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À mon avis

Un programme coopératif destiné dans le cadre du doctorat en arts

Les titulaires de doctorat en sciences humaines sur le marché du travail.

par KRISTOPHER GIES | 06 NOV 13

Les conditions actuelles du marché de l’emploi universitaire donnent à réfléchir. Le nombre de doctorats décernés chaque année demeure élevé, malgré l’offre relativement faible de postes universitaires menant à la permanence. Parallèlement, les cours universitaires sont de plus en plus souvent donnés par des chargés de cours mal rémunérés et au statut précaire. La situation actuelle est telle que les concepts de carrière universitaire et de stabilité professionnelle sont devenus deux objectifs incompatibles pour nombre de doctorants talentueux et motivés.

Par ailleurs, au cours de leurs études, les doctorants reçoivent peu de conseils sur les carrières non universitaires, comme le précisent des rapports publiés par le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) ainsi que l’Association canadienne des stagiaires postdoctoraux et Mitacs. Au Canada, les programmes de doctorat ne parviennent pas à s’adapter à la réalité actuelle.

Quelles mesures faut-il prendre pour renverser la tendance et éviter que les nouveaux titulaires de doctorat se retrouvent coincés entre la précarité des emplois universitaires et la courbe d’apprentissage abrupte et incertaine qui les attend hors campus? La question est particulièrement pertinente dans le cas des doctorants du domaine des arts.

La sensibilisation accrue à la réalité des nouveaux titulaires de doctorat a mené à des initiatives intéressantes, comme des ateliers de perfectionnement professionnel et des conférences de diplômés qui font carrière hors du milieu universitaire. Cependant, les doctorants en sciences humaines n’ont que très peu d’occasions d’acquérir de l’expérience dans des postes non universitaires liés à leur discipline.

Aux arts, on prépare les doctorants presque exclusivement au professorat universitaire. Sans expérience de travail hors campus, ceux qui décident de se lancer sur le marché de l’emploi extérieur souffrent donc d’un sérieux désavantage. Dans la récente chronique qu’elle signe pour Affaires universitaires, Janice Allen souligne que les stages pourraient constituer une solution. Son expérience au doctorat en sciences de la terre montre que les stages peuvent être une excellente occasion d’acquérir des compétences professionnelles qui s’avèrent précieuses tant à l’université qu’en entreprise.

Contrairement aux programmes des disciplines scientifiques, les programmes des arts dans les universités canadiennes ne tirent pas pleinement parti des relations établies avec les secteurs non universitaires. En outre, puisqu’on attend des doctorants qu’ils acquièrent de solides compétences universitaires en se consacrant à la recherche, à l’enseignement et à la présentation d’exposés, l’idée de consacrer temps et efforts à d’autres types d’activités laisse sceptiques bien des étudiants et des superviseurs. Compte tenu de ces obstacles importants, peut-on concilier l’apprentissage par l’expérience (et tous les avantages qu’il comporte) avec le parcours doctoral traditionnel?

Les initiatives comme les stages proposés par Mitacs permettent de combler ces lacunes en faisant le pont entre l’université et l’industrie. Néanmoins, pour ceux qui souhaitent explorer des carrières mettant à profit leurs compétences, mais pas nécessairement en qualité de chercheur (la recherche dans certains domaines n’existant tout simplement pas à l’extérieur du milieu universitaire), les possibilités du programme Mitacs semblent limitées.

Il est tout de même possible de mettre en œuvre des réformes qui permettraient de mieux préparer les doctorants en sciences humaines à une carrière universitaire et au marché du travail en général.

De concert avec les programmes d’enseignement coopératif et les services de relations avec les anciens, les départements des facultés des arts peuvent commencer à tisser des liens avec des entreprises et des organisations externes, à l’instar de ce que l’on observe depuis longtemps dans d’autres disciplines. En établissant des partenariats avec des employeurs, on pourrait instaurer une sorte de programme coopératif restreint pour les doctorants et intégrer l’expérience de travail à la proposition de financement des doctorants au lieu d’en faire une exigence distincte. En offrant le choix entre une tâche d’assistant d’enseignement ou un stage, pour environ le même salaire et le même nombre d’heures par semaine, les doctorants pourraient tirer parti de l’apprentissage par l’expérience sans nuire à l’activité savante et à la diffusion des connaissances, qui sont leurs obligations premières.

En plus de permettre aux étudiants d’explorer d’autres carrières, les liens créés procureraient à terme d’autres avantages importants. Dans les départements des facultés des arts qui subissent des pressions budgétaires constantes, les ententes avec des partenaires externes qui s’acquittent d’au moins une partie de l’allocation des étudiants pendant leur stage permettraient de libérer des fonds. De plus, en faisant valoir leurs compétences et leur éthique de travail rigoureuse, les doctorants stagiaires dissiperont les craintes des employeurs qui croient que les titulaires de doctorat sont mal préparés pour le milieu de travail. Le programme coopératif restreint profitera également aux disciplines elles-mêmes, puisque des diplômés hautement qualifiés appliqueraient activement leurs compétences et leur expertise dans une grande variété de milieux.

En somme, de telles mesures permettraient aux doctorants de terminer leur programme en ayant acquis non seulement la formation nécessaire pour obtenir des postes universitaires, mais également les compétences, l’expérience et la confiance dont ils ont besoin pour choisir d’autres voies. Il faudra bien sûr des efforts importants pour mettre en place un tel système, mais le jeu en vaut la chandelle s’il permet d’adapter le doctorat en arts aux défis qui nous attendent. Toute aventure commence par un premier pas.

Après un doctorat en histoire à l’Université de Guelph, Kristopher Gies a obtenu un poste en ventes et en marketing aux presses de l’Université de Toronto.

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