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En Marge

Rapport de la CIBC et couverture médiatique sur l’enseignement supérieur

Derrière les manchettes se cache une réalité tout en nuances.

par LÉO CHARBONNEAU | 10 SEP 13

Un rapport (en anglais seulement, semble-t-il) publié récemment par Marchés mondiaux CIBC au sujet de la rentabilité d’une éducation postsecondaire au Canada a fait les manchettes juste au moment où les étudiants reprenaient le chemin de l’école. Il offrait d’ailleurs une intéressante leçon sur les pièges des rapports sur l’enseignement supérieur.

En résumé, la CIBC affirme dans son rapport que la prime associée à un diplôme, sous forme de revenus et de perspectives d’emploi, dégringole parce qu’il y a trop peu d’étudiants qui sortent des programmes d’études en forte demande sur le marché de l’emploi et que le Canada compte trop de diplômés de niveau postsecondaire. Ces deux affirmations sont fausses, ou du moins trompeuses.

Crédulement, les journaux ont relayé l’information : « The value of education is dropping fast for university graduates », pouvait-on lire dans le Financial Post; « Students, students everywhere – but few with a degree employers need », dans le Canadian HR Reporter; « Too many students fail to enrol in job-linked programs », dans le Halifax Herald à partir d’un article de la Presse canadienne, et « Arts degree? You’ll earn less than a high school grad », dans le quotidien The Province.

Le Globe and Mail a également publié un commentaire des plus étranges selon lequel un retour au Moyen Âge serait souhaitable, pour qu’une « minorité privilégiée puisse réfléchir aux problèmes philosophiques » pendant que le reste de la population vit dans une bienheureuse ignorance. Je suis sérieux. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un article satirique, mais d’autres lecteurs m’ont indiqué le contraire.

Il n’est pas étonnant que les défenseurs de la valeur d’une éducation postsecondaire aient répliqué. L’Association des universités et collèges du Canada a publié un texte d’opinion qui procède à une « mise en contexte des données contenues dans le rapport de la CIBC ». Jean-Marc Mangin, directeur général de la Fédération des sciences humaines, s’est joint au débat en publiant l’article « Liberal arts education: good for your mind and your wallet » sur le blogue de la Fédération. S’en est suivi une lettre ouverte dans le Globe and Mail, intitulée « Universities should educate – employers should train » et signée par Max Blouw, recteur de l’Université Wilfrid Laurier et président du Conseil des universités de l’Ontario. M. Blouw n’y faisait pas précisément référence au rapport de la CIBC, mais expliquait tout de même que « les universités doivent permettre un développement intellectuel et personnel élargi qui permet aux diplômés de réussir dans un monde en constante évolution ».

Le plus grand coup a été porté par Alex Usher, de Higher Education Strategy Associates. Dans un article paru sur son blogue One Thought to Start Your Day, il met le rapport de la CIBC en pièces en évoquant des erreurs dans les faits, du picorage de données et une absence de pensée critique. Par exemple, M. Usher fait remarquer que les retombées financières d’un baccalauréat ne sont pas en baisse. En fait, elles augmentent, mais à un rythme plus lent que pour d’autres niveaux d’éducation, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Certains diront que les réactions au rapport de la CIBC (et à sa couverture médiatique) ne sont que le travail de personnes intéressées qui prêchent pour leur paroisse. Il est vrai que bon nombre d’intervenants ont des intérêts à défendre, mais je me demande pourquoi les journalistes n’ont pas sondé ces voix divergentes afin de présenter un point de vue différent et, surtout, équilibré. Sans vouloir laisser entendre que les auteurs du rapport de la CIBC ont leur propre programme (leur rapport contenait d’autres observations pertinentes et importantes), je crois que l’angle qu’ils ont choisi peut être remis en question.

Le rapport semble en effet partir de l’idée que le rôle principal des universités est de former en fonction des besoins du marché de l’emploi, ce dont profitent les employeurs. Est-ce ce que nous voulons? Les auteurs semblent également penser qu’il est possible de prédire avec une certaine précision les besoins futurs du marché du travail. Y a-t-il des données probantes qui appuient cette hypothèse?

Les journalistes aiment les histoires qui vont à l’encontre de la pensée conventionnelle. « Les études universitaires ne sont plus profitables » et « les jeunes n’étudient pas dans les bons domaines pour obtenir les bons emplois » en sont des exemples éloquents. Ils donnent également dans une certaine forme d’anti-intellectualisme en affirmant qu’un trop grand nombre de jeunes perdent leur temps à étudier dans des domaines sans avenir et n’ont que ce qu’ils méritent. Cette caricature facile doit cependant être corrigée, car la vérité est, comme toujours, beaucoup plus nuancée et compliquée.

À PROPOS LÉO CHARBONNEAU
Léo Charbonneau
Léo Charbonneau is the editor of University Affairs.
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