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Parole aux leaders

Comment définit-on un professorat productif?

À nous de jouer.

par MAUREEN MANCUSO | 11 SEP 13

Je viens d’une famille d’enseignants, où la vie s’est toujours déroulée au rythme du calendrier scolaire. Au début de ma carrière, cependant, ma famille ne comprenait pas tout à fait qu’à l’université, et en particulier dans les services administratifs, l’été n’est pas synonyme de vacances, comme il l’est pour les élèves du primaire et du secondaire, et dans une certaine mesure, pour leurs enseignants. J’ai parfois même l’impression que le calendrier des travaux législatifs influe davantage sur ma charge de travail hebdomadaire que le calendrier universitaire. La rentrée des classes représente toutefois toujours pour moi un moment privilégié, un nouveau départ et de nouveaux défis.

À l’instar des nouveaux diplômés du secondaire pour qui la rentrée annonce des responsabilités totalement différentes à assumer, c’est tout le système d’éducation postsecondaire canadien qui amorce une nouvelle phase. Nous l’attendons depuis un moment déjà, tout comme les nouveaux diplômés ont su tout l’été qu’ils devraient redoubler d’efforts dès septembre. Ils maîtrisent déjà les bases nécessaires, mais devant les exigences des travaux de niveau universitaire, ils doivent trouver un moyen de hausser la barre.

Pour nous, en tant que système, la productivité constitue le prochain défi d’importance à relever. Pour ma part, je crois que les professeurs universitaires sont déjà productifs (bien sûr, l’amélioration est toujours possible). Or, les données qui confirment cette productivité sont rares et difficiles à interpréter, et peu de mesures transparentes s’offrent aux observateurs externes. Nous sommes fiers de nos efforts, mais l’appel de plus en plus pressant des gouvernements à l’augmentation de la productivité montre que nous avons plutôt mal réussi à démontrer, preuves à l’appui, la pleine mesure de notre contribution à la société. En effet, hors du milieu universitaire, nombreux sont ceux qui ne savent pas précisément ce que font les professeurs, et encore moins s’ils le font bien ou de manière efficace. En d’autres mots, le problème qui nous occupe devrait paraître familier aux pédagogues que nous sommes : l’absence d’une définition claire.

De fait, comment définir la productivité du corps professoral? Il n’existe pas de réponse à la fois facile et exacte à cette question. L’évaluation quantitative d’un domaine qualitatif comme le nôtre est un terrain miné de pièges méthodologiques et de potentielles erreurs de mesure, de conséquences imprévues et d’incitatifs pernicieux. Nous sommes nombreux à craindre la mise en place d’un système qui ne reconnaîtrait pas la complémentarité et la collégialité essentielles du corps professoral d’un établissement et qui évaluerait chacun des membres d’un corps diversifié selon un cadre générique et contraignant.

Par ailleurs, nous devons nous efforcer de corriger la perception réductrice des universitaires comme groupe relativement protégé et surpayé qui, « comme chacun le sait », ne travaille que huit mois par année… Le professorat ne se limite pas à donner quelques cours par trimestre, et les données simplistes mais accessibles comme le nombre d’inscriptions et les ratios étudiants-professeur ne révèlent qu’une partie du portrait. Dans le milieu, on connaît bien la notion de répartition du travail en trois volets, mais à l’extérieur des campus, l’apport des professeurs à la collectivité locale et mondiale est méconnu, souvent réduit aux idées reçues sur les comités internes. En outre, l’évaluation de la recherche repose trop sur l’aspect purement monétaire, facile à mesurer.

Nous savons que la productivité des professeurs ne se mesure pas simplement au nombre d’étudiants présents dans leurs cours : il faut également tenir compte du mentorat, de la supervision, des stages et du vaste éventail d’activités regroupées dans la catégorie des « tâches d’enseignement non assignées ». De nombreuses tâches participent d’une espèce d’économie clandestine de l’éducation, générant une valeur considérable sans être (encore) calculées dans le « produit pédagogique brut » officiel.

Il est bien sûr ardu d’évaluer la productivité, mais il s’agit d’un passage obligé. L’histoire est jonchée de professions et d’institutions qui ont privilégié le statu quo en ignorant toute occasion de s’améliorer. Les gouvernements ne semblent pas non plus enclins à accorder de traitement spécial aux universités dans le grand virage vers des politiques d’évaluation plus empiriques et plus ciblées. Si les mesures précises qui sont proposées sont trop ésotériques, lourdes ou opaques, ce seront des mesures simplistes, bien qu’erronées, qui seront privilégiées.

Puisque nous soutenons que la qualité ne dépend pas que de la quantité, il nous revient de participer au processus et de proposer des mesures appropriées qui tiennent fidèlement compte des défis et des avantages — les intrants et les extrants — du milieu universitaire. Une chose est claire : nous serons évalués. Même si la perspective d’une hausse considérable de l’évaluation bureaucratique externe ne nous réjouit pas, nous devons au moins prendre part à la transition, qui est inévitable, sous une forme ou une autre, dans l’actuel climat économique et social. Il vaut mieux essayer d’influer sur le choix d’un mode d’évaluation et d’orienter le mouvement vers une démarche éclairée et équitable, plutôt que de se retirer simplement du dialogue en attendant que la cloche sonne.

Maureen Mancuso est provost et vice-rectrice à l’enseignement à l’Université de Guelph ainsi que lauréate du prix national 3M en enseignement.

À PROPOS MAUREEN MANCUSO
Maureen Mancuso is provost and vice-president, academic, at the University of Guelph and a 3M National Teaching Fellow.
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