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Parole aux leaders

Quitter le milieu universitaire

Trente-six ans, mais on ne les compte plus.

par DOUG OWRAM | 11 JUIN 12

Ma chronique est en quelque sorte personnelle, mais, sans prétention, j’espère que les expériences que j’y raconte reflètent jusqu’à un certain point celles de beaucoup de mes collègues qui ont fait carrière dans le milieu universitaire.

Après 36 ans comme professeur et administrateur universitaire, d’abord à l’Université de l’Alberta, puis à l’Université de la Colombie-Britannique, je pars à la retraite. En ajoutant les 10 années que j’ai passées comme étudiant, au premier cycle et aux cycles supérieurs, à l’Université Queen’s puis à l’Université de Toronto, je me rends compte à quel point ma vie a été programmée par le rythme et la culture universitaires. En septembre, la vie semble s’accélérer avec l’arrivée des étudiants, nouveaux et anciens; en mai, une accalmie annonce une période vouée à la réflexion, à la recherche et à la lecture – et au repos; entre les deux, les modèles familiers : étudiants angoissés, certains cours intéressants et d’autres moins, étudiants brillants et idéalistes qui remettent en question, et étudiants qui, avouons-le, n’ont aucune idée de la raison pour laquelle ils sont à l’université.

Quelqu’un m’a demandé ce qui allait le plus me manquer de l’univers universitaire en alternance. Chose certaine, la pile de travaux à corriger ne me manquera pas – tous si semblables qu’on en vient à apprécier les très mauvais autant que les très bons, simplement pour la variété. Les étudiants qui font la course aux notes au lieu d’essayer d’apprendre, ne me manqueront pas non plus. Et, à titre d’administrateur, je me passerai aisément des professeurs et des membres du personnel, quoique peu nombreux, vers qui l’attention doit toujours être tournée.

Par contre, le contact que l’université permet d’avoir avec des personnes brillantes, talentueuses et enthousiastes va me manquer. Certains de mes collègues du milieu universitaire sont des talents exceptionnels et ont accompli des choses étonnantes. La plupart ont, envers l’enseignement et la recherche, un engagement qui est totalement altruiste. Quant aux étudiants, au risque de passer pour gentillet, je vous dirai que c’est un vrai plaisir de passer du temps avec eux… Ils nous gardent jeune!

En fait, le campus me fait penser au roman d’Oscar Wilde (dans lequel le personnage principal garde sa jeunesse éternelle alors que son portrait accuse les traces du temps); sauf que dans la version actuelle, c’est moi qui serais le portrait! Quand j’ai commencé à enseigner, j’étais de la même génération que les étudiants. Au fil des ans, ils semblent arriver de plus en plus jeunes, mais la seule explication logique, le fait que je vieillis, est manifestement inacceptable. Quel choc j’ai eu quand un étudiant est venu me dire que j’avais enseigné à sa mère. Et ce fut encore pire de me rendre compte que j’enseignais déjà depuis plusieurs années lorsque la cohorte actuelle d’étudiants est venue au monde. Pourtant, le renouvellement continuel avec l’arrivée des générations successives d’étudiants sur les campus est l’un des aspects merveilleux de notre profession.

Il y a aussi l’importance de la culture universitaire même. À part quelques éléments qui sont franchement exaspérants. La gouvernance collégiale jumelée au sens élevé d’autonomie chez les professeurs, donne lieu à un système qui est (presque) aussi inefficace que le congrès américain. La liberté universitaire est parfois utilisée pour défendre un droit ou un comportement extrême. On avance l’argument voulant que les normes soient menacées au même titre que le sénateur McCarthy brandissant le mot communisme pour censurer le discours raisonnable.

En raison de tout cela, la culture universitaire canadienne est extraordinairement positive. J’ai eu la chance d’étudier et d’enseigner dans des établissements de très grande qualité.

Le fait d’avoir toute une gamme d’établissements, si importants pour notre nation, témoigne de la valeur du système canadien. Les universités canadiennes sont essentielles pour deux raisons. Premièrement, contrairement à la situation ailleurs dans le monde, au Canada elles sont le berceau de la recherche et de l’innovation culturelles, créatives et appliquées. Deuxièmement, nos universités demeurent essentielles à l’échange d’idées et à l’intermédiation de valeurs controversées. Bien sûr, nous avons flanché occasionnellement sous la pression externe ou sous l’emprise de la rectitude politique interne, mais chaque fois, les forces en place sont entrées en jeu avant que le pendule ne soit allé trop loin. Et ça devrait demeurer ainsi.

En ce qui concerne leur financement et leur autonomie, les universités doivent constamment livrer concurrence aux autres institutions du secteur public et répondre aux exigences en matière de reddition de compte. Cette situation n’est pas sur le point de changer. Pourtant, pour nous qui avons passé notre vie dans cet environnement étrange, passionnant et parfois frustrant, il faut reconnaître que ce milieu est à la fois privilégié et important. Si nous ne parvenons pas à communiquer pourquoi il est important, nous ne pourrons le maintenir à titre de privilège.

Doug Owram est vice-recteur adjoint du campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique. Ceux-ci est sa dernière chronique pour Affaires Universitaires.

À PROPOS DOUG OWRAM
Doug Owram is deputy vice-chancellor of UBC Okanagan and a Canadian historian.
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