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Peu d’étudiants canadiens partent étudier à l’étranger

Les avantages d’aller étudier à l’étranger ne les atteindraient pas.

par LÉO CHARBONNEAU | 10 DÉC 14

Les deux derniers mois ont été marqués par la publication de deux enquêtes sur les efforts du Canada pour internationaliser l’enseignement supérieur. La première de ces enquêtes, le rapport annuel du Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI) paru le mois dernier, fait entre autres état des résultats d’un sondage mené auprès des étudiants étrangers présents au Canada. Ce sondage met en lumière des données intéressantes concernant les expériences et les attentes de ces étudiants, et expose la correspondance entre ces expériences et attentes et les objectifs des universités qui les accueillent.

La seconde enquête, parue cette semaine, est un sondage mené par l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) auprès de ses établissements membres et porte sur les activités d’internationalisation dans les universités. L’AUCC n’avait pas sondé ses membres à ce sujet depuis 2006. Combinées, les deux enquêtes donnent un aperçu relativement juste de la progression de l’internationalisation des universités canadiennes.

L’un des points saillants du sondage mené par l’AUCC tient en un constat : 95 pour cent des universités canadiennes se soucient de l’internationalisation dans le cadre de leur planification stratégique, et 82 pour cent d’entre elles la classent même parmi leurs cinq grandes priorités. Il existe toutefois des variantes régionales. Par exemple, si tous les établissements québécois qui ont participé au sondage ont cité l’internationalisation et (ou) la collaboration internationale parmi leurs cinq priorités absolues, les établissements ontariens n’ont été que 70 pour cent à le faire. Par ailleurs, 89 pour cent des établissements participants déclarent que le rythme de leur internationalisation s’est grandement ou moyennement accru au cours des trois dernières années.

Le recrutement des étudiants au premier cycle est au sommet des priorités. Ce n’est pas étonnant. Le recrutement constitue la priorité numéro un de 45 pour cent des universités canadiennes, et l’une des cinq priorités de 70 pour cent d’entre elles. Parmi les autres priorités mentionnées, citons, par ordre d’importance décroissant, l’établissement de partenariats stratégiques avec les établissements d’enseignement supérieur étrangers, la collaboration internationale en matière de recherche, le recrutement des étudiants étrangers aux cycles supérieurs et la participation aux activités de développement international.

Cinquante-trois pour cent des établissements participants ont déclaré que la première raison qui les pousse à se doter d’une dimension internationale réside dans leur désir de « former des diplômés possédant des compétences internationales et interculturelles ». Parmi les autres raisons citées, mentionnons la volonté des établissements d’accroître les inscriptions dans des programmes spécifiques, de tisser des liens stratégiques, de générer des revenus ainsi que d’accroître leur propre notoriété.

L’enquête menée par l’AUCC a également mis en lumière l’existence d’une grande variété de structures internes et d’accords axés sur l’exécution, le financement et la supervision des activités d’internationalisation. Dans 45 pour cent des établissements, un seul bureau dirige les activités et les programmes d’internationalisation; dans le reste des établissements, ils sont plusieurs à les diriger, soit par l’entremise d’un organe de coordination des activités (28 pour cent), soit indépendamment (23 pour cent). Enfin, quatre pour cent des établissements n’ont aucun bureau chargé de diriger les activités d’internationalisation.

Ce qui semble conforme à la récente affirmation d’Alex Usher, de Higher Education Strategy Associates : « L’une des premières choses dont on se rend compte en étudiant les stratégies d’internationalisation est la fragmentation des pouvoirs au sein des universités canadiennes sur ce plan. »

L’un des constats troublants du sondage de l’AUCC a trait à la mobilité étudiante, et plus particulièrement à la faiblesse constante du nombre d’étudiants canadiens qui optent pour des études à l’étranger. Selon l’enquête, seulement 3,1 pour cent des étudiants à temps plein au premier cycle ont pris part à une expérience internationale au cours de l’année universitaire 2012-2013, et 2,6 pour cent ont ainsi obtenu des crédits. Cette dernière statistique ne marque qu’un léger progrès par rapport aux 2,2 pour cent observés dans le cadre du sondage de 2006. « De toute évidence, malgré les déclarations d’intentions, les progrès sur ce plan sont très lents », précise le rapport.

Interrogés sur les éléments qui selon eux font obstacle aux études à l’étranger, la moitié des établissements participants ont cité en premier lieu le manque de fonds ou d’aide financière. Viennent ensuite « le manque de souplesse ou la complexité des programmes », ainsi que le manque d’intérêt pour les études à l’étranger ou la méconnaissance des avantages conférés par celles-ci.

Il est clair que cet aspect mérite d’être étudié plus à fond, y compris en sondant les étudiants canadiens pour connaître leur point de vue sur l’internationalisation. De toute évidence, les études à l’étranger ne constituent pas une priorité pour la plupart d’entre eux – chose étonnante quand on sait l’importance que les établissements disent attacher à l’internationalisation. Pourquoi ne parvient-on pas à convaincre les étudiants canadiens des avantages des études à l’étranger?

Les universités, mais également les employeurs, attachent une réelle importance à l’expérience internationale des étudiants. Selon un récent sondage mené par le cabinet Léger Marketing pour le compte de l’AUCC, les entreprises voient d’un bon œil les diplômés possédant une expérience internationale. En effet, 82 pour cent des participants à ce sondage estiment que les employés qui « connaissent d’autres cultures et comprennent le marché mondial » constituent un atout pour l’entreprise et renforcent sa compétitivité.

Alors pourquoi si peu d’étudiants canadiens optent-ils pour des études à l’étranger? Est-ce en raison de l’inefficacité des stratégies de communication des universités, ou parce que ces dernières, malgré leurs réponses au sondage, ne considèrent pas la mobilité comme une priorité? Les professeurs insistent-ils comme il se doit sur les avantages de l’internationalisation, et sinon, pourquoi ne le font-ils pas?

Selon le sondage de l’AUCC, 80 pour cent des universités disent soutenir activement les efforts que font les professeurs pour incorporer une dimension internationale à leur travail et à leur enseignement. Le rapport souligne toutefois que « la volonté des professeurs de fournir des efforts pour internationaliser leur enseignement et leur recherche est partiellement liée aux mesures incitatives offertes par les établissements ». Un pourcentage écrasant de 87 pour cent des établissements indique n’avoir établi aucune directive officielle pour reconnaître les travaux et l’expérience des professeurs à l’étranger dans les décisions concernant les promotions et la permanence.

Et qu’en est-il des parents dans tout ça? Doutent-ils de l’utilité des études à l’étranger pour leurs enfants? Font-ils pression sur ces derniers pour qu’ils se contentent de finir leurs études et de trouver un emploi?

Soulignons enfin que les étudiants canadiens ne semblent guère échanger avec les étudiants étrangers présents sur leur campus. En effet, 56 pour cent des étudiants étrangers qui ont répondu à l’enquête du BCEI ont déclaré ne compter, au Canada, aucun étudiant canadien parmi leurs amis. Il est regrettable de voir ainsi les étudiants canadiens se priver d’une si belle occasion de s’ouvrir au monde.

À PROPOS LÉO CHARBONNEAU
Léo Charbonneau
Léo Charbonneau is the editor of University Affairs.
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