Lors d’un débat organisé récemment à Rideau Hall par le gouverneur général David Johnston, la MasterCard Foundation a annoncé un don de 75 millions de dollars à trois universités canadiennes, soit l’Université de Toronto, l’Université de Colombie-Britannique et l’Université McGill, qui formeront 270 étudiants africains d’ici dix ans. Tout le monde y gagne, non? L’université profite d’une infusion d’argent plus que nécessaire et les étudiants se forment dans certaines des meilleures universités au monde. Or l’Afrique, elle, n’y gagne rien. La plupart des étudiants ne rentreront pas dans leur pays. Ils ne discuteront pas du dernier cours avec leurs camarades, en Afrique. Pire : en les invitant au Canada, nous privons les universités de leur pays de leurs meilleurs éléments, réduisant ainsi la qualité de ces établissements. Ce drainage de compétences donne l’impression aux professeurs de ces pays que leurs universités ne sont pas assez bonnes pour former les étudiants. Et voyant que le Canada souhaite tant former les meilleurs, ces pays réduiront leur investissement dans l’enseignement supérieur. Si d’autres paient la note, pourquoi investir?
Il n’existe pas beaucoup d’organismes canadiens voués à l’amélioration de l’enseignement universitaire dans les économies émergentes. Une grande partie de l’aide est consacrée à l’enseignement primaire et aux soins de santé de base. Mais comment s’améliorer s’il n’y a pas de professeurs, de médecins, d’infirmières, de sages-femmes et d’administrateurs pour enseigner, traiter et gérer? Ces professionnels doivent être formés par les établissements de leur propre pays. Rien ne sert de les envoyer étudier à l’étranger, d’abord parce qu’ils ne retourneront pas chez eux, et ensuite parce que la formation qu’ils y recevront ne convient pas à un pays pauvre, où la culture est si différente de celle du Canada.
Le Canada a pourtant déjà aidé les pays en développement à améliorer leurs universités. Ainsi, c’est le père Georges Henri Lévesque, l’un des piliers de la modernisation des sciences sociales au Québec, qui a fondé l’Université nationale du Rwanda, dont il a été recteur. Dans les années 1960, nombre de Canadiens ont aidé l’Université Makerere, en Ouganda, à améliorer la qualité de son enseignement, dans le cadre d’un projet financé par l’Association canadienne de développement international (ACDI). Il y en a eu d’autres. Plus récemment, toutefois, le Canada s’est fait beaucoup plus discret. L’enseignement supérieur n’est pas une priorité de l’ACDI, et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) finance la recherche dans les pays en développement, mais n’a pas pour mission d’améliorer les départements universitaires qui forment les chercheurs participants. Nombre de professeurs canadiens dévoués donnent temps et argent pour aider les universités de pays en développement, mais sans aide de leur propre université. Et très peu de fondations canadiennes subventionnent ce champ d’action.
Ce désintérêt a de multiples causes. L’une d’elles est qu’il faut du temps pour améliorer l’enseignement supérieur. Il faut des années de travail régulier pour obtenir des résultats; après tout, le Canada a mis 150 ans pour se doter d’universités de calibre mondial. Il est par ailleurs difficile d’assortir les programmes d’aide aux universités de résultats mesurables. Ce n’est pas comme de vacciner les enfants contre la variole. Du reste, les organismes d’aide et les fondations ne veulent pas envisager le long terme; ils préfèrent des résultats mesurables à court terme, pour que les contribuables et les donateurs puissent constater sans délai le produit de leurs impôts et de leurs dons.
Certes, les Canadiens se réjouiront de savoir que la MasterCard Foundation et que certaines de leurs universités aident les pays en développement, mais c’est un enthousiasme mal placé. Ce que la fondation a fait profite au Canada mais nuit aux pays pauvres d’Afrique. Il y a une meilleure façon de les aider. À Universitaires sans frontières Canada, nous croyons qu’il vaut mieux aider les Africains à rehausser le niveau de leurs propres universités pour qu’elles puissent former elles-mêmes les spécialistes et les professionnels dont ils ont si désespérément besoin pour se développer.
Steven Davis est le Directeur exécutif d’Universitaires sans frontières Canada.
Je viens apporter quelques precisions au sujet de l’article ci-dessus. Pour ma part, le point de vue de l’auteur me parait trop superficiel et simpliste. Je m’explique.
Ce ne sont pas tous les étudiants Africains partis en Occident qui demeurent à l’étranger. S’il est vrai que des études sont nécessaires pour en définir les proportions de ceux qui restent et ceux qui retournent, il suffit d’une petite enquête dans la communauté estudiantine d’origine africaine pour s’en convaincre de la tendance qui est d’environ de 50 %. Encore que dans ce groupe, il faudra distinguer ceux qui ont quitte les pays Africains sur leur propre financement (fréquemment celui des parents et proches) et ceux qui ont obtenu une bourse d’études. Il est clair que l’étudiant qui personnellement à financé son voyage et ses études a l’extérieur est libre de rentrer dans son pays d’origine ou non. C’est là une question de choix personnel. Alors le groupe le plus pertinent pour le sujet débattu dans cet article et qui fait l’objet de mes commentaires ici est résolument celui d’étudiants ayant obtenu une bourse d’études de leur pays d’origine en Afrique ou d’un pays de l’Occident. Là encore, les étudiants concernés ne pourront que s’accommoder des clauses qui régissent la bourse obtenue et les conditions liées à l’acceptation de la bourse incluant parfois le retour obligatoire dans le pays d’origine. Dans l’un ou l’autre des cas, ce n’est pas en refusant ou en limitant l’accès des étudiants Africains aux Universités Africaines qu’on évitera la fuite des cerveaux des Universités Africaines ou qui plus est, qu’on encouragera les pays Africains de ne pas réduire les investissements dans les universités. Au contraire, favoriser les étudiants Africains à aller étudier dans les Universités en Occident permettra à moyen et à long terme de constituer une masse critique d’intello Africains capable de rehausser par la suite le niveau des Universités Africaines. Comment pourra t-on assurer un enseignement de qualité dans les Universités Africaines si les enseignants et chercheurs encadrant les étudiants dans ces universités ne sont plus à la page avec l’évolution de la science ou du savoir en général, comme mis en évidence tous les jours dans les universités occidentales? Ceci pour signifier que, contrairement a l’avis de l’auteur les universités Africaines y gagnent chaque fois que des étudiants Africains s’en vont approfondir leurs connaissances dans les Universités occidentales. Il faut s’en convaincre en cherchant à comprendre pourquoi des pays dits émergents comme la Chine, l’Inde, le Pakistan, et le Brésil offrent de nos jours des bourses de formation à leurs étudiants pour aller étudier dans les grandes Universités d’Europe et d’Amérique du Nord.
L’auteur prétend que, je cite: « … Rien ne sert de les envoyer étudier à l’étranger, d’abord parce qu’ils ne retourneront pas chez eux, et ensuite parce que la formation qu’ils y recevront ne convient pas à un pays pauvre, où la culture est si différente de celle du Canada. » Le savoir universitaire est « universel » et l’auteur aurait pu mieux s’expliquer quand il parle de culture différente entre le Canada et ces pays, dont les étudiants ressortissants ne pourront pas appliquer leurs connaissances acquises a l’extérieur. Il est important de savoir qu’aucun développement culturel et intellectuel n’est possible sans échanges. En effet, que l’auteur se souvienne que même le Canada n’aura pas pu atteindre son niveau de développement actuel s’il n’y avait pas d’échanges d’idées entre d’autres pays beaucoup plus avances il y a des dizaines d’années.
Ce qui manque dans les Universités du Sud sont les infrastructures universitaires incluant certains matériels didactiques ou de recherche. Je partage l’avis de l’auteur sur le fait que les organismes de subventions ou de donations devront un peu plus orienter leurs actions dans ce sens. Mais au-delà de cela, une chose qui marcherait beaucoup plus est au
` La plupart des étudiants ne rentreront pas dans leur pays »…parce qu’en rentrant chez eux ils n’auront pas la garantie de l’emploi. On voit bien que vous ne connaissez pas vraiment le vrai problème des universités africaines !
… Ce qui manque dans les Universités du Sud sont les infrastructures universitaires incluant certains matériels didactiques ou de recherche. Je partage l’avis de l’auteur sur le fait que les organismes de subventions ou de donations devront un peu plus orienter leurs actions dans ce sens.
Mais au-delà de cela, une chose qui marcherait beaucoup plus est aussi de mettre en place un programme de mobilité des chercheurs et universitaires d’origine africaine occidentale mais exerçant dans les pays occidentaux où ils ont obtenu ou non leur diplôme de pouvoir aller soutenir l’enseignement universitaire dans leur pays d’origine. Il faut remarquer que la persistance de ces intellectuels africains en Occident est souvent dû au maigre salaire qui leur ai propose dans leur pays d’origine alors que des employeurs occidentaux sont prêts à leur offrir des multiples de ce même salaire en guise de la compétence et l’efficacité qu’on leur reconnaît. Pour ma part, ceci est tout à fait normal d’autant plus que ce phénomène est beaucoup plus général et non spécifique aux Africains. Il faut s’en rendre compte en faisant une petite enquête du nombre de chercheurs européens préférant exercer aux Etats-Unis, en Chine, Singapour, ou dans les pays pétroliers du Moyen-Orient où le salaire qui leur est offert est beaucoup plus important que celui qu’ils gagneraient en Europe. Tout est donc question de choix personnel guidé par le capitalisme et la recherche du gain. Ne pointons donc pas les uns ou les autres, en particulier les étudiants Africains. Il convient aux dirigeants des Universités Africaines de développer une vision d’avenir. De l’autre coté, les organismes donataires pourront les y accompagner par des mesures incitatives où leur aide serait proportionnel aux efforts d’investissements des gouvernements africains dans leurs universités.