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Parole aux leaders

L’importance de la clarté en matière de propriété intellectuelle

Plusieurs personnes peuvent participer aux recherches à l’origine d’une invention.

par MARTHA CRAGO | 09 MAR 16

La propriété intellectuelle est importante pour nos universités, mais elle entraîne parfois des situations épineuses. Contrairement aux États-Unis, où la loi Bayh-Dole régit la propriété intellectuelle générée par la recherche financée par le gouvernement fédéral, au Canada les universités sont libres de conclure leurs propres accords. En vertu de la loi Bayh-Dole, une moitié de la propriété intellectuelle sur une invention peut être cédée aux chercheurs concernés, et l’autre moitié à l’université. Cette loi présuppose que les universités prendront part à la protection et à la commercialisation de la propriété intellectuelle. Certains établissements, comme le MIT, rétrocèdent aux chercheurs une partie de leur propriété intellectuelle.

Au Canada, chaque université attribue la propriété intellectuelle comme elle l’entend, dans la plupart des cas en vertu d’accords proches de ceux qui existent aux États-Unis. À ma connaissance, seules deux universités canadiennes attribuent la totalité de la propriété intellectuelle aux inventeurs. Il s’agit de l’Université de Waterloo et de l’Université Dalhousie. Les accords de ce type présupposent que les inventeurs veilleront eux-mêmes à protéger leur propriété intellectuelle et à la commercialiser, sans le soutien total de l’université. Dans le cas de l’Université Dalhousie, si cette dernière accorde un financement considérable à l’inventeur, la propriété intellectuelle est partagée entre eux.

Reste à déterminer qui est l’inventeur. Divers types d’intervenants peuvent prendre part aux recherches à l’origine d’une invention. L’invention est-elle ainsi uniquement l’œuvre du professeur, ou est-elle l’œuvre de celui-ci et d’un ou plusieurs étudiants, d’un ou plusieurs chercheurs postdoctoraux, ou encore d’un ou plusieurs employés chercheurs non étudiants? Les étudiants au premier cycle et aux cycles supérieurs peuvent prendre part aux recherches à plusieurs titres – par exemple, comme employés faisant office d’assistants de recherche, ou encore comme simples étudiants au premier cycle dans le cadre de travaux scolaires. Ils peuvent aussi y participer dans le cadre de la préparation de leur thèse ou d’un projet de recherche principal ou honorifique, voire, dans certains cas, dans le cadre d’un cours. Les politiques de nombreuses universités ne sont pas claires en ce qui concerne ces types de participation. Cela engendre des situations complexes et potentiellement conflictuelles, car les chercheurs principaux ignorent parfois que la propriété intellectuelle générée dans le cadre de telles relations devrait être partagée avec les étudiants. Les employés chercheurs non étudiants qui travaillent avec un chercheur principal peuvent également avoir leur part dans l’élaboration de la propriété intellectuelle. Nos politiques doivent en tenir compte.

L’importance et la complexité des questions de propriété intellectuelle poussent toutes nos universités à se doter de politiques solides, claires et transparentes, ainsi que de lignes directrices relatives aux meilleures pratiques visant la conclusion d’accords de propriété intellectuelle. Idéalement, ces lignes directrices devraient préciser aux parties concernées comment faire pour obtenir des explications claires des choses et conclure un accord écrit dès le départ. La teneur des accords de propriété intellectuelle devrait par ailleurs être précisée aux étudiants, aux chercheurs postdoctoraux et aux employés chercheurs non étudiants, avant même qu’ils n’acceptent un poste ou une rémunération. Les problèmes de propriété intellectuelle ont en effet tendance à survenir « après coup », qu’ils concernent les entreprises, les étudiants, les employés ou les chercheurs postdoctoraux.

Les explications et les décisions entourant la propriété intellectuelle devraient intervenir en présence d’une tierce partie éclairée. Du fait de leur statut, les professeurs peuvent en effet avoir une influence indue sur les étudiants, les chercheurs postdoctoraux et les employés. La compréhension des questions liées à la propriété intellectuelle varie beaucoup d’une personne à l’autre, et certains professeurs les maîtrisent bien. Malheureusement, cela peut les conduire à en tirer profit dans le cadre des négociations avec les étudiants ou les employés qui ne comprennent pas à quoi ils doivent leur accord. D’autres professeurs ont une connaissance plus superficielle de ces questions et n’ont pas accès aux lignes directrices ou aux meilleures pratiques nécessaires pour négocier avec leurs étudiants ou employés. Enfin, certains professeurs estiment que la propriété intellectuelle n’a aucune valeur, ce qui peut priver leurs étudiants de certaines possibilités. Pour toutes ces raisons, chaque université doit fournir par divers moyens, à ses professeurs, étudiants et employés chercheurs, l’information complète concernant la propriété intellectuelle et les politiques de l’établissement qui la régissent.

Certaines de nos universités proposent à leurs étudiants un nouvel outil de formation très intéressant, parfois désigné sous le nom de « bac à sable ». Il s’agit d’un endroit où les étudiants et leurs mentors peuvent se réunir pour travailler sur des inventions de manière informelle, et non dans le cadre d’un cours. Les bacs à sable visent à favoriser les inventions. C’est incontestablement nécessaire, mais les inventions doivent aussi être protégées. Les étudiants devraient donc être systématiquement informés, dans le cadre des bacs à sable, des politiques et des meilleures pratiques en matière de propriété intellectuelle.

Signalons enfin que les politiques et les lignes directrices sur les meilleures pratiques relatives à la propriété intellectuelle devraient préciser ce qui est acceptable pour les soutenances de thèse et pour l’interdiction temporaire des publications à propriété intellectuelle partagée. Les universités doivent se doter de procédures claires en matière d’accords de non-divulgation pour que leurs étudiants, au doctorat et autres, sachent combien de temps ils devront s’abstenir de publier leurs thèses ou d’autres textes. Nos universités contribuent grandement à la société sur les plans intellectuel et économique. Nous devons veiller à ce que la propriété intellectuelle qu’elles génèrent soit traitée avec respect, de manière éclairée, équitable, juste et transparente.

Martha Crago est vice-rectrice à la recherche à l’Université Dalhousie. Sa chronique paraît dans Affaires Universitaires tous les deux numéros.

À PROPOS MARTHA CRAGO
Martha Crago
Martha Crago is vice-president, research, at Dalhousie University. Her column appears in every second issue of University Affairs.
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