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L’université sous la loupe

Rien de nouveau… c’est juste pire

Dans cette nouvelle chronique, je vous propose d’examiner divers enjeux universitaires sous un autre angle, en commençant par la relative normalité de la situation actuelle.

par ALEXANDRE BEAUPRÉ-LAVALLÉE | 11 FEV 21

Vous parlez d’un contexte pour se lancer dans l’écriture d’une chronique…

Le monde universitaire est, en lui-même, assez complexe pour occuper plusieurs carrières de recherche et d’enseignement. Pour ma part, je croyais bien pouvoir consacrer le début de ma carrière professorale à l’administration des établissements universitaires. Que ce soit par l’angle des cadres universitaires (intermédiaires, de préférence) ou par celui des mécanismes de répartition interne des crédits, il y a toujours plus de sujets passionnants que de ressources pour les étudier (temps, argent, heures dans une journée, etc.).

Je suis donc tombé amoureux de l’enseignement universitaire dès ma première prestation de cours, en 2008. Sous mon habit cravaté et la sueur qui me faisait regretter mon choix vestimentaire, j’ai réalisé après cinq minutes de cours que l’enseignement me plaisait énormément. C’est un autre aspect de la mission universitaire que l’on peut développer à l’infini. Une fois un cours rodé, la tentation est forte d’en créer un autre, ou de s’intéresser aux programmes, ou au développement de compétences, ou de moderniser son évaluation… bref. Le ciel est la limite, si vous permettez la traduction boiteuse.

Ça c’était jusqu’à l’an dernier. À la fin de l’hiver 2020, les universités canadiennes ont dû réduire au maximum leurs activités tenues sur les campus et en présentiel. Je ne crois pas exagérer en disant que la réalisation normale des tâches est devenue, pour la majorité des membres des communautés universitaires, « anormale ». Anormale parce que les modalités de prestation ont dû être modifiées presque du jour au lendemain. Anormale parce que la place occupée par les outils technologiques est devenue encore plus essentielle qu’elle ne l’était (ce que je ne croyais pas possible avant mars 2020). Anormale parce que la conduite de la recherche, d’ordinaire si passionnante, s’est tout à coup complexifiée au point de parfois remettre sa réalisation en question. Anormale, enfin, parce que les mesures sanitaires nous renvoient l’image de notre relation à la vie universitaire : une relation humaine, souvent de proximité et qui baigne dans des traditions souvent centenaires. Tout un choc.

Évidemment, c’est le cas de toutes les activités humaines, ou presque. Pour cette chronique, permettez-moi de rester sur le plancher des vaches de l’enseignement. Les communautés universitaires ne manquent pas de verve et abordent publiquement leurs récits de survie par le biais de lettres ouvertes et de chroniques comme celle-ci. Plutôt que de répéter ce que d’autres ont dit mieux que je ne le pourrais au sujet des enjeux créés par la crise sanitaire, j’aimerais vous inviter à prendre du recul pendant quelques instants afin de mettre ce contexte… en contexte. La pandémie amplifie l’importance ou l’impact de certains enjeux, mais j’arrive mal à discerner les problèmes dont cette pandémie serait directement responsable.

La pandémie a forcé tous les établissements à conjuguer l’obligation de poursuivre l’enseignement avec le maintien d’une distance étrangère à l’acte d’enseignement. Le choc n’a pas été le même partout. Plusieurs universités étaient déjà hôtes de riches traditions d’enseignement non traditionnel. D’autres avaient déjà entamé des transformations afin de mettre en place de telles pratiques. Pour une troisième catégorie, la mise en place de l’enseignement à distance, asynchrone, hybride (et cetera) a pris des allures de panique. C’est souvent de ces établissements que nous parviennent des récits de mise en œuvre à la va-vite, d’épuisement professionnel et d’autres problèmes du genre. C’est aussi souvent l’occasion de remettre en question la qualité de l’enseignement à distance et son impact sur la validité anticipée des diplômes. Cela ouvre naturellement la porte à une discussion plus large sur la présence des technologies en enseignement et sur le caractère utilitariste du choix général de l’enseignement à distance plutôt que de l’enseignement plus traditionnel.

Tout cela est valide, mais ce ne sont pas de nouveaux débats. Toutes ces questions faisaient déjà l’objet d’échanges publics entre universitaires et avec la société. Il n’y a pas de nouvelle crise au sujet de l’enseignement universitaire : l’ampleur des défis a considérablement changé, mais ce sont à mon avis les mêmes défis, répercutés dans les mêmes discours publics… à l’échelle de tout le système. D’un établissement à l’autre, les modalités d’adaptation de l’enseignement à la pandémie peuvent constituer des changements d’ampleur variable – c’est un fait indéniable. Dès que l’on sort de la réalité de son établissement, le portrait canadien est autrement plus nuancé. Alors, quel nouveau défi la pandémie a-t-elle créé à l’égard de l’enseignement? Je serais curieux de lire ce que vous en pensez.

La situation est-elle unique? Oui. Est-elle terrible? Oui. Amplifie-t-elle des problèmes qui existent déjà? Absolument. Les amplifie-t-elle à un degré qui constitue en soi un nouveau défi? Probablement, quoique ça me semble varier beaucoup entre les établissements, et que cette variation s’explique autant par la pandémie elle-même que par la diversité des traditions et des cultures qui existait avant mars 2020.

Dans un tel contexte, il revient aux communautés de s’atteler à faire du mieux possible avec ce qui est disponible. Cependant, s’attendre à ce que tous les établissements de tous les réseaux universitaires canadiens arrivent à respecter exactement les exigences qui leur sont imposées à l’égard de l’enseignement, au même coût et par les mêmes moyens, ça relève de la pensée magique. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas déjà des changements perpétuels à gérer, en temps normal.

À PROPOS ALEXANDRE BEAUPRÉ-LAVALLÉE
Alexandre Beaupré-Lavallée
Alexandre Beaupré-Lavallée est professeur adjoint en administration de l’enseignement supérieur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal et chercheur régulier au Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur l’enseignement supérieur.
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