Au secondaire, un de mes professeurs m’a dit un jour : « Tu n’es vraiment pas faite pour l’université, tu ne devrais pas envisager d’y aller. » [J’aurais voulu me glisser sous mon pupitre et disparaître.]
Avant que je n’accède à la permanence, un professeur chevronné m’a lancé lors d’une réunion : « Vous n’avez rien à faire dans cette réunion, rien à nous apporter ». [J’ai eu le syndrome de l’imposteur.]
Enfin, pendant que les participants à une réunion importante discutaient, j’ai levé la main pour poser une question. On m’a ignorée. J’ai reposé ma question : même résultat. [Je me suis sentie invisible.]
Ce ne sont là que quelques faits issus de mon expérience personnelle. S’il s’agissait d’incidents isolés, ce ne serait sans doute pas si grave. Mais ce n’est malheureusement pas le cas. J’ai entendu tellement de femmes me raconter leurs expériences pénibles dans le milieu universitaire.
Le dernier ouvrage que j’ai cosigné, Critical Reflections and Politics on Advancing Women in the Academy, revient sur les récits recueillis auprès d’un large éventail de femmes du milieu universitaire. Il décrit le contexte qu’elles doivent affronter en mettant en lumière les obstacles et les défis auxquels elles se sont heurtées – en faisant preuve d’une force, d’un courage et d’une résilience que je trouve absolument formidables. Je me demande parfois comment j’ai fait pour intégrer le milieu universitaire. En tant que femme autochtone, j’ai dû plus que briser le plafond de verre. En réalité, j’ai carrément eu l’impression de « me heurter la tête contre un mur de brique », comme l’écrivait en 2012 Sara Ahmed dans On Being Included: Racism and Diversity in Institutional Life. Déroger à la règle des établissements est à ce prix.
Les messages adressés aux femmes ne sont pas seulement difficiles à accepter, mais ils peuvent aussi avoir des conséquences durables sur nos carrières et notre bien-être émotionnel. La professeure de droit Kimberlé Crenshaw a été la première à parler d’« intersectionnalité » pour désigner les différentes manières dont les identités de race, de classe, de genre et autres s’entrecroisent. Ces multiples identités exercent une influence sur la manière dont chaque personne est perçue et traitée dans le milieu universitaire.
Les femmes qui sont aussi autochtones, racisées, handicapées ou membres de la communauté LGBTQ2S expérimentent le monde de manière différente. Il est important de comprendre que l’expérience d’une femme autochtone diffère, par exemple, de celle d’une femme qui vit avec un handicap. En matière de lutte contre les inégalités, il reste beaucoup à faire pour combler l’écart entre les genres dans le milieu universitaire. Il faut que les femmes soient représentées dans tous les secteurs, y compris les femmes autochtones, les femmes racisées, les femmes qui vivent avec un handicap et les membres de la communauté LGBTQ2S.
Pour éradiquer la discrimination fondée sur le genre, il est essentiel de la dénoncer. Mais ce n’est pas toujours facile. Il faut aussi beaucoup de courage pour dénoncer par écrit ou verbalement les systèmes en place. Il est toutefois important de le faire pour amorcer le changement.
C’est ce qui me pousse à m’exprimer par écrit et verbalement sur les inégalités dans l’enseignement supérieur. Voici en terminant quelques stratégies pour combattre les inégalités systémiques liées au genre :
1. Vous devez avant tout admettre que l’oppression et la discrimination existent. Il est en effet extrêmement difficile de se mobiliser si l’on n’admet pas l’existence d’un problème.
2. Élaborez des stratégies pour résister aux pratiques qui contribuent à paralyser les femmes. Soyez une alliée, une militante et une source de soutien.
3. En tant que femme membre du milieu universitaire, entourez-vous de gens qui ont cette cause à cœur et qui sont prêts à agir.
4. Si l’occasion d’écrire et de relayer les voix des femmes se présente, saisissez-la! Exploitez votre expérience pour tirer les autres femmes vers le haut, y compris celles de la jeune génération.
5. Rappelez-vous l’importance de l’intersectionnalité. Faites entendre les voix des femmes victimes de multiples formes d’oppression.
J’ai été honorée de rédiger cette chronique et de faire part de mon expérience. Je tiens à remercier Affaires universitaires de m’en avoir donné l’occasion. Il est maintenant temps pour moi de céder la place à quelqu’un d’autre. Miigwech, merci, thank you!