Passer au contenu principal
À mon avis

Les aléas des systèmes de gestion de l’apprentissage

Mes péripéties blackboardiennes.

par LYNN CUNNINGHAM | 17 AOÛT 11

Après avoir passé plusieurs jours à mettre à jour un site de cours dans Blackboard Learn, j’ai trouvé très libérateur de visionner les vidéos bollywoodiens qui se moquent du système de gestion de l’apprentissage (SGA) qui domine le marché postsecondaire nord-américain. The Adventures of Bollywood Blackboardwala est une série contenant une douzaine de courts épisodes mordants qui mettent en vedette Blackboardwala. Dans l’un d’eux, le personnage récolte les applaudissements du personnel du service d’assistance de l’entreprise lorsqu’il leur dit : « Vous agissez comme si le soutien avait une quelconque importance. Erreur! »

Il est difficile de trouver des utilisateurs enthousiastes de ce SGA qui souhaite apparemment devenir l’équivalent du Word de Microsoft dans sa catégorie. Dans un sondage en ligne ayant pour thème « pour ou contre Blackboard », seuls sept pour cent des quelque 2 500 participants ont dit aimer le SGA le plus utilisé en Amérique du Nord. Un sondage en ligne est loin de fournir une mesure scientifique rigoureuse, mais il n’en demeure pas moins que la plupart des participants sont de supposés bénéficiaires de ce que l’entreprise conceptrice, en affaire depuis 14 ans, présente comme un moyen de « favoriser la réussite des apprenants en créant des expériences d’apprentissage personnalisées et invitantes ».

Même un de mes collègues, véritable encyclopédie qui utilise toutes les fonctions du logiciel Blackboard, affirme du bout des lèvres qu’il est « utile ». Selon Rochelle Mazar, bibliothécaire spécialisée en nouvelles technologies à la University of Toronto à Mississauga, le principal avantage du système est sa capacité à produire des documents numériques – plans de cours, lectures – qui simplifient indubitablement la vie des étudiants.

Les plaintes les plus courantes proviennent cependant des professeurs. Dans le fil de discussion « I hate Blackboard » sur le site Web The Chronicle of Higher Education, on peut lire : « Ce que je déteste le plus, c’est l’impression de l’écran qui indique les dates de remise des travaux. Les étudiants sont listés par ordre alphabétique… selon leur prénom. » Un autre intervenant croit que les concepteurs de l’interface utilisateur « n’ont sans doute jamais donné de cours ».

Ironiquement, Blackboard est née dans une salle de classe. L’entreprise tire ses origines d’un logiciel de cours conçu en 1997 par deux étudiants de l’Université Cornell pour le compte d’un professeur. La version actuelle du logiciel promet de transformer « les classes fermées en communautés qui permettent aux étudiants de rester branchés en tout temps sur leur expérience d’apprentissage », mais Blackboard se révèle en réalité aussi irritant que chronovore.

En voici un exemple. Qu’ai-je mis plusieurs jours à faire au début du semestre? J’ai modifié quelques lectures et révisé de courtes descriptions de cours. Cependant, le logiciel permet d’effectuer un seul changement à la fois : ajout d’un hyperlien, insertion ou suppression d’une lecture. Essayez d’effectuer deux changements simultanément et, après d’interminables minutes d’attente vous constaterez que rien ne s’est produit. De plus, la seule façon d’intégrer proprement le contenu d’un document Word est de le coller dans un éditeur de textes, qui élimine les marques de formatage (et les hyperliens) avant de transférer le texte dans Blackboard. Il faut ensuite reproduire le formatage et recréer les hyperliens, un à la fois, section par section.

Malgré toutes ses lacunes, Blackboard est aussi bien installé dans le milieu universitaire qu’un professeur permanent. Seules quelques grandes universités canadiennes utilisent Moodle, un SGA à libre accès sur le marché depuis 12 ans, au lieu de Blackboard ou de WebCT, qui a été racheté par Blackboard en 2006. Une estimation fiable de la part du marché universitaire de Blackboard aux États-Unis provient une enquête (2010 Campus Computing Survey), qui évalue les pratiques informatiques dans les collèges à but non lucratif. Selon l’enquête, Blackboard détient 57,1 pour cent du marché, suivi de Moodle (16,4 pour cent) et de Desire2Learn (10,1 pour cent), un autre système exclusif.

Certains sont également préoccupés par l’aspect commercial et axé sur le profit de systèmes comme Blackboard. Comme il existe sur le marché des logiciels de gestion de cours en libre accès, pourquoi la plupart des universités optent-elles pour un système exclusif? Il est vrai que l’implantation de Moodle ou de Sakai n’est pas dépourvue de coûts, puisque ces systèmes nécessitent tout de même une armée de techniciens et de personnel de soutien, ainsi qu’une salle informatique assez grande pour diriger un atterrissage sur Mars. Au moins, il n’y a pas d’aspect mercantile.

Les renseignements sur le coût d’utilisation de Blackboard sont de nature confidentielle, mais, selon ce qu’on peut lire dans le cyberespace, l’Université du Nord de l’Arizona, qui compte 25 000 étudiants, aurait déboursé 167 750 $ en juillet 2010 pour un contrat d’un an. Si les études montrant que la majorité des professeurs utilisent seulement quelques fonctions des SGA sont exactes, Blakcboard devrait peut-être envisager de commercialiser une version allégée de son système et d’en modifier le prix en conséquence.

Malgré cela, l’idée d’utiliser un SGA n’est pas près de séduire une de mes collègues, qui préfère s’en tenir aux courriels pour les communications avec ses étudiants. Comme elle le résume si bien, « Blackboard n’est qu’un gadget parmi d’autres ».

Lynn Cunningham est professeure agrégée de journalisme à la Ryerson University.

COMMENTAIRES
Laisser un commentaire
University Affairs moderates all comments according to the following guidelines. If approved, comments generally appear within one business day. We may republish particularly insightful remarks in our print edition or elsewhere.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *