Comme beaucoup de magazines (pour ne pas dire la plupart d’entre eux), Affaires universitaires a largement recours à des rédacteurs à la pige. Comme nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’embaucher des rédacteurs à temps plein pour alimenter les pages du magazine (et du site Web), nous comptons sur l’excellent travail de nos collaborateurs réguliers.
Nous leur offrons une rémunération concurrentielle par rapport aux normes de l’industrie, sauf que ces normes sont effroyablement peu élevées. Ils reçoivent en moyenne entre 0,50 $ et 1 $ le mot, ce qui fait qu’un article de 1 500 mots peut rapporter jusqu’à… je vous laisse faire le calcul. Les pigistes à temps plein peuvent se considérer chanceux s’ils gagnent 40 000 $ par année, et bon nombre touchent un revenu considérablement moindre. Le travail se fait parfois rare, et ils n’ont pas droit aux avantages sociaux. De plus, les tarifs stagnent depuis au moins deux décennies.
Nous aimerions bien évidemment offrir une meilleure rémunération à nos collaborateurs, mais notre budget est limité. Si nous les payons plus, nous devrons réduire les dépenses ailleurs, comme dans la photo, la conception ou la qualité du papier.
Ces considérations vous semblent-elles familières? Comme vous l’avez sans doute deviné à la lecture du titre, je trace un parallèle entre les rédacteurs pigistes et les chargés de cours. Les universités ont abondamment recours à ces travailleurs à temps partiel sous-payés, mais elles n’ont tout simplement pas les moyens de les payer plus ou, hélas, de leur offrir un poste à temps plein menant à la permanence.
Je sympathise avec les universités canadiennes. Ce n’est pas comme si elles avaient suspendu l’embauche : selon l’Association des universités et collèges du Canada, près de la moitié des professeurs sont entrés en poste au cours de la dernière décennie. En plus de remplacer ceux qui partent à la retraite, les universités ont embauché quelque 8 000 professeurs pendant cette période.
Les effectifs continuent toutefois d’augmenter – le nombre d’étudiants à temps plein a plus que doublé depuis 1980 –, et à un rythme plus rapide que celui du corps professoral. Résultat : les ratios étudiants-professeur ont augmenté, et les universités ont davantage recours à des chargés de cours sous-payés.
Je me demande souvent comment les professeurs permanents perçoivent les chargés de cours. Sont-ils mal à l’aise que des collègues hautement qualifiés soient traités comme des professionnels de deuxième ordre? Éprouvent-ils un sentiment de solidarité, ou préfèrent-ils simplement ne pas y penser?
C’est un casse-tête que je ne connais que trop bien. Peut-être pourrions-nous offrir une meilleure rémunération à nos collaborateurs à la pige et améliorer leurs conditions de travail de façon générale. Au cours des dernières années, certains ont adhéré à des syndicats qui réclament des tarifs plus élevés et uniformes, et nous nous y sommes conformés.
Bien entendu, le parallèle entre les chargés de cours et les rédacteurs pigistes n’est pas parfait. Beaucoup de rédacteurs choisissent la pige parce qu’ils aiment la liberté qu’elle leur procure, même si elle est moins bien rémunérée. Je suis convaincu que les chargés de cours (que vous appelez peut-être enseignants contractuels ou adjoints) aiment aussi leur travail, mais que la plupart abandonneraient volontiers leur mode de vie itinérant pour un poste à temps plein assorti d’avantages sociaux.