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En Marge

Le piètre état de la communication scientifique au Canada

Exception faite de Chris Hadfield, la vulgarisation de la science n’est pas le point fort des Canadiens.

par LÉO CHARBONNEAU | 29 MAI 13

La récente campagne de sensibilisation du public du commandant canadien de la Station spatiale internationale, Chris Hadfield – ses vidéos explicatives, ses photos et sa reprise remarquable de la chanson « Space Oddity » de David Bowie, sans compter le million d’abonnés à son compte Twitter – a constitué un triomphe pour la communication scientifique, affirme le rédacteur de la revue Scientific American, Kyle Hill. Qui pourrait dire le contraire?

C’était une très bonne nouvelle, puisqu’au Canada, la communication scientifique, ou du moins la couverture médiatique des dossiers scientifiques, n’a jamais été particulièrement soutenue. Il y a bien sûr des exceptions notables : au Canada anglais, citons l’émission Quirks and Quarks qu’anime depuis longtemps Bob McDonald à la radio de la CBC, ainsi que l’incontournable émission télévisée The Nature of Things avec David Suzuki, également diffusée à la CBC (les deux émissions en sont respectivement à leurs 35e et 53e saisons, un triomphe digne d’être souligné).

En revanche, au quotidien, dans les médias, la situation est moins reluisante. L’époque où les journaux canadiens embauchaient des journalistes scientifiques à temps plein est pratiquement révolue et les nouvelles scientifiques font rarement incursion dans les bulletins télévisés. Le Canada ne possède même pas de magazine scientifique national.

Certains organismes comme le Centre canadien science et médias et la Canadian Science Writers Association s’efforcent d’améliorer la qualité de la communication scientifique, mais ils disposent pour la plupart de budgets très limités.

Comme c’est souvent le cas, la situation au Québec est quelque peu différente. On y publie un magazine scientifique général, Québec Science, qui a célébré son 50e anniversaire l’an dernier, ainsi qu’un excellent magazine scientifique pour enfants, Les Débrouillards. Le Congrès de l’Acfas qu’organise chaque année l’Association francophone pour le savoir est également un grand événement médiatique; quelque 6 000 congressistes y ont participé en mai. L’Acfas publie aussi un magazine numérique, Découvrir.

Je ne sais pas à quelle cause attribuer une telle carence en matière de communication scientifique au Canada. On ne peut certainement pas dire que l’esprit scientifique manque au pays. Le Canada a toujours fait bonne figure à l’échelle internationale au chapitre de la recherche scientifique, comme en font foi le Conseil des académies canadiennes dans son rapport de 2012, et plus récemment le Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation (qui a entre autres signalé que le pays, qui compte seulement 0,5 pour cent de la population mondiale, est à l’origine de 4,4 pour cent de l’ensemble des publications mondiales en sciences naturelles et en génie).

Je sais toutefois, pour avoir couvert les dossiers scientifiques pendant une grande partie de ma carrière, qu’il est difficile de rendre la communication scientifique captivante. De fait, les découvertes scientifiques se font rarement en un seul éclair de génie qui crée l’événement, mais plutôt en une longue série de minuscules avancées qui peuvent sembler nébuleuses pour le grand public.

Par ailleurs, quand les médias parlent de science, l’anecdote éclipse souvent les faits importants. Comme le déplorait récemment un rédacteur dans le Guardian, trop de journalisme scientifique tombe dans la catégorie de « l’infodivertissement ». Son article a suscité de nombreuses réactions sur Twitter, autant favorables que défavorables.

Comme je l’ai déjà écrit, je crois que c’est l’aspect humain qui rend un reportage intéressant – qu’il soit de nature scientifique ou autre. Après tout, la science est une activité humaine. Je veux connaître les personnalités en cause et ce qui les motive à poursuivre leur quête (d’autres s’opposeront à ce point de vue, soutenant qu’on limite ainsi la portée du journalisme scientifique).

L’article « Passer le flambeau », de Michael Smith, publié dans les pages d’Affaires universitaires en février 2005, constitue un bon exemple à cet égard; il a d’ailleurs remporté la Médaille d’excellence Sanofi Pasteur en journalisme dans le domaine de la recherche médicale. L’article « Les origines du sida » est un autre exemple plus récent. Son auteur, Mark Cardwell, a récemment été nommé finaliste dans la catégorie Meilleur portrait pour les Prix Kenneth R. Wilson en journalisme spécialisé. (Les lauréats seront annoncés la semaine prochaine.)

Qu’en pensez-vous? Mon jugement à l’égard de la communication scientifique au Canada est-il trop sévère? Et s’il est juste, que peut-on faire pour améliorer la situation?

À PROPOS LÉO CHARBONNEAU
Léo Charbonneau
Léo Charbonneau is the editor of University Affairs.
COMMENTAIRES
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  1. A. Prince / 31 mai 2013 à 11:20

    Votre point de vue est intéressant. La vulgarisation scientifique pose un problème aussi de nos jours. La recherche fondamentale est complexe et même les plus érudits n’arrivent souvent pas à trouver les bonnes manières d’imager pour rendre le savoir accessible. La génétique en est un exemple, c’est si complexe et souvent une découverte dans le domaine peut amener une meilleure compréhension générale sans pour autant changer quoique ce soit dans la vie des gens a priori.

    Les universités ont pour la plupart des départements de communication qui tentent d’intéresser les journalistes aux nouvelles découvertes, qu’elles soient fondamentales ou non. Mais dès que la vulgarisation pose problème, le journaliste préférera parler d’un fait divers qui touche sont public cible puisque la « nouvelle facile à lire » augmente le nombre de lecteurs, et par le fait même le nombre de publicités vendues.

    Dans le domaine de la santé, une chose intéressante qui commence à prendre de l’ampleur, et qui à mon avis mériterait l’attention d’Affaires universitaires, est l’émergence de la recherche clinique axée sur le patient, ce que l’on peut aussi appeler la recherche translationnelle. Son objectif est de partir d’une découverte fondamentale et tranquillement l’amener vers une application clinique concrète, pour avoir un impact sur le patient. Cette nouvelle manière de faire de la recherche change un peu le travail des chercheurs, et devant les défis de la santé d’aujourd’hui, ce virage semble s’imposer. La communication scientifique dans ce domaine sera plus intéressante dans la mesure où on pourra inclure l’humain, au centre des motivations de recherche.

    Par exemple, à Sherbrooke, le virage est amorcé. Jamais auparavant on nous a autant parlé de découvertes et d’innovations en sciences de la santé que maintenant. Ce qui m’amène à conclure que les efforts de communication scientifique ne se font pas nécessairement dans les grands médias de masse, mais la communication scientifique se porte bien dans certaines régions et le Québec comme le Canada a un grand potentiel scientifique méconnu.

    Ne reste plus qu’à convaincre les grands diffuseurs d’emboîter le pas.

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