Le Canada ne réussit pas encore à tirer pleinement parti de son expertise en apprentissage en ligne, un avantage du secteur de l’enseignement postsecondaire dont le potentiel pourrait contribuer à l’atteinte des objectifs de compétitivité et de philanthropie du Canada. Comme il doit composer avec de grandes distances géographiques, le Canada a fait figure de chef de file mondial dans la révolution des communications numériques. Seulement, on ne peut en dire autant de l’exportation de cette expertise ou de sa participation à la diffusion mondiale de matériel didactique, connu comme étant le mouvement des ressources éducatives libres (REL).
Le gouvernement du Canada se penche actuellement sur une stratégie internationale en matière d’éducation visant à renforcer la compétitivité du Canada pour répondre à la demande croissante en matière de formation universitaire. Pour demeurer concurrentiel au XXIe siècle, il faut mettre en œuvre des démarches novatrices, et non seulement intensifier les investissements témoignant des stratégies du passé, qui visaient presque exclusivement à attirer les étudiants étrangers au Canada et à envoyer les étudiants canadiens à l’étranger.
L’ère numérique nous pousse à redéfinir l’éducation internationale. Comme en témoigne un projet pilote offrant des bourses d’études « virtuelles » aux étudiants d’Haïti et de la CARICOM, le gouvernement commence à le reconnaître. Bien que ces étudiants n’aient jamais mis les pieds au Canada, ils ont été en contact avec du contenu, des professeurs et d’autres étudiants canadiens par l’intermédiaire d’applications numériques novatrices tout en demeurant chez eux pour continuer à contribuer au bien-être de leur communauté. Cette expérience a changé leur vie, ils sont à jamais liés au Canada et il ne fait aucun doute dans leur esprit qu’ils ont profité d’une éducation ouverte sur le monde.
Les universités canadiennes offrent plus de 200 programmes et plus de 2 000 cours, à tous les niveaux, allant du certificat au doctorat, au moyen de méthodes d’enseignement en ligne et à distance. Toutes ces formations sont désormais accessibles aux étudiants de presque partout dans le monde, pas uniquement à ceux qui ont les moyens de voyager et de vivre au Canada.
De plus, les étudiants étrangers qui attendent leur visa, qui doivent épargner ou qui souhaitent acquérir de l’expérience pendant un an ont la possibilité, grâce à l’enseignement en ligne, de suivre des cours préparatoires ou crédités avant d’arriver sur un campus canadien. Cette méthode permet aussi aux immigrants potentiels d’obtenir un titre de compétence canadien avant leur arrivée au pays, ce qui accélère leur intégration sur le marché du travail en levant l’obstacle de la reconnaissance des titres de compétences étrangers.
En dépit de la diversité des cours et des programmes de qualité offerts, les universités canadiennes accueillent très peu d’étudiants étrangers dans des programmes d’enseignement à distance par rapport aux autres principaux pays concurrents. Pensons notamment à l’Université de Londres qui compte 50 000 étudiants étrangers inscrits à une formation à distance, tout comme l’Université ouverte de Grande Bretagne. En 2010, l’Université virtuelle canadienne (UVC), un consortium de 12 universités canadiennes travaillant au développement et à la promotion de l’enseignement en ligne, a signalé que moins de 3 000 étudiants étrangers étaient inscrits à des cours en ligne. Il ne fait aucun doute que de formidables possibilités de croissance s’offrent à nous.
Les deux points faibles du Canada à cet égard, particulièrement si on le compare au Royaume-Uni et à l’Australie, sont le manque de coordination pancanadienne et l’insuffisance de ressources pour présenter l’enseignement en ligne comme une option de qualité et valable pour certains étudiants étrangers. Si les recommandations du Comité consultatif sur la stratégie du Canada en matière d’éducation internationale sont mises en œuvre et si la définition d’éducation internationale est élargie pour inclure l’enseignement en ligne, nous avons bon espoir de voir la situation s’améliorer.
Il faut aussi tenir compte des obstacles politiques qui empêchent les étudiants étrangers de suivre une formation canadienne en ligne. Aux États-Unis, par exemple, les Américains ne peuvent utiliser de fonds octroyés par le gouvernement fédéral pour suivre des cours donnés par des fournisseurs étrangers. Malgré les tentatives des diplomates canadiens pour convaincre les États-Unis de modifier leur législation, peu de choses ont changé. Dans certains des principaux marchés potentiels asiatiques et sud américains, les lois exigent qu’une partie de l’apprentissage ait lieu en classe, ce qui peut aller jusqu’à 80 pour cent dans certains cas.
Même si nous avons la capacité d’acquérir une part accrue du marché des étudiants étrangers en ligne, la demande en enseignement supérieur provient principalement des pays émergents et en développement, où, malgré l’absence de frais de déplacement et de subsistance, l’enseignement supérieur n’est pas accessible à tous en fonction du mérite. À cet effet, l’expertise du Canada en apprentissage en ligne pourrait, si elle est soutenue, avoir des retombées positives sur l’objectif de compétitivité de notre stratégie en matière d’éducation internationale, soit d’attirer les étudiants les plus brillants pour répondre à nos besoins futurs en main-d’œuvre.
Le Royaume-Uni, les Pays Bas et les États Unis ont tous bénéficié des retombées de leurs importantes mesures philanthropiques et gouvernementales et, plus récemment, du soutien en capital de risque pour les initiatives de REL donnant accès à un grand choix de formations universitaires en ligne gratuites pour tous. Grâce à ces investissements, de prestigieuses universités américaines se sont fait encore mieux connaître à l’échelle mondiale en « enseignant » à des milliers d’étudiants étrangers dans des Massive Open Online Courses (MOOC), des cours en ligne ouverts à tous. Il reste à voir si de tels cours gratuits non crédités peuvent aider ceux qui les suivent à contribuer au développement de leur pays.
Bien que notre pays ait reçu l’une des deux chaires mondiales de l’UNESCO en REL l’année dernière et que la plupart de nos universités explorent les possibilités des REL, le Canada doit encore démontrer son intérêt envers cette initiative d’éducation mondiale potentiellement transformatrice. Il est temps d’agir, non pas dans le but de rattraper le temps perdu ou d’éviter d’accroître notre retard, mais pour ajouter notre propre valeur à ce mouvement.
Si le Canada souhaite exercer une influence considérable dans les pays en développement, il pourrait tirer parti de son avantage numérique en apprentissage en soutenant ses établissements postsecondaires dotés d’une expertise en enseignement à distance pour leur permettre d’exploiter leur contenu sous licence ou de collaborer avec des universités étrangères pour les aider à renforcer leur capacité d’apprentissage à faible coût. De tels partenariats s’appuieraient sur l’expertise canadienne en vue d’aider les pays en développement à élaborer leurs REL, adaptées à leur culture et à leur contexte national, et ainsi satisfaire aux nombreux besoins des populations qui ne peuvent, à l’évidence, être comblés par les moyens traditionnels. De plus, ils contribueraient à former des réseaux internationaux de recherche favorisant les avancées dans les domaines de l’enseignement et de l’apprentissage en ligne.
Le Canada est un chef de file mondial en apprentissage en ligne de haute qualité. La reconnaissance de cet atout dans le monde entier peut nous aider à atteindre nos objectifs d’attirer un plus grand nombre d’étudiants étrangers et de mieux préparer les nouveaux immigrants au marché du travail, qui contribuent tous deux à renforcer la prospérité du Canada. Il ne faut pas oublier néanmoins que cette reconnaissance se traduira en retombées positives uniquement si nous aidons les pays en développement à satisfaire leurs propres besoins en éducation. Pour ce faire, il faudra que le secteur postsecondaire et le gouvernement travaillent de concert et fassent preuve d’imagination pour réaliser le plein potentiel de l’apprentissage en ligne pour le bien de notre pays et du monde entier.
Vicky Busch est directrice générale de l’Université virtuelle canadienne.