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Légalement parlant

Le recours à la loi n’aide pas à créer un milieu de travail respectueux

Quand les griefs investissent le terrain des procédures officielles, les positions et les sentiment se cristallisent, ce qui éloigne encore plus les parties de la résolution du conflit.

par CHERYL FOY | 30 NOV 20

Cette chronique est une invitation à mes collègues à travers le pays à travailler ensemble pour créer une culture qui favorise la résolution de conflit, qui fasse de nos milieux de travail un espace positif et accueillant au sein de nos universités. Ce dont il est ici question n’est pas nouveau. Les cultures de nos lieux de travail respectifs sont issues des types de comportements auxquels nous adhérons collectivement. Au sein de nos établissements, il semble y avoir une tendance forte à recourir aux procédures d’enquêtes et juridiques, ainsi qu’un manque de volonté à assumer notre rôle dans la création de cette culture et à participer aux processus parallèles de résolution de conflits qui génèrent des résultats beaucoup plus positifs. Nous le savons tous. Or, nous semblons peu disposés à appliquer ce que nous savons lorsqu’il s’agit de conflits personnels.

Je me suis souvent retrouvée à la même table que mes collègues dans un contexte de plaintes, de griefs et de litiges. Généralement, il s’agit d’un collègue qui a été blessé ou offensé, ou encore traité d’une manière qu’il estime contraire à la loi. J’ai constaté à maintes reprises que le processus fait plus de mal que de bien. Une fois que les griefs ou les plaintes entrent dans une procédure officielle, ne serait-ce qu’à l’étape de l’enquête, les positions et les sentiments tendent à se cristalliser, éloignant ainsi encore davantage les parties d’une possible résolution du conflit. À mesure que le dossier avance, peu importe le type de litige, la procédure devient accusatoire. Une procédure accusatoire est un moyen totalement inefficace de résoudre les conflits entre des parties qui continueront de travailler ensemble.

Nous souhaitons tous être respectés et valorisés sur notre lieu de travail. À cette fin, nous devons tous soutenir et favoriser une culture du travail fondée sur des principes et des attentes qui encouragent le respect et sont conformes à nos valeurs. La culture d’un lieu de travail est la culture que nous créons ensemble, que ce soit par des actions délibérées ou l’inaction. Malheureusement, trop nombreuses sont les personnes qui considèrent n’avoir aucun rôle à jouer, ou pire, refusent de jouer un rôle positif dans l’amélioration de la culture de leur lieu de travail. Nous sommes trop nombreux, comme des enfants avec leurs parents, à nous tourner vers les figures d’autorité pour résoudre des conflits qui gagneraient à être réglés de manière non officielle entre les parties.

Le droit est un instrument inefficace

Une grande partie de notre travail en tant que juristes internes consiste à conseiller nos clients universitaires lorsque des membres de la communauté vivent des expériences qui leur donnent le sentiment d’être offensés, dévalorisés et victimisés. Ces expériences vont de gestes qui ne sont pas illégaux en soi, comme un comportement déplacé, à ceux qui sont considérés comme illégaux (harcèlement, discrimination, comportement violent ou haineux). Ces expériences litigieuses touchent les membres de divers groupes tels que les étudiants, le personnel administratif et les professeurs.

En général, les gens qui connaissent peu la loi s’attendent à ce qu’elle soit sans nuances, ils imaginent que les procédures juridiques les aideront à régler la situation. Or ceux d’entre nous qui travaillent avec elle tous les jours savent que c’est bien plus compliqué. C’est cet écart entre la réalité et les attentes qui est à l’origine des frustrations des clients à l’égard de leur conseiller juridique. Sur le lieu de travail, dire que la loi est un instrument inefficace de réparation est un euphémisme.

Je reconnais qu’il existe des situations où les processus officieux sont inappropriés (pensez aux situations invoquant un déséquilibre des pouvoirs et de la violence). Pour la plupart des autres types de conflits, les procédures juridiques et le recours à la loi sont à la fois totalement inadéquats et inappropriés. Si la loi peut parfois obliger quelqu’un à se rétracter, elle ne peut cependant pas effacer la déclaration blessante qui a été faite et elle ne peut pas définir de marche à suivre. La loi fournit au mieux un cadre approximatif grâce auquel une culture positive peut être créée sur le lieu de travail. Il y a plusieurs raisons à cela.

Les procédures sont moins conviviales que ce qu’imaginent les plaignants

La loi prévoit des procédures officielles de résolution de litiges. Là encore, un nombre considérable de travaux étudient l’efficacité des procédures juridiques, leur impact sur les participants et le rôle que ces procédures jouent en restreignant l’accès à la justice.

Un plaignant peut accepter de se soumettre à une enquête, mais découvrir que la procédure est plus longue que prévu, que des questions embarrassantes et difficiles sont posées et qu’en fin de compte, l’enquêteur découvre une vérité qui n’est pas celle à laquelle il croit. Un plaignant peut se présenter au tribunal (plus souvent une salle de conférence avec un médiateur ou une salle d’audience beaucoup moins intimidante qu’une salle de tribunal traditionnelle) pour prendre part à un processus déroutant et inamical, accompagné de discussions sur toutes sortes de questions de procédure et de preuve. Le citoyen ordinaire se demandera alors quand son histoire sera entendue.

La façon dont les plaignants sont obligés de raconter leur histoire est également déconcertante, car ils sont soumis à un interrogatoire mené par leur propre avocat, et répondent à des questions plutôt que de parler librement. La partie adverse a ensuite le droit de vérifier les preuves du plaignant. Il y a donc contre-interrogatoire. Ce n’est qu’après avoir été soumis à un contre-interrogatoire que l’on comprend à quel point c’est une expérience frustrante, aliénante et pénible.

Les défendeurs trouvent ces procédures tout aussi troublantes, stressantes et aliénantes. Il va sans dire qu’un processus qui laisse les participants déçus, blessés, en colère, se sentant incompris ou traités injustement n’est pas un processus qui conduit à des résultats positifs sur le lieu de travail. En général, les gens doivent continuer à travailler ensemble par la suite.

Il n’y a parfois aucun recours si les comportements ne sont pas illégaux

Le dernier point à souligner est que la loi et les procédures juridiques n’offrent parfois aucun recours. L’étendue de la protection offerte par la loi est mal comprise. Il faut d’abord savoir que si la loi prévoit des recours dans plusieurs cas, bien des gestes offensants ou troublants ne sont pas illégaux.

À la question « Cette personne peut-elle me dire cela? », je répondrai que tout le monde peut dire à peu près n’importe quoi. À moins que la déclaration ne soit diffamatoire, discriminatoire (y compris les discours incitant à la haine) ou constitue du harcèlement (selon la définition légale de ce terme), la loi n’offre alors aucun recours à la personne offensée. Sous réserve de la politique de l’université, un comportement qui est simplement hostile, déplacé ou irrespectueux n’est pas illégal. Si le comportement n’est pas illégal, la loi n’offre aucun recours. En fin de compte, une enquête qui n’aboutit pas à la constatation d’un acte répréhensible laisse les deux parties à la case départ. Elle n’aura servi qu’à faire subir à chacun un processus pénible, long et coûteux qui n’apporte aucune solution.

Si, en situation de crise, nous évitons le conflit en nous engageant dans des procédures officielles qui, pour l’essentiel, « cachent la poussière sous le tapis », nos lieux de travail ne changeront pas. Nous ne serons pas meilleurs pour résoudre les conflits. Si nous n’y parvenons pas dans notre propre milieu de travail, comment pouvons-nous être les modèles de résolution des conflits que nous voulons voir dans le monde? Comment pouvons-nous agir à titre de modèles pour nos étudiants?

Cheryl Foy est secrétaire universitaire et avocate générale de l’Université Ontario Tech.

À PROPOS CHERYL FOY
Cheryl Foy
Cheryl Foy est secrétaire universitaire et avocate générale de l’Université Ontario Tech.
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