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À mon avis

Les chercheurs en sciences sociales doivent dorénavant demander des subventions aux IRSC

La réforme prochaine des programmes représente l’occasion idéale pour les chercheurs encore ébranlés par la décision de 2009 du CRSH de se tailler une place aux IRSC.

par JOSEPH HALBERSMA | 21 OCT 14

En 2009, le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) a annoncé qu’il ne financerait plus la recherche correspondant au mandat des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

Le CRSH a toujours été la principale source de financement pour de nombreux types de recherche sociale et culturelle, sans égard à la discipline. Or, dans un contexte de réduction du financement et de compressions budgétaires, éliminer les chevauchements entre les deux organismes subventionnaires semblait une bonne façon de maximiser l’argent des contribuables. Les IRSC profitant d’un budget de fonctionnement plus de deux fois supérieur à celui du CRSH, on estimait qu’ils pouvaient plus facilement assurer le financement à long terme de la recherche qualitative et essentielle en santé, ce qui allégerait le fardeau du CRSH.

Cette décision était toutefois loin de faire l’unanimité chez les universitaires : à l’époque, l’annonce a en effet provoqué une certaine commotion dans les universités canadiennes. Même si le changement ne touchait que quelques disciplines, l’enjeu a pris des proportions majeures en raison de la différence qualitative de la culture de financement entre les deux organismes.

Les demandes de subventions acceptées par les IRSC étaient celles qui mettaient l’accent, à l’instar de l’organisme, sur la pertinence clinique, les retombées commerciales et l’interaction avec les décideurs locaux non universitaires. Les autres chercheurs, pris entre le CRSH et les IRSC, pouvaient soit apprivoiser les particularités d’un nouvel organisme subventionnaire et modifier en conséquence la structure et le style de leurs demandes de subvention, soit se retrouver laissés pour compte et voir leur programme de recherche anéanti.

Quelques champs de recherche importants au Canada risquaient ainsi d’être abandonnés (un groupe a annoncé la fin de l’anthropologie médicale au pays), certains universitaires ne pouvant ou ne voulant pas modifier leurs programmes de recherche. La colère qui en a résulté était en bonne partie fondée sur une certaine perception des programmes des IRSC, ainsi que sur une opinion généralisée parmi les anciens chercheurs du CRSH, qui estimaient que les IRSC ne sauraient s’adapter aux nuances de la recherche et des méthodes d’enquête en sciences humaines et sociales.

Il est vrai que la structure des comités du Programme ouvert de subventions de fonctionnement (POSF) des IRSC favorise une inertie culturelle qui fait obstacle au financement de la recherche non traditionnelle ou à haut risque; cependant, il semble bien que l’absence de collaboration des anciens chercheurs du CRSH avec les IRSC parce qu’ils s’attendaient à voir leurs projets rejetés, n’ait causé le phénomène de prophétie autoréalisatrice.

Par crainte de l’échec, les chercheurs ont donc soumis relativement peu de demandes de subventions et se sont montrés réticents à collaborer avec l’organisme pour rectifier la situation. Les anciens chercheurs du CRSH se sont faits légèrement plus actifs au sein des IRSC depuis 2009, mais ils demeurent beaucoup moins présents que les spécialistes d’autres disciplines et d’autres domaines, notamment les quelques secteurs bien délimités des sciences naturelles et du génie qui obtiennent des fonds de cet organisme.

À l’heure actuelle, toutefois, un changement en profondeur semble se dessiner. En raison de pressions internes, les IRSC ont récemment annoncé une réforme du POSF et des autres programmes ouverts. Les nouveaux programmes des volets Fondation et Projet représentent l’occasion idéale pour les chercheurs encore ébranlés par la décision de 2009 du CRSH de se tailler une place aux IRSC.

Les réformes règlent de nombreux problèmes d’évaluation qui ont été signalés par le passé. Le nouveau modèle d’évaluation, un processus virtuel qui ne donne plus autant de pouvoir à un petit groupe d’évaluateurs, contribuera fortement à éliminer les barrières culturelles érigées par l’ancien système de comités. De la même façon, l’augmentation du nombre d’évaluateurs par demande permettra aux chercheurs des domaines sous-représentés d’obtenir des résultats plus constants. L’adoption d’un processus de sélection par étapes, qui allège les procédures des premières phases d’évaluation, devrait faciliter les tâches de rédaction et d’évaluation des demandes de subvention soumises aux IRSC.

La clé du succès, cependant, sera la participation des anciens chercheurs du CRSH au nouveau collège d’évaluateurs, un organe d’évaluation national doté d’une structure interne propre et d’une direction bénévole qui résulte d’une initiative colossale des IRSC. Une fois mis en place, ce collège sera chargé d’assigner les demandes aux évaluateurs et de vérifier que ses membres ont l’expertise nécessaire pour évaluer de façon compétente les demandes de subvention soumises aux IRSC.

En participant au collège des évaluateurs, les groupes sous-représentés pourront contribuer directement à façonner une nouvelle culture d’évaluation, éliminant ainsi beaucoup d’obstacles qui ont jusqu’ici empêché les projets conçus dans le style du CRSH et bien subventionnés par ce dernier d’obtenir le même succès aux IRSC.

Ces réformes offrent aux chercheurs touchés par la décision de 2009 une occasion qu’ils ne peuvent ignorer. Une réorganisation d’une telle ampleur a le potentiel d’assurer le financement de tous les secteurs de la recherche en santé au Canada, y compris dans les domaines négligés jusqu’ici. Ce potentiel ne pourra toutefois se réaliser que si les chercheurs concernés laissent de côté leur expérience négative des IRSC et décident de participer aux nouveaux programmes de l’organisme.

M. Halbersma est responsable des subventions au bureau de développement de la recherche et de services aux chercheurs de l’Université Western.

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