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Supervision aux cycles supérieurs : pleins feux sur des pratiques gagnantes

Des universitaires récompensé.e.s pour leur capacité à encadrer des étudiant.e.s durant leur parcours livrent leur approche en matière de supervision.
par MOHAMED BERRADA & DANIEL HALTON
13 SEP 23

Supervision aux cycles supérieurs : pleins feux sur des pratiques gagnantes

Des universitaires récompensé.e.s pour leur capacité à encadrer des étudiant.e.s durant leur parcours livrent leur approche en matière de supervision.

par MOHAMED BERRADA & DANIEL HALTON | 13 SEP 23

Dans le milieu universitaire, certain.e.s professeur.e.s se démarquent non seulement par leurs contributions à la recherche, mais aussi par leur capacité à façonner le parcours des étudiant.e.s aux cycles supérieurs. Incarnant l’art subtil de la supervision, ces universitaires guident leurs protégé.e.s vers l’excellence. Afin de découvrir les précieux enseignements et les pratiques qui leurs ont permis de se distinguer sur ce plan, Affaires universitaires a recueilli le témoignage de quelques récent.e.s lauréat.e.s de prix d’excellence en supervision des étudiant.e.s.


Favoriser l’indépendance et le leadership étudiant

Sylvain Fiset, Université de Moncton

Ma vision de l’encadrement vise l’indépendance, le leadership et la créativité. Dans mon laboratoire, peu importe son niveau de formation, chaque étudiant.e se voit attribuer un projet spécifique. Selon son degré d’expérience en recherche, j’élabore les grandes lignes du projet avec l’étudiant.e (objectifs, méthodologie, etc.). À partir de cette structure rudimentaire, l’étudiant.e est responsable de concevoir et de réaliser l’étude. Je l’encourage à me présenter toutes ses ébauches et je l’oriente quotidiennement vers la direction appropriée. L’important est que l’étudiant.e développe un sentiment d’appartenance envers le projet qui lui est assigné. Une fois ce sentiment acquis, l’étudiant.e est prêt à faire tous les efforts nécessaires pour que son projet se réalise. Et ça, c’est fantastique!

Par ailleurs, dans mon laboratoire, les étudiant.e.s sont amené.e.s à être dirigé.e.s par les autres étudiant.e.s. Ainsi, l’étudiant.e X qui travaille sur le projet A aide les étudiant.e.s Y et Z qui travaillent sur les projets B et C. Cette démarche est très formatrice : en plus de créer un esprit d’équipe, elle développe le leadership, l’autonomie et le sens des responsabilités chez l’étudiant.e en charge du projet. Mais attention, l’autonomie rime parfois avec échecs et erreurs… Par exemple, une de mes étudiantes a récemment consacré l’été à réaliser une série d’expériences nécessitant beaucoup de déplacements et le recrutement de bon nombre de participant.e.s. Malheureusement, lors de l’analyse des résultats, nous avons constaté que le protocole de recherche induisait un biais dans le comportement des participant.e.s, faussant les résultats. Il a fallu tout recommencer. À mon avis, il ne faut jamais oublier qu’en tant que professeur.e universitaire, notre but premier est d’encourager la poursuite de l’excellence. Et parfois, cette quête de l’excellence par nos étudiant.e.s passe par l’apprentissage acquis par l’échec et les erreurs, et ce, même si cela peut être coûteux en ressources.

Sylvain Fiset est professeur de psychologie à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, et lauréat du prix d’excellence en encadrement à l’Université de Moncton en 2023.


De la peur de l’échec à la croissance

Elena Bennett, Université McGill

Former les étudiant.e.s est une des missions les plus cruciales des professeur.e.s et a toujours été le point central et le clou de ma carrière. Je suis convaincue que cette formation doit aller au-delà du simple apprentissage et de l’obtention d’un diplôme. Ma véritable mission est de guider les étudiant.e.s, non seulement dans la matière étudiée, mais aussi dans leur devenir en tant que scientifiques passionné.e.s, et formidables collègues et leaders de société pour bâtir un avenir meilleur. Ainsi, je garde à l’esprit que chaque étudiant.e est une personne unique, bien plus qu’une simple pièce dans l’engrenage. Chacun.e possède des forces et des points à améliorer qui lui sont propres. Je m’efforce de concentrer toute mon attention sur chacun.e des étudiant.e.s, les aidant à concevoir un programme d’études les guidant vers leurs objectifs professionnels et personnels. Je m’assure de reconnaître et de louer leurs points forts, tout comme de discuter ouvertement des aspects à travailler, offrant des conseils pour progresser. Je dévoile également mes propres démarches d’amélioration, pour montrer que l’apprentissage est un processus infini.

Rien ne me réjouit plus que de voir les étudiant.e.s des cycles supérieurs apprendre et s’épanouir, surmontant la peur de l’échec pour grandir. Je m’efforce de créer un espace sûr où les étudiant.e.s peuvent explorer leur passion pour la recherche, l’enseignement et le service communautaire, et ce, tout en se rapprochant des objectifs de vie qui leur importent le plus. Voilà sans aucun doute la meilleure façon de former des étudiant.e.s en santé et prolifiques et, finalement, la meilleure façon de changer le monde.

Elena Bennett est professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sciences de la durabilité à l’Université McGill. Elle a remporté le Prix Carrie M. Derick pour l’excellence en encadrement des étudiant.e.s des cycles supérieurs en 2013 et le Prix David Thomson pour l’encadrement des étudiant.e.s des cycles supérieurs en 2022.


Voir la forêt plutôt que les arbres

Jason Brown, Université Dalhousie

L’émerveillement est toujours au rendez-vous quand les étudiant.e.s constatent qu’il est bel et bien possible de faire de nouvelles découvertes et de mener des travaux de recherche. Il leur faut nos encouragements, notre soutien et notre enthousiasme sur cette voie. Mais une fois ce cap franchi, il est essentiel de mettre en avant la vision globale et de leur demander pourquoi leurs travaux sont importants. C’est l’une des questions les plus difficiles auxquelles répondre.

Les étudiant.e.s doivent comprendre que l’originalité de leur travail ne suffit pas – il faut aussi qu’il s’inscrive dans le récit scientifique prédominant. Souvent, après avoir félicité mes étudiant.e.s pour leurs résultats, je vais plus loin en les invitant à expliquer ce que leur travail apporte au monde. Résout-il un problème existant? Apporte-t-il des preuves, et si oui, sont-elles convaincantes? Comment pourriez-vous expliquer votre travail et son importance à des personnes extérieures à votre domaine? Contribue-t-il au contenu ou à l’esthétique? Comment s’intègre-t-il dans le récit qui a été et continue d’être écrit sur le sujet?

En tant que chercheurs et chercheuses, nous nous posons régulièrement ces questions, mais observer notre recherche à un niveau méta n’est pas instinctif. Nous devons enseigner à nos étudiant.e.s à voir la forêt plutôt que les arbres.

Jason Brown est directeur du Département de mathématiques et de statistique de l’Université Dalhousie. Il a reçu le Prix d’excellence en encadrement des étudiant.e.s des cycles supérieurs en 2022. 


Former avec excellence et empathie

Najat Bhiry, Université Laval

La formation des étudiant.e.s est l’essence même de ma fonction de professeure-chercheuse en « géo-archéologie », une science qui intègre les approches des sciences de la Terre et de l’archéologie. Ma philosophie en matière de formation est fondée sur le respect, l’excellence, la persévérance et l’ouverture d’esprit. Je veille constamment au respect des principes d’équité, de diversité et d’inclusion. Je transmets ces valeurs à mes étudiant.e.s et stagiaires à travers la réalisation de leurs projets de recherche tout en créant un milieu favorable pour des découvertes scientifiques et des avancées des connaissances.

Une de mes stratégies gagnantes pour maintenir la persévérance des étudiant.e.s et veiller sur la réussite de chacun.e est le maintien de contacts réguliers (en personne et/ou à distance) tout au long de leur parcours; ces rencontres peuvent durer de 30 minutes à deux heures. J’assure la supervision de l’étudiant.e à chacune des étapes de son parcours : de l’élaboration de son projet de recherche jusqu’à la soumission de son manuscrit en passant par les travaux de terrain et en laboratoire. Outre la formation scientifique, je m’assure de faire preuve d’humanité et de beaucoup d’empathie pour tout.e.s mes étudiant.e.s et stagiaires.

C’est avec grande fierté que j’ai reçu le Prix d’excellence en enseignement, catégorie Encadrement aux cycles supérieurs – 2022 décerné par l’Université Laval. Je considère que ce prix est attribué à toute mon équipe de dizaines d’étudiant.e.s et stagiaires qui, avec leurs questionnements, leurs curiosités, leurs ambitions et leurs réalisations ont façonné ma vie de professeure-chercheuse.

Najat Bhiry est professeure-chercheuse et directrice du Département de géographie à l’Université Laval et lauréate du Prix d’excellence en enseignement, catégorie Encadrement aux cycles supérieurs de la même université en 2022.


Cultiver la confiance

Mohammad Zulkernine, Université Queen’s

L’encadrement est non pas une série de tâches isolées, mais bien un processus continu. Il débute avec la sélection de la personne qui convient le mieux au projet et se poursuit jusqu’à l’achèvement de celui-ci, suivi d’une orientation en vue d’un cheminement de carrière. Tout au long de ce continuum, le rôle de supervision consiste à cultiver la confiance en communiquant le caractère collaboratif des efforts consentis, pour le bien de l’étudiant.e et du projet. Établir cette confiance suppose de reconnaître les points forts de l’étudiant.e, de guider le parcours scolaire et de recherche et de multiplier les encouragements.

Il s’agit également de transmettre l’idée que la personne responsable s’intéresse non seulement aux succès universitaires de l’étudiant.e, mais aussi à son bien-être personnel, familial et sociétal, notamment en l’encourageant à participer à des activités parascolaires et de bénévolat. La profondeur de la confiance mutuelle cultivée est directement liée au niveau de motivation de l’étudiant.e pour progresser dans ses études et ses travaux de recherche. Cependant, il ne sert à rien d’enseigner la confiance ou le respect; nous devons montrer l’exemple et incarner ces qualités nous-mêmes.

Mohammad Zulkernine est professeur et directeur des études supérieures à l’École d’informatique de l’Université Queen’s. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en fiabilité des logiciels de 2011 à 2021, il a reçu le Prix d’excellence en encadrement des étudiant.e.s des cycles supérieurs 2023 de l’Université Queen’s.


L’importance des compétences transférables

Shawn Fraser, Université Athabasca

La clé d’un mentorat réussi? L’engagement en vue d’une excellente expérience étudiante. Il est essentiel de comprendre les défis auxquels font face les étudiant.e.s des cycles supérieurs, ayant des vies complexes en plus du stress d’étudier aux cycles supérieurs et de l’incertitude de la vie après l’université.

La plupart des personnes se dirigeront vers des carrières hors du monde universitaire, ce qui signifie que le mentorat va au-delà du projet ou du programme de recherche du moment pour s’intéresser aux compétences transférables. Mon conseil est de chercher à comprendre leurs circonstances et leurs aspirations professionnelles. Les personnes qui en sont à leurs débuts en supervision doivent bien connaître les ressources étudiantes disponibles (financement, perfectionnement professionnel, garde d’enfants, groupes étudiants, réseaux de recherche, etc.), afin de mettre l’étudiant.e en relation avec le soutien nécessaire aujourd’hui et dans l’avenir. Le fait de porter attention à ces aspects peut faire une grande différence et témoigner d’un engagement pour la réussite des étudiant.e.s, favorisant un environnement où les étudiant.e.s se sentent autonomes et en confiance.

La majorité des universités proposent des activités de perfectionnement professionnel ou d’intégration pour montrer aux personnes qui supervisent pour la première fois des étudiant.e.s le fonctionnement des politiques et des procédures aux cycles supérieurs et permettre de développer des compétences pour le mentorat étudiant. Parlez avec des collègues, de votre milieu mais aussi d’autres domaines. Vous trouverez certainement des points communs chez les étudiant.e.s et les superviseur.e.s, de même que de fructueuses pratiques de supervision.

En plus d’être professeur en études de la santé de l’Université Athabasca, Shawn Fraser est le doyen de la Faculté des études supérieures du même établissement. Il a reçu le Prix d’excellence en encadrement des étudiant.e.s aux cycles supérieurs de l’Université Athabasca en 2018.


Favoriser la collégialité

Lisa-Jo K. van den Scott, Université Memorial

C’est un honneur pour moi d’épauler un large éventail d’étudiant.e.s aux cycles supérieurs. Mon rôle me permet de faire plusieurs choses importantes. Premièrement, je forme mes étudiant.e.s pour leur permettre de devenir le genre de collègues que je recherche, favorisant la collégialité au détriment de la compétitivité. Ensemble, nous pouvons incarner le changement que nous voulons voir. Mes étudiant.e.s rendent le tout possible.

Deuxièmement, il ne faut jamais oublier que les étudiant.e.s aux cycles supérieurs sont la pierre angulaire des départements universitaires. Leur présence donne lieu à des conversations stimulantes sur le plan intellectuel, à des publications, bref, à plein de bonnes choses. Il faut leur être reconnaissant.e et leur en faire part.

Troisièmement, il faut expliciter les règles tacites, y compris les saines pratiques de communication pour les accros aux écrans d’aujourd’hui. Fixez des limites temporelles et apprenez-leur à fixer les leurs en prônant les notions de gestion du temps. Si vous répondez à vos courriels tard le soir ou la fin de semaine, vous montrerez que vous êtes toujours disponible et qu’elles et ils devraient l’être tout autant. Ça ne devrait pas être le cas. Misez sur la clarté et l’ouverture, et abordez ces fichues règles tacites.
Finalement, incitez vos étudiant.e.s à élargir sans cesse leurs réseaux. Apprenez-leur à accueillir les autres à bras ouverts. Insistez constamment sur l’inclusion et sur l’importance de respecter ses limites.

Lisa-Jo K. van den Scott est professeure agrégée au Département de sociologie de l’Université Memorial. En 2023, elle a reçu le ROCKStar Supervisor Award de la Faculté d’études supérieures de l’établissement.


Un honneur et une responsabilité

André-Marie Tremblay, Université de Sherbrooke

Les étudiant.e.s aux cycles supérieurs choisissent de passer quelques-unes de leurs jeunes années d’adultes sous ma supervision. Il s’agit d’une marque de confiance et je considère que c’est un honneur et une importante responsabilité. Cette relation nécessite de se concentrer simultanément sur beaucoup de problèmes différents. C’est ma responsabilité de les guider à travers leur vie intellectuelle future comme scientifique, comme physicien.ne et comme personne prête à assumer ses responsabilités civiques. Ce sont des adultes, alors j’ai tout d’abord besoin de les écouter et de comprendre leurs objectifs et leurs aspirations.

Il n’y a pas de recette. J’essaie surtout de moduler mes interventions selon les besoins de chacun.e. Il y a un plan de formation que l’Université de Sherbrooke nous demande de remplir qui est une merveilleuse occasion de discuter de tous les aspects de leurs études, de leur durée, des cours recommandés, de l’appui financier, de l’éthique, du projet de recherche, etc.
Il y a plusieurs trucs du métier qui sont faciles à enseigner, mais qu’il ne faut pas négliger, par exemple pour classer et partager des références bibliographiques, pour écrire et partager des programmes informatiques ou pour se tenir au courant quotidiennement des nouveaux développements.

La bonne communication orale et écrite sont parmi les aptitudes les plus utiles, quelle que soit la future profession. Pour l’écrit, je les encourage à commencer à rédiger leur mémoire ou leur thèse dès le début des travaux. Pour l’oral, rien ne vaut des commentaires avant les répétitions devant les collègues et la participation à des conférences internationales.

Rencontres individuelles hebdomadaires, disponibilité, rencontres de groupe, activités sociales fréquentes, respect, un projet de recherche stimulant, encouragement à la collaboration et à l’accomplissement de tâches d’écriture d’articles et de supervision de stagiaire à mesure que la personne est prête, accompagnement pour la suite de la vie professionnelle, et voilà. J’ai surtout bénéficié de plusieurs décennies pour apprendre.

André-Marie Tremblay est professeur au Département de physique de l’Université de Sherbrooke. Il a été titulaire de la Chaire de recherche en théorie des matériaux quantiques de 2015 à 2020 et lauréat du Prix d’excellence de l’encadrement aux études supérieures en recherche de la même université en 2021.

Rédigé par
Mohamed Berrada & Daniel Halton
Mohamed Berrada est journaliste francophone pour Affaires universitaires. Daniel Halton est rédacteur en chef d'Affaires universitaires.
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