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À mon avis

Le tirage au sort pour favoriser la diversité en milieu universitaire

En plus de réduire l’impact des préjugés inconscients, le tirage au sort permet de rendre le processus d’évaluation des candidatures moins exigeant en temps et en ressources.

par MIRJAM FINES-NEUSCHILD | 14 MAR 23

Initialement une idée un peu loufoque, le tirage au sort commence à être pris au sérieux par de nombreuses agences de financement de la recherche. En effet, il s’agit d’une solution prometteuse pour accroître l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) dans le milieu universitaire.

Plusieurs membres de la communauté de recherche estiment que l’évaluation par les pairs ne permet pas de comparer équitablement des dossiers jugés similaires, rendant la sélection entre ces dossiers plus sensibles aux préjugés inconscients et autres biais d’évaluation. Il importe de rappeler que l’évaluation par les pairs, bien qu’elle se veuille aussi objective que possible, comporte toujours une part de subjectivité.

Mes recherches portent sur les enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion dans les milieux de la recherche et de l’enseignement postsecondaire. Ainsi, je suis constamment en quête d’idées et de pratiques qui favorisent une participation en recherche juste, équitable et représentative de l’ensemble de la population. Sachant que le tirage au sort est peu connu à l’échelle canadienne, je présente ici certains cas provenant de l’international et récemment présentés dans un rapport produit pour les Fonds de recherche du Québec.

L’anonymisation des dossiers pour accroître la diversité

Pour favoriser le soutien à des projets de recherche innovateurs, le Conseil de recherche en santé de Nouvelle-Zélande (Health Research Council of New Zealand; HRC) a implanté en 2013 un processus d’anonymisation et de tirage au sort des candidatures de la subvention Explorer. La subvention Explorer soutient des propositions de recherche ayant le potentiel de faire un changement révolutionnaire dans le secteur de la santé néo-zélandais.

Dans ce programme, les dossiers à évaluer sont d’abord anonymisés. Le comité évalue les dossiers pour déterminer si le projet proposé répond aux deux critères de sélection : le potentiel de progrès scientifique et la viabilité du projet. Les dossiers qui satisfont aux deux critères sont tous également susceptibles d’être financés. Un générateur de nombres aléatoires ordonne ensuite les dossiers.

En 2020, une étude sonde l’acceptabilité du tirage au sort dans l’allocation de la subvention Explorer. Parmi les 126 personnes sondées, 63 % ont affirmé que le tirage au sort est une méthode satisfaisante pour sélectionner les projets à financer dans le cadre de ce programme, cet appui étant plus élevé chez les personnes ayant bénéficié d’une subvention Explorer. De façon plus informelle, en entretien, l’équipe du HRC a partagé que le processus d’anonymisation est lié à une augmentation de la diversité des parcours des personnes candidates.

Dans la même veine, en 2019, le Fonds de recherche autrichien (FWF) a lancé un projet pilote pour son programme « 1 000 idées ». Ce programme vise à financer des projets audacieux dans toutes disciplines, ayant un potentiel de découverte révolutionnaire et le processus de sélection inclut là aussi un projet anonymisé et un tirage au sort.

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Réduire les biais et départager les dossiers équivalents

En 2018, Matthias Egger – président du Conseil de la recherche du Fonds national suisse (FNS) – lance l’idée du tirage au sort dans la communauté de recherche suisse. Peu de temps après, le Fonds national suisse de la recherche scientifique a mis en place une procédure de tirage au sort pour un programme de bourses postdoctorales. En plus de réduire l’impact des préjugés inconscients, cette mesure permet également de rendre le processus d’évaluation des candidatures moins exigeant en temps et en ressources.

À la suite de cette expérience positive ayant fait l’objet d’une publication scientifique, le tirage au sort a été inclus dans les règlements d’organisation de la façon qui suit : « Les décisions de financement peuvent s’appuyer de manière prépondérante sur l’évaluation réalisée par des expert.e.s externes ou, en cas de fonds d’encouragement insuffisants, on peut sélectionner par tirage au sort des requêtes impossibles à différencier d’un point de vue objectif. »

Le FNS informe les requérant.e.s dont le financement a été accepté ou non par tirage au sort. En mars 2021, le tirage au sort a été utilisé sur seulement neuf propositions sur 278, soit 3,2 %.

Plus récemment, en septembre 2022, la British Academy, l’académie nationale des sciences humaines et sociales du Royaume-Uni a annoncé la mise en place du tirage au sort pour attribuer le financement à deux dossiers équivalents. En effet, les membres du comité d’évaluation affirment qu’il y a deux fois plus de propositions qui atteignent le seuil d’excellence, mais qu’il est impossible toutes les accepter. Le tirage au sort permet donc de « choisir » sans biais les dossiers financés.

Pourquoi adopter le tirage au sort?

Les arguments avancés ci-haut par le HRC et le FNS dans l’adoption du tirage au sort se reflètent dans une étude sur les facteurs facilitant ou limitant l’implantation de méthodes de tirage au sort dans les organismes subventionnaires.

Les résultats tirés d’entretiens avec des personnes influentes dans des organismes subventionnaires montrent deux motivations à adopter le tirage au sort, soit :

  • des visées d’équité, dont différencier des propositions équivalentes lorsque le financement est limité ; et
  • favoriser un plus grand éventail de sujets et types de recherches, notamment les recherches potentiellement révolutionnaires.

L’étude note aussi que les requérant.e.s montrent moins d’hostilité dans la réception d’un refus de financement qu’attendu par les organismes subventionnaires.

Pour la suite

Cette discussion, qui semblait impossible il y a cinq ou 10 ans, prend de plus en plus d’ampleur. Au Canada, les agences subventionnaires se questionnent sur les pratiques à adopter afin d’accroître la représentativité des personnes et projets financés.

À mon avis, le tirage au sort est une solution simple et avantageuse qui permet notamment d’alléger la tâche considérable d’évaluation. Mais surtout, face au tirage au sort, chaque individu ou projet est complètement égal!


Les exemples de mise en place de tirage au sort pour le Conseil de recherche en santé de Nouvelle-Zélande et du Fonds national suisse sont tirés du rapport Pratiques innovantes en EDI par les organismes subventionnaires publié en novembre 2022 par le Réseau interuniversitaire québécois pour l’équité, la diversité et l’inclusion pour les Fonds de recherche du Québec.

Mirjam Fines-Neuschild est une chercheuse postdoctorale à l’Université Concordia.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

COMMENTAIRES
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  1. Jean-Marc Drouet / 20 mars 2023 à 13:42

    C’est du Woke de chez Woke, ça.