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À mon avis

L’inclusion n’a rien d’une tendance passagère

Décisionnaires et conseils d’administration doivent en faire plus pour l’avancement des personnes Noires

par MALINDA SMITH & JULIE CAFLEY | 19 SEP 24

Un dirigeant d’université Noir se présente à une cérémonie de collation des grades pour revêtir la toge, et le personnel présume qu’il s’agit d’un étudiant égaré.

Une universitaire Noire entre dans la salle de congrès, et la présentatrice pense qu’elle fait partie du personnel de soutien.

En plus d’être vraies, ces histoires sont malheureusement monnaie courante sur les campus universitaires canadiens en 2024.

Voilà bientôt près de cinq ans, dans la foulée du meurtre de George Floyd, que les universités du pays se sont mobilisées pour épauler et mettre à l’honneur les personnes Noires, qu’elles fassent partie de la direction, du corps professoral, de la population étudiante, du personnel ou de la communauté diplômée. Depuis ce tragique événement, il est devenu évident que les mesures prises par les établissements l’ont été pour des raisons tant louables que discutables : si certaines se sont avérées éphémères et essentiellement de façade, d’autres étaient bien différentes. Bien que ce moment ait créé un élan important et fertile, certaines universités ont oublié le pourquoi de ces initiatives.

Aux États-Unis, le premier recteur Noir, Martin Henry Freeman, a été nommé en 1856. Au Canada, on a dû attendre 2014 pour que l’Université de Brandon nomme Gervan Fearon. Aux États-Unis, 13,6 % des rectrices et recteurs font partie de la communauté Noire, ce qui reflète bien la composition démographique du pays. Au Canada, la proportion s’établit plutôt à 1 %, soit bien en deçà des 4,3 % que représentent les personnes Noires à l’échelle de la population. De même, si les personnes racisées comptent pour environ un quart de la population canadienne, celles-ci représentent environ 12 % des rectrices et recteurs.

À l’heure actuelle, une seule personne Noire occupe les fonctions de rectrice : Rhonda McEwen, rectrice et vice-chancelière de l’Université de Victoria affiliée à l’Université de Toronto, dirige l’établissement avec brio depuis deux ans. Gervan Fearon a été à la tête de l’Université de Brandon pendant trois ans. Il a ensuite dirigé l’Université Brock pendant quatre ans avant de devenir le recteur du Collège George Brown. Au début de 2025, la communauté universitaire canadienne verra Wisdom Tettey prendre les rênes de l’Université Carleton.

Cela dit, au Canada, aucune personne Noire n’a exercé de mandat pour la pleine période de cinq ans.

Si le plafond de verre est toujours bien présent pour les femmes dans les universités canadiennes, elles qui occupent moins de 30 % des postes de rectorat, principalement dans de petits établissements, les femmes Noires quant à elles se heurtent à ce que l’on appelle le plafond de béton.

En effet, ces femmes font face à ce que l’on appelle la « misogynoire », une discrimination fondée à la fois sur le racisme et le sexisme. Introduit par Moya Bailey, ce terme fait référence aux expériences multiples et concomitantes de stéréotypes et de discrimination rythmant la vie des femmes Noires, comme le cliché de la « femme Noire en colère ».

Dans une étude canadienne récemment publiée par KPMG, sur 1 000 personnes s’identifiant comme Noires, 81 % ont affirmé avoir subi une forme de racisme ou de microagression au travail au cours de la dernière année seulement. Cette étude a également mis en évidence la coexistence du racisme et du sexisme au travail : le nombre de Canadiennes Noires victimes de racisme ou de discrimination a augmenté de 10 % en un an (comparativement à 7 % pour les hommes Noirs).

Le racisme au travail est si fréquent qu’une forme d’anticipation s’est installée chez les membres des communautés marginalisées sur le plan racial et ethnique. Toujours sur leurs gardes, ces personnes en viennent à porter un véritable « fardeau émotionnel ».

Pour faire progresser l’équité, la diversité et l’inclusion, les hautes directions et conseils d’administration universitaires doivent effectuer un travail conscient et stratégique, et prendre en compte la nécessité de favoriser l’avancement des personnes Noires par le cadre organisationnel ainsi que les stratégies et processus de recrutement, de maintien en poste et de planification de la relève. En temps de crise, les nouvelles et nouveaux décisionnaires doivent pouvoir compter sur le soutien proactif de leur organisation. En outre, les organisations se doivent de diversifier leurs équipes de décisionnaires en offrant de l’avancement aux membres des groupes marginalisés, en éliminant tout préjugé du recrutement, en faisant du leadership inclusif une partie intégrante des valeurs et des pratiques organisationnelles, et en favorisant une culture d’inclusion où tout le monde peut s’épanouir.

Tout part des hauts échelons : le ton et les manières de faire ont leur importance, à commencer par l’inclusion en matière de gouvernance et de direction. Il a été démontré que les perceptions positives entourant les initiatives antiracistes des décisionnaires, ainsi que les politiques organisationnelles, sont directement corrélées à une diminution des cas de discrimination et de harcèlement racial et ethnique.

Quel meilleur moment que cet automne pour redessiner votre stratégie d’équité, de diversité et d’inclusion avec votre conseil d’administration et votre équipe de direction? Les bonnes intentions ne suffiront pas à assurer une représentativité digne du milieu universitaire canadien. L’inclusion des personnes Noires dans les sphères décisionnelles n’a rien d’une tendance passagère. Où en est votre université?

Malinda Smith est la première vice-rectrice à l’équité, à la diversité et à l’inclusion de l’Université de Calgary. Elle y assume également le rôle de vice-rectrice adjointe à la recherche et de professeure de sciences politiques. Julie Cafley est la directrice générale de Catalyst Canada, un organisme mondial à but non lucratif qui fait avancer l’équité entre les genres en favorisant l’inclusion en milieu de travail.

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