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À mon avis

Où sont tous les étudiants étrangers qui nous avaient été promis après l’élection de Trump?

L’« effet Trump », qui, selon de nombreux médias, devait pousser des flots d’étudiants étrangers vers le Canada, ne s’est pas fait ressentir.

par CRESO SÁ | 24 MAR 20

Vous souvenez-vous quand, pratiquement toutes les semaines, un grand titre dans les médias proclamait qu’avec l’avènement de Trump, des hordes d’étudiants étrangers envahiraient les campus canadiens? C’était en 2017, un passé qui nous semble maintenant lointain. Le Canada accueillait alors les étudiants les plus brillants à bras ouverts tandis que l’administration Trump instaurait des interdictions de voyage, se préparait à construire des murs et attisait la xénophobie.

Nous n’avions pas de chiffres officiels – grâcieuseté de nos tristes efforts nationaux pour recueillir et diffuser les statistiques sur l’éducation postsecondaire –, mais les journalistes, les associations universitaires et les responsables de l’admission renchérissaient sur la nouvelle. « Trump va faire du Canada un refuge pour les plus brillants de ce monde », annonçait le magazine Maclean’s. « Le nombre d’étudiants étrangers souhaitant s’inscrire dans une université canadienne a grimpé de plusieurs centaines cette année; parmi eux un nombre record d’Américains », déclarait le Globe & Mail. La chaîne TVO a quant à elle diffusé un débat de 40 minutes sur les retombées positives de Trump sur les universités ontariennes dans le cadre de son émission The Agenda.

Les observateurs étrangers n’ont pas échappé à l’envie de passer le mot, ce qui n’aurait pas pu occasionner plus grande satisfaction ici. La vertu et le triomphe des Canadiens étaient reconnus dans les médias d’information américains. Du New York Times à Vice, tous parlaient de l’« effet Trump » et louangeaient le Canada.

Invité à faire un exposé à l’occasion d’un séminaire sur l’éducation internationale au Collège de Boston cet été-là, j’ai parlé de mon scepticisme à cet égard en me fondant sur mes travaux de recherche sur la mobilité étudiante internationale, ce qui a surpris mon auditoire. Le raisonnement derrière la nouvelle était simpliste. Les décisions des étudiants étrangers reposent sur de nombreux facteurs, parmi lesquels les considérations à long terme valent autant que les événements à court terme. Évidemment, j’allais à l’encontre de la thèse dont les médias raffolaient.

En fin de compte, l’« effet Trump » n’a jamais existé.

Les tout derniers chiffres de Statistique Canada sur les inscriptions d’étudiants étrangers révèlent deux choses. Premièrement, les résultats d’une tendance de longue date : le nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers augmente de manière assez constante depuis la fin des années 1990 dans les universités canadiennes et a atteint 200 000 en 2017. Deuxièmement, le taux annuel de croissance de neuf pour cent enregistré en 2017 est plutôt habituel; c’est la moyenne depuis 2000.

La croissance annuelle du nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers dans les universités. Données de Statistique Canada. L’axe des X est l’année scolaire.

S’il y avait eu un « effet Trump » depuis l’élection présidentielle, la hausse des inscriptions aurait dépassé la moyenne des deux dernières décennies. Pour bien d’autres raisons, nos campus accueillent de plus en plus d’étudiants étrangers depuis de nombreuses années. Le taux de croissance de 2017 est en fait inférieur à celui de la plupart des années Obama.

Il est fort possible que le portrait de la situation ait changé depuis. Encore une fois, nous ne le saurons pas tant que Statistique Canada n’aura pas publié de nouveaux chiffres dans une année ou deux. En l’absence de données, les histoires que les gens aiment croire, comme celle de l’« effet Trump », pourront continuer de se répandre allègrement.

COMMENTAIRES
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  1. Yves Gingras / 26 mars 2020 à 16:33

    Bravo! Enfin un texte qui teste empiriquement les discours non seulement des médias mais surtout des porte-parole des universités qui les alimentent et aiment bien prendre leurs rêves pour la réalité, sachant que les gens vont oublier leurs prévisions quelques mois plus tard. Ils pourront alors faire de nouvelles prédictions tout aussi non fondées, comme la « prédiction » apocalyptique d’une pénurie de professeurs au début des années 2000.

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