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Parole aux leaders

Lorsque gouvernance rime avec dissidence

Plaidoyer en faveur de la collégialité.

par MAUREEN MANCUSO | 13 MAR 13

Comme politologue, je suis portée à faire le parallèle entre mon domaine d’études et mes responsabilités administratives. Je dois toutefois demeurer prudente dans mes analogies, car depuis deux ans j’enseigne un cours qui porte sur la présidence des États-Unis et les relations entre l’exécutif et le législatif, plus particulièrement sur les conflits insolubles que créent les attentes élevées et les graves problèmes parmi les électeurs et les groupes d’intérêts catégoriquement divisés. Le disfonctionnement semble devenu aussi omniprésent qu’irrationnel.

Il n’en a pas toujours été ainsi. Au siècle dernier, la courtoisie et la collégialité calmaient les rancœurs. En outre, le déclin de la courtoisie faisait beaucoup parler avant même que Barack Obama ne tente de l’aborder dans son dernier discours inaugural. L’érosion de la courtoisie a aussi été constatée à l’université, mais dans une moindre mesure. En écoutant le président des États-Unis faire son plaidoyer, et en réfléchissant aux attentes, aux problèmes et aux divisions propres au milieu universitaire, je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter en pensant que nous, les universitaires, nous dirigions vers l’état lamentable et la désunion que connaît Washington D.C.

Il existe cependant des facteurs structurels nous permettant de demeurer optimistes par rapport à l’état du discours administratif dans notre milieu. La gouvernance universitaire est fondée sur une philosophie de collégialité et non sur la confrontation : le concept de prise de décision favorise le consensus raisonné et la responsabilité partagée plutôt que l’affrontement à main nue. Structurellement, nous ne disposons pas – du moins pas officiellement – de « parti d’opposition » tenu, de par sa nature et sa fonction, de déjouer (et éventuellement de remplacer) le gouvernement en place.

En outre, la culture universitaire dans laquelle nous évoluons considère la dissidence comme une force vitale et positive pour l’avancement de la connaissance, et non comme une forme de trahison ou de félonie. La dissidence est la bienvenue, au même titre que la critique, parfois sévère, de l’évaluation par les pairs parce qu’elle renforce et situe nos positions, ou encore parce qu’elle permet de pratiquer la pensée critique, une compétence essentielle.

Je crois aussi que le milieu universitaire attache beaucoup d’importance aux objectifs communs, ce qui n’est pas le cas en politique. Obama se retrouve à la tête de groupes si opposés que pour eux, des expressions symboliques comme « liberté » ou « rêve américain » font référence à des réalités entièrement incompatibles. Dans notre milieu, non seulement nous avons des idéaux communs comme la quête du savoir, mais nous partageons aussi le désir d’atteindre les objectifs tangibles de haut niveau que nous confère notre mission, à savoir la réussite des étudiants, la valeur de la recherche effectuée sans restriction, ainsi que l’appui à la recherche, à l’enseignement et à l’apprentissage comme bien social. Nous ne sommes pas forcément d’accord sur la manière de financer, de structurer et de gérer le personnel et les ressources de l’établissement pour atteindre ces objectifs, mais personne ne nie leur importance.

Dans certains cas, ces différences en matière de gouvernance sont qualitatives et dans d’autres, ce n’est qu’une question de degré. Il serait naïf de croire que la politique universitaire est dénuée de mesquinerie ou de favoritisme, mais au moins, nous aspirons tous à faire mieux.

Les universités traversent une période difficile qui semble perdurer. Il n’est pas facile de jouer un jeu à somme nulle et encore moins de le faire en gardant le sourire lorsqu’on se retrouve toujours en présence des mêmes personnes. C’est pourquoi il est si important d’observer les règles de la collégialité.

La transparence s’impose. Il peut sembler parfois plus facile de prendre une décision difficile lorsqu’on n’est pas observé de trop près (c’est en tous cas moins stressant), mais ce n’est qu’une façon de déplacer le problème. La plupart d’entre nous sommes prêts à faire des sacrifices raisonnables dans l’intérêt collectif, à condition que cet intérêt collectif ne soit pas tenu secret et que la décision concernant la nature du sacrifice ait été prise de manière équitable, rationnelle et selon des critères justifiables. Les décisions arbitraires, capricieuses ou biaisées effritent la confiance envers les décideurs et, ultimement, la collégialité.

Il faut considérer les aspects personnels avant de prendre une décision difficile. Parfois, les rôles et les titres empêchent de bien comprendre les points de vue et les préoccupations de l’autre; il faut alors se rapprocher. Non pas pour exercer une influence indue, mais plutôt pour bien entendre chaque mot et pour comprendre les non-dits. Collégialité n’est pas synonyme de déférence ou de conformité, ni de manœuvres dans les coulisses; collégialité veut dire respecter la décision qui représente la meilleure solution pour l’établissement dans son ensemble, même si cette décision ne peut résoudre un différend.

Maureen Mancuso est provost et vice-rectrice aux études à l’Université de Guelph.

À PROPOS MAUREEN MANCUSO
Maureen Mancuso is provost and vice-president, academic, at the University of Guelph and a 3M National Teaching Fellow.
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