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À mon avis

Le temps du sport universitaire est révolu

Les universités devraient dire adieu aux coûteux programmes sportifs.

par TODD PETTIGREW | 26 MAR 14

Le récent scandale qui a éclaté au sujet d’une photo montrant les meneuses de claque de l’Université de Regina vêtues de costumes absurdes et blessants de cowboys et d’Indiens ne fait que conforter la position que je défends depuis longtemps. Les universités devraient simplement mettre fin à leurs programmes sportifs, notamment parce qu’ils sont devenus une source de distraction et d’embarras constants.

Bien sûr, ce seul incident ne justifie pas l’abandon du sport universitaire dans son ensemble. Il pourrait en effet s’agir d’un problème isolé. Toutefois, ce n’est que le plus récent épisode d’une interminable série de scandales qui entachent le sport universitaire canadien.

En mars de cette année, l’équipe de hockey masculin de l’Université d’Ottawa a été suspendue à la suite d’allégations d’agression sexuelle. Ma propre université a été éclaboussée de la même manière en 2011, lorsque le basketteur-vedette Phil Nkrumah a été accusé de voies de fait et d’autres infractions à la suite d’un incident survenu à la sortie d’une boîte de nuit. En novembre dernier, trois joueurs de la célèbre équipe de football du Rouge et Or de l’Université Laval ont également été accusés de voies de fait, quelques jours après avoir remporté la Coupe Vanier. Le même mois, l’équipe de hockey de l’Université Ryerson a été suspendue pour avoir bu de l’alcool lors d’une série de matchs à l’étranger.

Au début de 2013, l’équipe de hockey féminin de l’Université Dalhousie a également été suspendue, à la suite d’un scandale d’initiation abusive. Ce type de rituel semble d’ailleurs aller de pair avec le sport universitaire. En 2012, l’équipe de baseball de l’Université Wilfrid Laurier a été suspendue à la suite d’un incident d’initiation « déshumanisante », et en décembre 2010, l’Université St. Thomas a suspendu son équipe de volleyball lorsqu’une soirée d’initiation a été liée à la mort d’un étudiant, Andrew Bartlett. Le sport est depuis longtemps associé aux rituels d’initiation.

En juin 2012, l’équipe de football de l’Université de Waterloo a été suspendue à la suite d’un scandale de dopage aux stéroïdes mettant neuf joueurs en cause. Le dopage semble même plutôt courant dans le football universitaire canadien. Selon un rapport de Sport interuniversitaire canadien (SIC), des cas de dopage y ont été signalés chaque année depuis huit ans. Dans la dernière décennie, au Canada, des violations ont également été signalées dans les équipes universitaires de hockey, de soccer, de volleyball et de basketball.

Mon raisonnement est simple : par définition, un incident isolé ne se produit que rarement. Or, lorsque les cas de rituels d’initiation, de tricherie et d’allégations d’activités criminelles sont rapportés au fil des mois et des ans dans des universités d’un bout à l’autre du pays (à ce titre, la liste d’exemples qui précède n’est nullement exhaustive), il ne s’agit pas d’incidents isolés, mais bien d’une tendance lourde.

Évidemment, les équipes sportives ne sont pas les seuls groupes d’étudiants qui affichent de temps à autre des comportements répréhensibles. Les membres d’associations étudiantes, par exemple, posent parfois des gestes embarrassants – comme ces étudiants de l’Université McGill qui ont exigé qu’un de leurs représentants s’excuse pour avoir commis une soi-disant « microagression », pour ensuite retirer leur plainte. Ou pire, les membres de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa qui ont dû démissionner après avoir tenu des propos sexuellement explicites à l’endroit d’une collègue du comité exécutif. Pourquoi alors ne cibler que le sport?

Dans le cas des associations étudiantes, elles fournissent des services essentiels aux universités, comme le tutorat et les régimes de soins médicaux, en plus d’être responsables des nominations d’étudiants aux comités et conseils importants. Les incidents inacceptables doivent bien sûr être évités autant que possible, et leurs auteurs doivent être punis adéquatement, mais on ne peut pas simplement dissoudre les fédérations étudiantes.

En revanche, on peut tout à fait se passer du sport universitaire.

Nous pourrions certainement nous passer des dépenses qui y sont associées. En 2010-2011 seulement, les universités canadiennes ont consacré plus de 11 millions de dollars aux bourses d’études destinées aux athlètes, soit l’équivalent de l’ajout de 128 postes de professeurs à temps plein, selon les salaires moyens publiés par l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU). Sans compter que dans au moins un sport, SIC a même autorisé l’augmentation du montant des bourses.

Outre les bourses d’études, la rémunération des entraîneurs coûte également très cher (même s’il faut admettre que leurs salaires sont modestes selon les standards américains). En Ontario, où la loi requiert la divulgation des salaires élevés dans le milieu universitaire, on voit que l’entraîneur de l’équipe de basketball masculin de l’Université Carleton a gagné plus de 150 000 $ en 2012 – soit beaucoup plus que la moyenne des professeurs titulaires au Canada, selon l’Almanach de l’ACPPU. La même année, on constate qu’un entraîneur de l’Université McMaster a gagné plus de 120 000 $ et que même à l’Université Nipissing, un établissement pourtant petit, l’entraîneur de l’équipe de hockey masculin gagne plus de 100 000 $. Leurs collègues de la Colombie-Britannique s’en sortent tout aussi bien : l’entraîneure-chef de l’équipe de volleyball féminin de l’Université Simon Fraser a gagné 168 124 $ en 2012, l’entraîneur de basketball de l’Université de la Colombie-Britannique, 126 000 $, et ainsi de suite. À cela s’ajoutent de nombreuses autres dépenses, pour les infrastructures, les déplacements, l’équipement, et ce, dans toutes les universités du pays.

L’Université de Regina a présenté ses excuses pour la photo de mauvais goût. Évidemment. On s’excuse toujours, mais l’heure n’est plus aux excuses : il faut résoudre le problème une fois pour toutes. Il est temps pour ces cowboys de s’en aller avec en arrière-plan le soleil couchant.

M. Pettigrew est professeur agrégé d’études anglaises au département de langues et de littérature de l’Université du Cap-Breton.

COMMENTAIRES
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  1. Denis jeffrey / 10 avril 2014 à 22:32

    Bonjour,

    Cher collègue, l’amalgame n’est jamais un argument ni une preuve. Cet ensemble de faits n’ont de commun que la valeur toute personnelle que vous leur donnez