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Parole aux leaders

Réflexion sur les frais de scolarité

Le silence masque les problèmes.

par DOUG OWRAM | 13 JUIN 11

Au moment où j’écris ces lignes, en avril, les universités mettent le point final au débat annuel sur les frais de scolarité. Dans ma province, la hausse des frais de scolarité se limite à deux pour cent par année. Le débat n’est donc pas des plus passionnés parce que l’enjeu est peu élevé, mais aussi parce qu’une augmentation égale à celle de l’indice des prix à la consommation risque fort peu d’être rejetée. À quelques exceptions près, et malgré de petites différences entre les provinces, la même tendance s’observe à l’échelle nationale. Chose certaine, la question des frais de scolarité donne lieu à des débats beaucoup moins animés qu’il y a une dizaine d’années.

Ce calme apparent masque cependant des problèmes non résolus dont il faut débattre, dont l’accès aux études, les dettes d’études et le financement des universités. J’espère que cette chronique servira de tremplin aux discussions en montrant comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle et quelles sont les limites du changement. Dans une prochaine chronique, je proposerai des façons de rendre les discussions plus productives, tant pour les étudiants que pour les universités.

Malgré d’importantes différences entre les provinces et les établissements d’enseignement, le Canada s’appuie depuis longtemps sur certains postulats en matière de frais de scolarité, le principal étant que les universités publiques doivent être financées par des sources publiques et privées. La répartition des sources de financement s’est modifiée au fil du temps, et pas toujours le même sens.

Deux périodes ont été déterminantes. Tout d’abord, le contexte des années 1970 rendait politiquement inacceptable toute hausse importante des frais de scolarité. L’inflation a cependant grimpé rapidement pendant cette décennie, et la valeur réelle des dollars payés en frais de scolarité a reculé d’année en année. Ainsi, au début des années 1980, les frais de scolarité ne représentaient que de 10 à 14 pour cent des revenus de fonctionnement des universités, soit le plus bas niveau jamais atteint.

Les universités étaient en mesure de fonctionner malgré des revenus peu élevés en frais de scolarité tant que les gouvernements fournissaient la différence, ce qui a été plus ou moins le cas pendant les années 1980. Puis, pendant les années 1990, les gouvernements ont décidé de s’attaquer aux énormes déficits publics. À l’instar des autres établissements financés par le secteur public, les universités ont dû encaisser des réductions budgétaires considérables. Pour combler le manque à gagner, la plupart des provinces (à l’exception du Québec) ont levé le frein sur la hausse des frais de scolarité. Les augmentations qui auraient dû se produire pendant la poussée inflationniste des années 1970 ont finalement eu lieu pendant la décennie 1990. Des hausses de l’ordre de huit à 10 pour cent étaient alors courantes.

Ces hausses vertigineuses ont mis les frais de scolarité à l’avant-plan. La période de l’année où les universités déterminent le montant des frais donnait lieu à des débats animés et à des divisions sur les campus, et les administrateurs se lançaient à la recherche de nouvelles sources de revenus, des programmes d’études professionnelles aux étudiants étrangers. Le résultat a été un retour à une situation similaire à celle d’avant les années 1970, tant sur le plan des coûts réels des frais de scolarité que de l’équilibre entre la part payée par les utilisateurs et le bien public. Au début du XXIe siècle, les frais de scolarité représentaient près du tiers des revenus de fonctionnement des universités.

Ces augmentations rapides ont suscité des réactions. On a d’abord craint que l’augmentation des frais de scolarité nuise à l’accès aux études des personnes issues de groupes à faible revenu. Les programmes d’aide financière aux études – tant les bourses que les prêts – ont donc attiré de plus en plus l’attention des universités et des gouvernements. De plus, les hausses rapides année après année ont rendu la question des frais de scolarité plus visible pour les électeurs et, de ce fait, plus préoccupante pour les gouvernements.

L’une après l’autre, les provinces ont pris des mesures pour limiter la capacité des universités à imposer des augmentations importantes. L’équilibre entre le financement public et le financement privé s’est une fois de plus stabilisé. La question des frais de scolarité a perdu de l’importance, bien que tout projet d’augmentation risque encore de susciter la controverse.
À l’heure actuelle, les universités et les étudiants se livrent en général à une discussion routinière et discrète sur les frais de scolarité. Les étudiants réclament des réductions, et les administrateurs exigent plus de souplesse pour gérer les pressions exercées sur les coûts. Ce sont toutefois les gouvernements qui détiennent le pouvoir de changer les règles, et ils sont soumis à deux forces contradictoires. D’une part, la hausse des coûts liés à la santé et les déficits laissés par la récession les poussent vers un modèle d’utilisateur-payeur comme dans les années 1990. D’autre part, les hausses non réglementées des frais de scolarité ne sont pas populaires auprès des étudiants et de leurs parents. Il est donc plus facile de limiter la hausse des frais de scolarité à l’IPC, ou même de geler les frais de scolarité, que de subir des manifestations populaires.

Deux problèmes demeurent pourtant. Le premier est que le coût des études (qui n’équivaut pas nécessairement à celui des frais de scolarité) laisse une dette élevée à de nombreux étudiants et en décourage plus d’un d’entreprendre des études. Le second est que la combinaison du contrôle exercé sur les frais de scolarité et les déficits publics n’augure rien de bon pour le financement des universités. Pour que le débat sur les frais de scolarité soit productif, ces problèmes ne peuvent être ignorés.

Doug Owram est vice-recteur adjoint du campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique. Il est aussi historien canadien et membre de la Société royale du Canada.

À PROPOS DOUG OWRAM
Doug Owram is deputy vice-chancellor of UBC Okanagan and a Canadian historian.
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