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Parole aux leaders

Il faut mesurer ce que les étudiants apprennent

Rendre compte de l’apprentissage.

par MAUREEN MANCUSO | 07 NOV 12

Dans ma première chronique, j’ai laissé sous-entendre qu’il existait un conflit refoulé, parfois même déclaré entre la souveraine liberté universitaire et l’obligation constante de rendre des comptes et de démontrer le « rendement » en matière d’enseignement supérieur. D’une certaine manière, nous sommes victimes de notre propre succès : comme universitaires, nous savons que, en matière d’éducation, le cheminement importe autant que la destination, mais on ne peut ignorer que beaucoup accordent une très grande valeur à la destination. L’éducation est un excellent investissement – pour les étudiants, les collectivités et les gouvernements –, mais comme n’importe quel investissement qui rapporte en capital social, intellectuel, ou simplement pécuniaire, il est parfois difficile d’en démontrer la valeur de manière convaincante.

Ce qui ennuie de nombreux universitaires, moi y compris, à propos de la description réductrice qui est faite de l’éducation comme « investissement » économique, c’est que, non seulement le fait de présenter les professeurs comme des producteurs et les étudiants comme des consommateurs dévalorise la relation entre les deux, mais cela réduit l’apprentissage à une simple activité passive : une assimilation de connaissances emballées individuellement. Le problème réside dans le fait qu’un budget demeure un budget et que, si nous ne disposons que de paramètres d’ordre économique, la tendance à utiliser un modèle conforme à ce qui est mesurable persistera.

Les chiffres qui montrent les perspectives de carrière accrues pour les diplômés sont irréfutables, mais ils mesurent quelque chose (le revenu) qui n’est que très peu lié à l’expérience éducative, et font appel à des paramètres générationnels. Les étudiants, les parents et surtout les gouvernements, ne veulent pas attendre le départ à la retraite d’une cohorte avant de savoir si elle a répondu ou non aux attentes, et il ne le faut pas.

Des mots équivoques comme « amélioration continue » résonnent de toutes parts dans les bureaux des administrations universitaires, mais ils évoquent aussi la bonne pédagogie et, effectivement, toutes les activés d’apprentissage. Que sommes-nous, à titre d’éducateurs, sinon une espèce vouée à l’expérimentation, à l’essai, au questionnement, au défi, à l’évaluation, au peaufinage et à la recherche de l’amélioration de notre compréhension et de notre démarche par rapport à l’apprentissage?

Même si l’idée qu’un motif économique puisse surpasser la quête idéaliste du savoir vous répugne, vous vous souciez tout de même de contribuer à former de jeunes esprits et non simplement de les aider à tuer le temps pendant qu’ils mettent leurs pages Facebook à jour, comme le ferait une télé-réalité en bruit de fond. Comment être certains d’y parvenir si notre système ne dispose que de données quantifiables comme le nombre d’heures passées en classe par semaine (un paramètre qui ressemble drôlement aux cotes d’écoute), ou si nous ne nous fions qu’aux données obscures que procurent les notes et les points? Comment les étudiants pourront-ils communiquer leurs réalisations aux futurs enseignants qui réclameront des preuves de leur savoir préalable, ou aux employeurs qui exigeront des compétences utiles?

La réponse à la question « Qu’est-ce que les étudiants ont appris? » n’est pas 1,5 crédit, ni B+; des paramètres pertinents pour le bureau du registraire, mais incompréhensibles hors du milieu universitaire. La réponse à cette question ne se formule pas en points obtenus sur un test normalisé, qui mesure avant tout le degré de préparation d’un étudiant à un test et sa capacité à y répondre. La réponse devrait être mesurable en termes de spécificité ou de maîtrise de compétences supérieures.

Par exemple, les mentions sur les relevés de notes indiquant les cours particulièrement axés sur l’écriture, la recherche ou les capacités en calcul, montrent clairement ce qu’un étudiant a acquis par la note qu’il a obtenue. Les méthodes d’évaluation qui font appel à des grilles, à des portfolios et à des plans de cours adaptés aux programmes établissent des résultats d’apprentissage tangibles et procurent aux étudiants, aux employeurs et aux gouvernements une base solide et transparente sur laquelle il est possible d’établir la valeur d’un diplôme universitaire, sans l’envisager de manière strictement mercantile.

Nous souhaitons tous que l’expérience d’apprentissage des étudiants soit aussi « productive » que possible; que le temps, les efforts, la puissance intellectuelle et, oui, l’argent investis génèrent un bon rendement, parce que c’est précisément grâce à ce type de productivité que nous-mêmes avons trouvé notre vocation d’enseignants. L’adoption de pratiques d’évaluation axées sur les résultats permet de traduire l’évaluation multidimensionnelle qui se fait déjà dans le cadre de l’enseignement; ce n’est ni plus ni moins qu’une expression de haut niveau de l’incitation familière : « Illustre ton travail et ton propos à l’aide d’exemples ».

Les professeurs et les gouvernements n’ont pas toujours les mêmes motivations, mais ils partagent un objectif commun : celui de vouloir améliorer l’expérience d’apprentissage. Sans raison justifiée de croire que les diplômés ont réellement acquis les compétences essentielles de façon bien précise, les parties intéressées doivent croire sur parole. Malheureusement, la foi ne suffit pas toujours pour justifier les investissements que nous souhaitons voir accordés dans le système. Grâce aux évaluations axées sur les résultats, nous répondons aux exigences en matière de reddition de comptes tout en maintenant les valeurs pédagogiques que nous estimons et souhaitons préserver.

Maureen Mancuso est provost et vice-rectrice aux études à l’Université de Guelph, ainsi que lauréate du prix national 3M en enseignement.

À PROPOS MAUREEN MANCUSO
Maureen Mancuso is provost and vice-president, academic, at the University of Guelph and a 3M National Teaching Fellow.
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