisé qu’à ce qui est acquis. Et je ne parle même pas des calendriers d’examens.

L’année compte 12 mois, mais chaque trimestre, les examens finaux se concentrent pendant une période de deux semaines qui peut survenir seulement deux jours après la fin des cours. Quelles en sont les conséquences pour les étudiants?

  • Des conflits d’horaire entre les examens
  • Un niveau élevé de stress et d’anxiété et une hausse du recours aux services de counseling et aux médicaments d’ordonnance
  • De la confusion et des besoins accrus en ce qui concerne les rencontres avec les professeurs, les services de rattrapage et les séances de tutorat
  • Des séances de bourrage de crâne et des nuits blanches qui entraînent une hausse de la consommation de médicaments d’ordonnance et de drogues qui augmentent l’endurance et la concentration
  • Du contenu appris par cœur qui sera vite oublié plutôt qu’assimilé
  • Un désengagement intellectuel après les périodes d’examens
  • De la frustration causée par la reprise des cours échoués, une demande accrue de cours supplémentaires et des listes d’attente qui s’allongent

Tout cela m’amène à me poser trois questions. Premièrement, pourquoi les examens finaux sont-ils planifiés de cette façon? Certainement pas pour aider les étudiants à réussir leurs études ni pour réduire leur niveau de stress et d’anxiété. Certainement pas non plus parce que les professeurs aiment passer des journées entières à corriger des piles d’examens. Mais alors, pourquoi?

Deuxièmement, pourquoi les universités consacrent-elles autant de ressources à la gestion de la santé mentale des étudiants (groupes de travail, campagnes, conseillers, thérapie canine, etc.), sans jamais considérer le calendrier des examens finaux comme une cause importante des problèmes de santé mentale de la population étudiante?

Troisièmement, pourquoi les étudiants ne protestent-ils pas en masse contre cette pratique ridicule? S’ils étaient aussi critiques envers l’éducation qu’en matière d’enjeux sociaux, n ul  doute que les administrateurs s’attaqueraient rapidement à ce rituel angoissant du parcours universitaire.

Pour créer un système d’examen sensé, je propose dans un premier temps une solution ridiculement simple : la direction des universités devrait proposer au moins deux dates d’examen final pour chaque cours (p. ex. une à la fin du semestre et l’autre au début du suivant). Bien sûr, ces deux examens (et les suivants) devraient être différents les uns des autres. Pouvoir choisir entre plusieurs dates atténuerait, voire éliminerait, certains des effets négatifs mentionnés ci-dessus.

Rappelons-nous que l’objectif premier de l’éducation est l’acquisition et le transfert de connaissances. C’est ce que nous devons évaluer de façon pertinente, fiable et normalisée. Il n’y a aucune raison intrinsèque de gérer l’acquisition et l’évaluation des connaissances selon un ordre séquentiel si rigoureux. Les dates ne veulent rien dire. Le modèle que je propose n’a rien de révolutionnaire; il est courant dans de nombreuses universités européennes.

Le moment est venu pour les universités canadiennes de se débarrasser de leurs béquilles institutionnelles et d’éliminer les obstacles qui nuisent à l’excellence universitaire et postuniversitaire. Il y a certes beaucoup à faire, mais commençons par adopter une mesure évidente : la révision du calendrier des examens finaux.

Michael Baumann est gestionnaire intermédiaire dans une université canadienne.

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  1. Constance Denis / 1 novembre 2017 à 11:38

    Bonjour M. Baumann,
    Je trouve votre article très intéressant. J’espère que la solution (très simple au final) que vous proposez sera étudiée par certaines universités. Pour ma part, j’ai toujours apprécié grandement les examens à livre ouvert ou avec une feuille mémoire. Le travail n’était donc pas de « par cœur », mais bien de compréhension.
    Merci de nous inspirer,
    Constance

  2. Paul Cadrin / 2 novembre 2017 à 19:20

    À titre d’ancien professeur qui a eu à administrer des examens dédoublés (pour d’autres raisons que celles invoquées ici), je considère ça comme une mauvaise solution. Il est très difficile de concevoir deux examens différents qui soient parfaitement comparables pour l’évaluation. À chaque fois que j’ai eu à appliquer cette formule, j’ai dû faire des acrobaties de rajustement de notes parce qu’un des deux examens était clairement plus difficile (ou plus facile) que l’autre, et les résultats n’étaient pas équitables. C’est une bonne idée qui ne marche pas.

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