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À mon avis

Pour une diffusion efficace de la recherche

Mobiliser le savoir.

par BEN LEVIN | 26 SEP 12

Les universitaires se consacrent à la recherche parce qu’ils souhaitent apprendre et faire découvrir aux autres ce qu’ils apprennent. Les universités sont d’importants moteurs du développement des connaissances dans toutes les sociétés modernes, et la recherche universitaire produit souvent des retombées sociales considérables. Pourtant, tout porte à croire que ni les universités, ni les chercheurs ne sont en mesure d’assurer la diffusion facile des connaissances issues de la recherche aux bénéficiaires potentiels. C’est particulièrement vrai en sciences sociales, en sciences humaines et dans certaines professions. En sciences naturelles et appliquées, les processus de transmission sont davantage présents.

Cet article ne suggère en rien que toute la recherche universitaire devrait avoir une visée pratique, chercher à orienter la pratique ou être jugée en fonction de ses retombées externes. La recherche fondamentale motivée par l’intérêt doit représenter une part importante des activités de recherche des universités.

Mon équipe de recherche à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario étudie depuis plusieurs années le processus de « mobilisation du savoir » (terme utilisé par le Conseil de recherches en sciences humaines). Nos travaux, comprennent des études empiriques, des travaux conceptuels et des projets pratiques qui visent tous à renforcer la relation entre la recherche, les politiques et la pratique. Nous nous intéressons principalement au domaine de l’éducation, mais nos échanges avec des chercheurs qui étudient des questions semblables dans d’autres domaines ou ailleurs dans le monde révèlent que la situation est assez similaire partout.

En nous appuyant sur nos travaux et nos lectures, nous avons formulé six recommandations à l’intention des universités et des chercheurs afin d’accroître l’impact de la recherche.

  1. Reconnaître que l’impact de la recherche est un processus diffus qui dépend en grande partie des liens interpersonnels, des relations et de la persévérance du chercheur. Même si elle est nécessaire, la publication des résultats ne constitue pas en soi un mode de mobilisation du savoir. C’est d’autant plus vrai si les résultats sont publiés dans des ouvrages consultés principalement par d’autres chercheurs. Les gens tirent leur savoir sur la recherche de diverses sources, mais ils sont généralement beaucoup plus influencés par les actions ou les paroles de leurs collègues ou de leurs voisins que par ce qu’ils lisent.
  2. Reconnaître que la mobilisation du savoir, comme toute autre activité, exige du temps, de l’énergie et de l’organisation. Même si bon nombre de chercheurs s’efforcent de diffuser leurs résultats de diverses façons, il n’est pas raisonnable de penser que les chercheurs peuvent, individuellement et à eux seuls, faire tout le travail de mobilisation. Les universités doivent plutôt mettre en place des mesures qui viendront appuyer différents aspects du travail de mobilisation. Elles peuvent notamment créer des moyens alternatifs de communication, collaborer avec les médias, collaborer avec des tiers pour la diffusion des résultats de recherche et favoriser la rédaction en langage clair. Nos travaux montrent cependant que les chercheurs les plus actifs par rapport à la mobilisation du savoir sont aussi ceux qui ont généralement le plus recours aux activités de diffusion traditionnelles, comme la rédaction d’articles évalués par les pairs.
  3. Même si Internet est un véhicule prometteur pour la mobilisation du savoir, les stratégies axées sur le Web doivent tenir compte des véritables méthodes de travail des personnes et des organisations. Dans les faits, la plupart des pages Web reçoivent très peu de visiteurs, la plupart des documents publiés sur le Web sont rarement consultés ou téléchargés, et la plupart des forums de discussion suscitent peu d’échanges. Une grande partie des efforts visant à diffuser le savoir au moyen d’Internet sont vains, car il s’agit d’une méthode passive qui consiste à attendre que les gens viennent vers les travaux plutôt que d’amener les travaux aux personnes intéressées.
  4. La mobilisation du savoir vise le savoir, et non l’établissement. Elle a pour objectif d’aider les destinataires à comprendre un sujet, pas à leur faire valoir l’importance de l’université ou du chercheur. Il faut accorder moins d’attention aux résultats de chaque étude, et plus d’attention au savoir cumulatif issu d’études multiples dont les résultats concordent.
  5. Dans de nombreux domaines, les utilisateurs potentiels de la recherche n’ont pas réellement la capacité de trouver, de diffuser et d’utiliser des résultats de recherche. Tout savoir, aussi valable et essentiel soit-il, ne reçoit donc pas l’attention qu’il mérite. Les universités et les chercheurs peuvent améliorer la situation en entretenant des relations avec des fournisseurs de services clés afin qu’ils parviennent, au fil du temps, à comprendre et à utiliser davantage les résultats de recherche pour orienter leurs activités.
  6. Les étudiants aux cycles supérieurs peuvent faire le pont. Dans de nombreux domaines, surtout professionnels, les étudiants aux cycles supérieurs sont également des praticiens d’expérience qui ont la capacité d’établir des liens efficaces entre la recherche et la pratique. Pourtant, les étudiants voient rarement leur expérience pratique reconnue par les universités, et leur milieu de travail dénigre la valeur de la recherche. Si on les formait explicitement à devenir des courtiers du savoir, ils pourraient contribuer de façon importante à la mobilisation du savoir.

Ainsi, la recherche peut et doit changer les choses, et le travail des chercheurs compte. Si nous accordons une plus grande importance à ces recommandations sur la mobilisation du savoir issu de la recherche, notre travail comptera encore davantage.

Ben Levin est titulaire d’une Chaire de recherche du Canada au département d’études théoriques et stratégiques de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario de l’Université de Toronto. Il était auparavant sous-ministre de l’Éducation de l’Ontario.

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