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Des mots qui inspirent

Les devises universitaires, ces grandes oubliées.

par TODD PETTIGREW | 08 FEV 16
Illustration par AnotherExample
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Pour saisir l’essence d’une université, on peut jeter un coup d’œil à son énoncé de mission. On y lira probablement la panoplie de mots à la mode au moment de sa rédaction : des mots comme « synergie », « partenaires », « pertinence » et « contexte mondial » (ils figurent à l’énoncé de mission de ma propre université). Rien de très informatif, mais surtout rien d’inspirant. Heureusement, on peut aussi se tourner vers un autre énoncé que les universités fournissent habituellement : leur devise héraldique.

Les devises des universités évoquent – peut-être parce qu’elles sont anciennes – des sentiments plus nobles que le discours contemporain de la plupart des universités. Elles rappellent les idéaux intemporels de l’éducation plutôt que la cupidité banale du marketing moderne. Je travaille à l’Université du Cap Breton, dont la devise est Theid Dìchioll Air Thoiseach. Traduite du gaélique, elle signifie « La persévérance triomphera », ce qui en dit plus que tout énoncé de principes.

Les devises de bon nombre d’universités font référence à la vérité. L’une de mes préférées est celle de l’Université de Lancaster, au Royaume-Uni : Patet Omnibus Veritas (« La vérité se trouve tout autour de nous »). Elle peut d’abord sembler contre-intuitive; l’expérience ne nous montre-t-elle pas que bien des gens sont ignorants? Peut-être. Or, on ne dit pas ici que la vérité habite tout le monde, mais bien qu’elle est exposée à tous. C’est dire que toute personne peut connaître la vérité si elle veut la trouver.

S’il est osé de défendre sans réticence la notion de vérité, il l’est plus encore de promouvoir sans aucun complexe la notion de sagesse, comme le fait l’Université du Nouveau-Brunswick avec sa devise Sapere Aude (« Osez être sage »). Cette notion engendre souvent du scepticisme ou du ressentiment. Lorsqu’on se trouve face à une personne qui vise la sagesse, on s’imagine souvent qu’il doit s’agir d’un guignol qui sous-estime la complexité de ce mot. Ou d’un snob dédaigneux des gens moins instruits que lui.

Nous devons cependant craindre ceux qui méprisent la sagesse, pas ceux qui l’embrassent. Ce qui nous empêche d’oser être sages, c’est la crainte de représailles venant de ceux qui ne peuvent imaginer qu’un esprit s’efforce de mieux comprendre; de ceux qui réagissent à un argument inattendu non pas par un contre-argument, mais par de la pure indignation. Trop souvent, ils répondent par « comment osez-vous? » plutôt que par « je ne suis pas d’accord ».

Une autre devise qui est source d’inspiration vient de l’Université de St Andrews en Écosse : Aien aristeuein (« Toujours exceller  »), et elle s’avère particulièrement pertinente de nos jours. Le mot « excellence » est galvaudé, si bien qu’on s’éloigne de l’idée que la formation universitaire devrait nous conduire à mettre l’accent sur l’amélioration, sur la véritable notion d’excellence.

Ma devise préférée est néanmoins celle de l’Université de Toronto à Mississauga : Tantum Nobis Creditum (« Ce qui nous a été confié est considérable »). La plupart des devises établissent un objectif pour l’étudiant, mais celle-ci s’adresse clairement à l’Université elle-même. Le professeur que je suis ne peut s’empêcher de croire qu’elle lui est aussi adressée.

Je veux surtout souligner ici que l’université est un bien public. Une société forte a des besoins qui ne touchent personne en particulier et auxquels le marché ne peut répondre. Ici, il s’agit du besoin de disposer d’une masse critique de gens aux capacités de réflexion développées. Nous avons besoin d’un système juridique, d’un milieu de l’enseignement et d’un monde des affaires peuplés de sceptiques, d’iconoclastes et de visionnaires qui empêchent notre civilisation d’agir au moindre coup de tête.

Lorsqu’on me demande d’expliquer pourquoi je vois l’université comme un bien public, je suis heureux de rappeler qu’elle forme une population éduquée et non pas simplement des jeunes gens pour les métiers qui semblent recherchés. Or, je commence à être las de présenter cet argument, las de devoir présenter cet argument. Pire encore, les étudiants, leurs parents, nos gouvernements et même bon nombre de nos administrations universitaires croient de plus en plus que « l’éducation au service de l’humanité » est une vieille notion qui était déjà presque dépassée au siècle dernier, et qui l’est complètement aujourd’hui.

Ce qui nous a été confié est considérable. Et nous trahissons cette confiance. Mais il n’est peut-être pas trop tard. Rappelons-nous simplement les devises de nos universités.

Todd Pettigrew est professeur agrégé d’études anglaises au département de langues et de littérature de l’Université du Cap Breton.

Rédigé par
Todd Pettigrew
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