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Pourquoi n’y a-t-il pas autant de manifestations étudiantes ailleurs au Canada?

Pour de nombreuses raisons...

par LÉO CHARBONNEAU | 31 JAN 13

Comme plusieurs, j’ai été fascinée par les slogans, les symboles et le spectacle qu’on offert les manifestations étudiantes au Québec lors du printemps érable, l’an dernier. Tout a commencé en signe de protestation contre le projet du gouvernement libéral d’augmenter les frais de scolarité d’environ 75 pour cent, pour atteindre 3 800 $ par année d’ici l’automne 2016. Lors des élections déclenchées par la suite, les Libéraux de Jean Charest ont perdu le pouvoir (en grande partie en raison du conflit étudiant) aux mains du gouvernement péquiste qui, sitôt élu, s’est empressé d’annuler la hausse des frais de scolarité.

Les manifestations, qui ont pourtant attiré une attention médiatique internationale, ont laissé le reste des Canadiens de glace. Certains leaders étudiants québécois ont fait une tournée hors Québec pour expliquer à d’autres regroupements étudiants ce qui se passait et la manière de participer, mais le conflit est demeuré presqu’exclusivement un phénomène québécois. Bien que les frais de scolarité soient beaucoup plus élevés dans la plupart des autres provinces qu’au Québec, les étudiants du reste du Canada n’ont protesté que de manière sporadique contre la hausse des frais de scolarité.

Pourquoi les manifestations des étudiants québécois ont-elles eu si peu de répercussions ailleurs au Canada? Une question intéressante à laquelle Laura Pin, étudiante au doctorat en science politique à l’Université York, a vaillamment tenté de répondre lors de la conférence Academia in the Age of Austerity (Les universités à l’ère de l’austérité) tenue à Toronto en janvier, sous l’égide de l’Union des associations de professeurs des universités de l’Ontario. Mme Pin a alors participé à un groupe de discussion réunissant des leaders étudiants sous le thème « Québec et au-delà ».

Selon elle, quatre facteurs expliqueraient l’absence de manifestation hors Québec. Le premier facteur serait une structure politiquement « opportune », autrement dit la présence d’un élément déclencheur clair, soit la hausse des frais de scolarité par le gouvernement Charest. Mme Pin indique qu’en Ontario, les étudiants n’ont pas subi de choc devant l’augmentation soudaine, comme ce fut le cas au Québec, car les augmentations ont été constantes et graduelles. Un commentateur à la conférence a justement comparé cette situation à l’allégorie de la grenouille.

Deuxièmement, le gouvernement Charest en était à son troisième mandat et, de l’avis de plusieurs, avait connu des jours meilleurs. Mme Pin mentionne que les libéraux se retrouvaient bas dans les sondages à la fin de ce mandat, et que bon nombre d’électeurs souhaitaient simplement les voir partir. Les manifestations étudiantes étaient une occasion idéale pour des groupes d’opposition de confronter le gouvernement et de l’affaiblir.

Troisièmement, il existe au Québec une longue tradition d’action sociale qui remonte à la Révolution tranquille des années 1960 et qui, à intervalles réguliers, se traduit par une mobilisation générale des étudiants de niveau postsecondaire. Sans oublier que les hausses ont été perçues au Québec comme faisant partie de mesures sociales plus larges en matière d’équité et d’égalité des chances, des questions soulevées par le conflit. En revanche, poursuit Mme Pin, l’Ontario connaît le discours d’austérité depuis des années maintenant. En outre, la couverture médiatique hors Québec a été condescendante et dénigrante à l’égard des manifestations. Ainsi, comme la formation universitaire est de plus en plus perçue au Canada comme un avantage personnel que se procurent les individus, les frais de scolarité et l’endettement étudiant deviennent des enjeux personnels et non des questions sociétales, dit-elle.

Quatrième et dernier facteur, Mme Pin suppose que les frais de scolarité élevés en Ontario et dans la majeure partie du Canada répriment les manifestations parce qu’il y a beaucoup à perdre; le « coût de renoncement » est très élevé. L’endettement élevé et la nécessité, pour de nombreux étudiants, de travailler à temps partiel pendant leurs études peuvent, selon elle, entraver l’action collective. Il devient difficile pour un étudiant qui a une lourde charge de travail de s’engager dans une cause. En Ontario, l’aide financière aux étudiants est structurée de sorte que, lorsqu’on manque ses cours, on risque d’être privé de financement.

Je trouve tous ces facteurs judicieux et plausibles. Peut-être en auriez-vous d’autres à nous proposer. Dans un même ordre d’idées, à la lumière des récentes coupures budgétaires, certains diront que les manifestations étudiantes ont eu un effet désastreux pour les universités au Québec, mais c’est une autre histoire.

À PROPOS LÉO CHARBONNEAU
Léo Charbonneau
Léo Charbonneau is the editor of University Affairs.
COMMENTAIRES
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  1. Javier Escamilla / 9 février 2013 à 13:42

    Je crois très pertinent de regarder le phénomène de mouvement des étudiantes latino-américain. Il n’est pas médiatisé, mais depuis plus de 50 ans en Chili, en Argentine et en Colombie pour donner un exemple ont été capables de mobiliser et de bloquer tout une nation pendant des journées avec des centaines de détenues, disparitions et tortures avec la complicité des états et du média.

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