Passer au contenu principal
En Marge

Droits, torts et jugements hâtifs

Regard sur la controverse au sujet d’un accommodement religieux à l’Université York.

par LÉO CHARBONNEAU | 14 JAN 14

La controverse au sujet de la demande d’accommodement religieux d’un étudiant de l’Université York a causé en quelque sorte une tempête médiatique la semaine dernière (une liste de liens est fournie à la fin de ce billet, pour ceux qui souhaitent en savoir davantage). Affaires universitaires a été le premier média sollicité pour couvrir l’affaire, et le premier à en relater les faits. Je profite de ce billet pour explorer notre décision, notre traitement de la question et les événements qui ont suivi.

Rappelons d’abord les grandes lignes de l’affaire : l’automne dernier, Paul Grayson, professeur de sociologie à l’Université York, a reçu une demande d’un étudiant qui désirait être dispensé d’un travail d’équipe obligatoire afin d’éviter d’interagir publiquement avec des étudiantes, pour des motifs religieux. M. Grayson estimait devoir refuser, puisqu’à ses yeux, consentir à la demande reviendrait à soutenir tacitement une vision négative des femmes. Cependant, puisqu’il y voyait une question de principe exigeant une réponse de l’établissement, il a transmis la demande de l’étudiant au doyen de la faculté des arts et au bureau des droits de la personne de l’Université. Tous deux lui ont répondu, essentiellement, qu’il devait se plier à la requête de l’étudiant. On ne sait pas si l’étudiant a été avisé de ces discussions, mais avant que l’administration ne s’en mêle, il a répondu qu’il respectait la décision du professeur, acceptant de participer à l’activité.

Fin de l’histoire? Pas selon M. Grayson, qui a jugé que la question la plus importante (à savoir si la requête de l’étudiant était raisonnable ou non) n’avait pas été résolue. Au début de décembre, il a donc communiqué avec la rédactrice en chef d’Affaires universitaires, Peggy Berkowitz, dans l’espoir que le magazine aborde la question, d’une façon ou d’une autre. Elle a convenu qu’il s’agissait d’un dilemme très intéressant qui appelait un débat. Or, ce n’est pas l’habitude du magazine de publier des révélations potentiellement nuisibles à une université ou à sa réputation (pour des raisons dont nous pourrons traiter plus tard).

Après discussion, l’équipe de rédaction d’Affaires universitaires a donc proposé à M. Grayson de relater son histoire sans mentionner son nom ni celui de son université. Nous jugions qu’il n’était pas essentiel de nommer l’établissement en question pour discuter des grands enjeux des accommodements religieux et des droits concurrents. Il nous a donné son accord. Puisque nous étions alors la semaine avant Noël, nous avons décidé d’attendre après les vacances des fêtes pour publier le reportage que Mme Berkowitz a rédigé à partir des documents présentés par M. Grayson.

Je me demandais combien de temps l’identité de M. Grayson et de son université resterait secrète. De fait, pendant les vacances, M. Grayson a communiqué avec un journaliste du Globe and Mail. Sans surprise, le journal s’est montré très intéressé et a publié un article en ligne seulement quelques heures après le nôtre, en nommant le professeur et l’Université. L’affaire a rapidement été relayée par le Toronto Star, le National Post, CBC News, Le Devoir et d’autres médias. On en a même parlé en France, dans Le Figaro.

Ces premiers articles ont été suivis d’une importante vague de commentaires, d’opinions, de débats à la radio, en ligne et autres, surtout négatifs. Dans la plupart de ces jugements hâtifs, l’université était clouée au pilori. Dans l’ensemble, j’ai trouvé les réactions décevantes et prévisibles. On y a vu des déclarations contre l’Islam (bien que la religion de l’étudiant n’ait jamais été précisée), le multiculturalisme, les valeurs « anticanadiennes », la lâcheté des administrateurs, et plus encore. Malheureusement, divers politiciens ont aussi jugé bon de se prononcer. De nombreux lecteurs en ligne ont également écrit des commentaires très peu avertis, sectaires, ignorants et gênants.

En revanche, j’aimerais souligner avec une certaine fierté que presque tous les commentaires des lecteurs d’Affaires universitaires (sur les versions anglaise et française de notre site) sont tout à fait respectueux et éclairés, le plus souvent signés, et enrichissent le débat au lieu de brouiller les cartes. Vous constaterez également que nos lecteurs ne sont pas aussi prompts à condamner d’emblée l’Université. En effet, plusieurs relèvent que l’Université semble avoir agi conformément au Code des droits de la personne de l’Ontario et aux décisions de la Commission ontarienne des droits de la personne – une opinion que partagent certains experts juridiques consultés par les journalistes. Je vous incite fortement à lire notre section de commentaires pour vous forger une opinion.

Voici quelques liens pertinents :

Religious accommodation or ‘accessory to sexism’? York student’s case stirs debate (Globe and Mail)
York University professor who refused student’s request to be separated from female classmates broke ‘obligation to accommodate’: officials (National Post)
Université York – Un prof réclame une charte pour le Canada (Le Devoir)
York professor right to deny religious request (Maclean’s On Campus)
Université York – Les femmes de trop (Le  Devoir)
Editorial: Reasonable accommodation at York is not a slippery slope (Globe and Mail)

De l’Université York
Statement from Rhonda Lenton, provost and vice-president academic
Statement from York University President Mamdouh Shoukri on Religious Accommodation

À PROPOS LÉO CHARBONNEAU
Léo Charbonneau
Léo Charbonneau is the editor of University Affairs.
COMMENTAIRES
Laisser un commentaire
University Affairs moderates all comments according to the following guidelines. If approved, comments generally appear within one business day. We may republish particularly insightful remarks in our print edition or elsewhere.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Click to fill out a quick survey