Cet article a été publié à l’origine sur le site Web The Conversation. Lisez l’article original.
Chaque année, des millions de personnes prennent de nouvelles résolutions. Elles décident de passer plus de temps à faire de l’exercice, à développer de nouvelles compétences, à s’adonner à de nouveaux passe-temps ou à atteindre d’ambitieux objectifs.
Pourtant, les gens se plaignent de manquer de temps. C’est le cas de la moitié de ceux qui ont un emploi et qui n’ont pas d’enfants. Pour ceux qui élèvent une famille, ce chiffre s’élève à 58 pourcent.
Comment les gens peuvent-ils prendre de nouvelles résolutions alors qu’ils sont déjà si nombreux à manquer de temps? Ne serait-ce pas une forme de pression temporelle auto-imposée? Et tant qu’on y est, quelle part de notre contrainte de temps est justifiée, et laquelle est de notre propre chef1?
La peur chronique de manquer quelque chose
Beaucoup de gens se plaignent que le travail est la principale raison pour laquelle ils n’ont pas le temps. Nous devons tous mettre du pain et du beurre sur la table. Pourtant, le nombre d’heures consacré au travail est demeuré, dans l’ensemble, relativement stable au cours des dernières décennies. En fait, les gens (surtout les hommes) ont plus de temps libre aujourd’hui qu’il y a 50 ans.
Mais tout le monde n’apprécie pas les loisirs de la même façon. Les personnes mieux rémunérées et plus instruites travaillent plus et ont moins de temps libre. Vous avez bien lu : les personnes les plus susceptibles de se plaindre de manquer de temps sont riches et très instruites. Elles choisissent de travailler davantage parce que leur emploi est bien rémunéré et non parce qu’elles sont en mode survie. Ainsi, à moins que quelqu’un ne soit très pauvre et/ou monoparental, la plupart des contraintes de temps liées au travail dont les gens se plaignent peuvent être une illusion.
Les longues heures de travail ne sont pas la seule forme de pression temporelle auto-infligée. Lorsque les gens se sentent pressés par le temps, ils estiment que c’est parce qu’ils n’ont pas le temps de tout faire. Mais que se passerait-il si leur définition de « tout » n’était pas tout ce qu’ils ont réellement à faire, mais tout ce qu’ils pourraient faire?
Beaucoup de gens souffrent aujourd’hui d’un FOMO chronique («fear of missing out», la peur de manquer quelque chose). Les chercheurs ont constaté que certaines personnes sont prêtes à s’adonner à des activités désagréables (par exemple, dormir dans des hôtels de glace) dans le seul but de vivre le plus de choses possible.
Un article du New York Times rapporte que les gens aujourd’hui doivent faire face à « une offre vertigineuse de divertissement qui inclue la vidéo en continu comme Amazon Prime Video, Hulu et Netflix; les chaînes câblées et les applications provenant de magasins comme HBO et Showtime; YouTube; et pas moins de 28 000 podcasts ».
La solution? Regarder des séries à grande vitesse («speed watching»), une pratique qui consiste à visionner des émissions de télévision et des films jusqu’à deux fois plus vite que d’habitude. Le résultat? Les gens se sentent encore plus pressés par le temps, car ils essaient frénétiquement d’accumuler autant d’expériences que possible en un minimum de temps.
Dis-moi ce que tu fais, je te dirai qui tu es
Il y a une autre source de pression temporelle auto-imposée : ce que les autres pensent de nous. La façon dont nous utilisons notre temps a une valeur symbolique; elle en dit long sur qui nous sommes. Et si nous ne faisons rien de productif avec notre temps, d’autres nous traiteront de fainéants paresseux. C’est pourquoi certaines personnes choisissent délibérément d’être toujours pressées et occupées.
Parce qu’être occupé est une marque d’honneur, de statut social. Si nous sommes occupés, que nous n’avons jamais le temps et que nous travaillons dur, dit la société, nous aurons l’air d’une meilleure personne.
Nous nous mettons déjà trop de pression sur nous-mêmes. Pourquoi prendre de nouvelles résolutions?
Il faut du temps pour les réaliser. Et très souvent, ces résolutions échouent parce que les gens manquent de temps (ou, plutôt, parce qu’ils n’en ont pas eu suffisamment au départ). Pire, le manque de temps est terrible pour notre santé mentale et favorise des habitudes alimentaires malsaines.
Voici mes anti-résolutions!
À moins que vous n’ayez déjà beaucoup de temps libre, vous voudrez peut-être envisager de faire des anti-résolutions, c’est-à-dire passer moins de temps à faire ce que vous faites déjà.
Mes anti-résolutions pour 2019 sont de passer moins de temps à travailler, à lire les nouvelles et à aller au gym. Certains pourraient me traiter de paresseux. Mais s’il y a quelque chose que j’ai appris de mes recherches sur la gestion du temps, c’est de ne jamais laisser d’autres personnes vous culpabiliser parce que vous ne travaillez pas assez.
C’est normal de faire moins, ou même de ne rien faire. Avoir beaucoup de temps libre peut vous rendre plus heureux et plus présent.
Qui sait, le fait d’être moins occupé donnera peut-être aux gens le temps de réfléchir aux raisons pour lesquelles ils étaient si occupés.
Brad Aeon est un chercheur à l’Université de Concordia.