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Parole aux leaders

À la défense de la transformation

Une transformation à laquelle on peut (essayer de) croire.

par MAUREEN MANCUSO | 09 JAN 13

L’expression « transformation universitaire », généralement inquiétante, se trouve actuellement sur toutes les lèvres. Que signifie-t-elle au juste? Tout dépend de la personne qui l’utilise et de son auditoire. De toute évidence, certains y voient une possibilité d’enseigner à moindre coût, d’autres parlent d’implanter la technologie en salle de classe, et d’autres y voient même l’abolition des cours magistraux qui, selon eux, seraient devenus obsolètes. Il faut croire que tout problème complexe trouve son lot de réponses simplistes, mordantes, faciles et fausses. Faire davantage à moindre coût n’est pas un concept transformatif, pas plus que ne l’est le fait d’accroître l’usage déjà très répandu des technologies d’apprentissage. Supprimer les cours magistraux est certes transformatif, au même titre que l’est le fait de se couper une jambe – toute transformation n’étant pas nécessairement positive.

Le problème avec les cours magistraux (si problème il y a) n’est pas leur format, qui depuis deux millénaires a prouvé sa remarquable efficacité, mais plutôt l’usage excessif qu’on en fait. Les étudiants nous disent, directement et indirectement, qu’un horaire trop chargé en cours magistraux nuit à la participation. Le caractère habituel et la simplicité logistique des cours magistraux ont fait d’eux une option par défaut; sorte de routine dans laquelle s’est enlisé le milieu universitaire. Se maintenir dans cette routine limite toutefois la capacité à réagir aux impératifs et aux pressions financières inévitables : lorsque l’activité universitaire se mesure en nombre d’heures passées en classe, les considérations économiques de l’enseignement sont impitoyablement dominées par les salaires des professeurs. Un changement transformatif s’impose dans les équations sous-jacentes si nous voulons améliorer la qualité sans pouvoir accroître le financement.

La technologie fait définitivement partie du changement. Utilisée par les étudiants et par les chercheurs, elle s’est grandement transformée au cours des dernières décennies. Les universitaires de ma génération devaient avoir recours à toutes sortes de moyens laborieux pour trouver de l’information (certains se rappelleront du vaste Reader’s Guide to Periodical Literature). Google mesure maintenant en millisecondes le temps qu’il faut pour obtenir des résultats de recherche qui prenaient des jours. Les coûts liés à la recherche de données de base et de contexte ont considérablement diminué, et nombre d’irritants ont aussi été abolis; je n’ai désormais plus besoin d’avoir recours à la polycopie, à la photocopie ou à un éditeur professionnel pour obtenir des notes impeccables, des diapos ou même un ouvrage entier. Cela signifie aussi que je peux maintenir le matériel didactique utilisé « hors ligne » très à jour et d’actualité.

Songez au changement introduit par l’avènement du cinéma et de l’enregistrement sonore, qui ont permis d’apprécier des spectacles ailleurs que là où ils avaient originalement eu lieu. Nous continuons toutefois d’aller au concert et au théâtre, tout comme nous continuons de donner des cours magistraux, mais les médias appuyés par la technologie proposent des solutions moins coûteuses et plus accessibles. YouTube, les blogues et les omniprésentes microapplications téléphoniques poussent encore plus loin l’équation. Les étudiants d’aujourd’hui ont grandi à une ère où il n’y a pas de frontière entre l’informatique et les communications. Ils consomment avec enthousiasme l’information rendue disponible par l’entremise de leurs appareils, pourvu qu’elle soit disponible.

La technologie permet d’accroître la portée de l’éducation sans en accroître proportionnellement les coûts et le temps requis; elle libère le professeur qui n’est plus tenu de consacrer tout son temps à expliquer des données et des principes élémentaires. La technologie n’est pas la seule en cause; les cours hybrides, l’apprentissage par l’expérience ou axé sur la résolution de problèmes ainsi que d’autres techniques permettent de consacrer le temps passé en classe à des interactions enrichissantes plutôt qu’à la transmission routinière d’information. Il s’agit donc de repenser la structure des cours afin d’utiliser les ressources de manière adéquate et de favoriser la diversité des modes d’enseignement. Ce genre de transformation pose un réel défi et exige des coûts initiaux, mais son objectif consiste à faire passer l’ensemble du système à un degré nouveau d’efficacité et d’engagement.

Laissons les étudiants intégrer les notions de base à leur propre rythme (et se débrouiller pour acquérir la discipline et les compétences qu’il faut pour gérer leur temps). Laissons aux professeurs la résolution de problèmes active et interactive, les discussions, les débats et des dialogues qui, outre le savoir, transmettent une perspective et une réflexion essentielles. Tous les professeurs que je connais préféreraient enseigner aux étudiants comment penser plutôt que ce qu’ils doivent mémoriser. Nous devons faire place à des modes d’apprentissage qui favorisent l’autonomie des étudiants pour les notions simples, et nous consacrer aux subtilités et aux notions complexes. Le temps passé en classe devrait être spécial, impératif et mémorable, comme une représentation en direct – et non comme une activité dont on peut facilement se passer et prendre les notes de quelqu’un d’autre. Il s’agit d’une forme d’efficacité accrue qui compte faire de l’enseignement et de l’apprentissage des activités encore plus enrichissantes et gratifiantes.

Maureen Mancuso est provost et vice-rectrice aux études à l’Université de Guelph, ainsi que lauréate du prix national 3M en enseignement.

À PROPOS MAUREEN MANCUSO
Maureen Mancuso is provost and vice-president, academic, at the University of Guelph and a 3M National Teaching Fellow.
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