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Conseils carrière

L’art de répondre aux examens par les pairs

Comprendre les examinateurs et accueillir leurs suggestions est crucial pour gagner la confiance des comités de rédaction

par FRANCINE MCKENZIE | 20 OCT 09

Dans les années 1990, alors que j’étais étudiante au doctorat en Grande-Bretagne, je n’envisageais pas vraiment de publier mes travaux. Je présumais que ma thèse serait transposée en ouvrage, mais je n’étais pas certaine de ce que cela impliquerait. À mon retour au Canada, doctorat en poche, mais sans emploi, je me suis vite rendu compte que si je restais sans publication à mon actif, ma carrière universitaire stagnerait. J’ai donc converti un chapitre de ma thèse en article et j’ai commencé à mettre en forme un document de conférence pour qu’il soit intégré à un recueil de textes révisés. Lorsque j’ai soumis ces textes, je n’avais encore aucune idée de l’étape suivante que je devrais franchir et qui se révélerait déterminante : l’examen par les pairs, à savoir les deux lectures critiques d’un manuscrit sur lesquelles un comité de rédaction se fonde pour choisir de publier ou non un travail.

Mes examinateurs ont indiqué que certains passages devaient être clarifiés, ont mis en doute certaines de mes idées et ont présenté des point de vues différents du mien. Ils ont mis en évidence des passages approximatifs et ont jugé si, selon eux, mon travail était publiable. Les commentaires étaient clairs, mais je suis restée perplexe quant à la façon d’y répondre. Qui étaient les examinateurs et quelle était la nature de ma relation avec eux? Étions-nous des adversaires ou étaient-ils mes mentors? Ils avaient sans doute publié plus souvent que moi. Est-ce que cela rendait leurs point de vues plus crédibles que le mien? Devais-je apporter toutes les corrections qu’ils suggéraient?

Cette partie déroutante du processus de publication peut se révéler délicate. Dans l’espoir d’accélérer la période d’apprentissage des universitaires qui commencent tout juste à publier, j’aimerais vous faire part de quelques conseils tirés de ma propre expérience afin de vous aider à survivre aux examens par les pairs et à en tirer avantage.

Les examens sommaires par opposition aux examens approfondis

Il existe deux grandes catégories d’examens, soit les examens sommaires et les examens approfondis. Les examens sommaires peuvent mener à des rapports élogieux ou méprisants. Toutefois, qu’ils soient positifs ou négatifs, ces rapports d’examen ne sont pas très utiles à l’auteur. Même s’ils ne tarissent pas d’éloges, l’examinateur n’y a habituellement pas mis beaucoup d’effort. Doutez des examinateurs qui ne proposent pas d’améliorations. Un autre problème se présente avec les rapports d’examen sommaire méprisants : l’examinateur n’indique pas clairement ce qu’il n’a pas aimé, alors rien ne permet de déterminer ce qui doit être corrigé pour rendre le document publiable.

Un examinateur sérieux qui consacre le temps nécessaire à l’évaluation minutieuse d’un article ou d’un ouvrage peut quant à lui produire toute une gamme de rapports différents : un rapport intelligent et intellectuellement généreux incluant des suggestions visant à renforcer l’argumentation; une critique constructive, mais qui se contente de relever les problèmes importants; un rapport critique attribuable à la mauvaise compréhension des termes et de l’objet de la thèse par l’examinateur.

Comment réagir aux examens

La prochaine étape consiste à préparer, rapports en main, une réponse à l’intention du rédacteur en chef ou des membres du comité des publications. Votre défi est de gagner leur confiance. Répondre aux examinateurs est un art, particulièrement si ceux-ci ne s’entendent pas entre eux, ce qui est souvent le cas. Il arrive souvent qu’un auteur reçoive un « oui » enthousiaste et un « non » ferme pour la publication d’un même article ou d’une même monographie. Encore pire, les examinateurs peuvent avoir des avis divergents sur la même partie d’un article ou d’un ouvrage : l’examinateur A dit que le deuxième chapitre devrait être supprimé en entier, tandis que l’examinateur B insiste sur le fait que ce même chapitre contient les meilleurs arguments de la thèse. Les examinateurs peuvent également comprendre le sujet de manière totalement différente, ce qui est particulièrement fréquent dans le champ des études interdisciplinaires.

Chaque type d’examen approfondi appelle un type de réponse précis. Si l’examinateur fait référence à de la documentation, à des études ou à des données qui renforcent l’argumentation, vous devez donner suite à ces suggestions. L’intention de l’examinateur est d’améliorer votre travail. Il serait donc maladroit de ne pas accepter son aide. Selon l’étape où vous en êtes dans votre carrière, il se peut que vous soyez impatient de publier. Toutefois, vous devez prendre le temps qu’il faut pour apprendre des suggestions des examinateurs : elles renforceront votre travail. Il est également gratifiant de participer à ce type d’échange entre universitaires.

Si l’examinateur a décelé des problèmes dans l’article ou l’ouvrage, vous pouvez lui répondre de deux façons. Dans certains cas, vous devrez revoir un point ou un élément de votre interprétation. Ne soyez pas sur la défensive, ce qui vous empêcherait de tirer avantage de la critique. Toutefois, même si vous devez accorder de l’attention à toutes les critiques, vous n’avez pas à les accepter toutes. Si vous décidez de ne pas apporter une correction, vous devrez cependant justifier votre décision. Pour ce faire, vous devrez faire preuve de tact et de détermination. En tant qu’examinatrice, j’ai souvent proposé des modifications. Les auteurs m’ayant expliqué de façon judicieuse et convaincante pourquoi ils avaient rejeté mes corrections m’ont impressionnée de manière positive.

Le type de rapport d’examen qui me laisse le plus perplexe, mais qui, curieusement, s’avère utile, est celui qui est produit par un examinateur qui n’a pas bien compris ma thèse, du moins de mon point de vue. Cette situation se présente lorsque l’examinateur assume à la fois le rôle de l’auteur et celui de l’examinateur. Son rapport d’examen révèle comment il aurait lui-même abordé le sujet. Ce faisant, il met en évidence les suppositions et les attentes qui pourraient interférer avec la compréhension, et la réception, du texte. Il y a quelques années, j’ai comparé les relations interétatiques qu’entretenait la Grande-Bretagne avec le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud. Un examinateur en est arrivé à la conclusion que mon article ne devait pas être publié parce que j’avais omis d’aborder le sujet des relations avec l’Inde. Cependant, à mon avis, la relation de la Grande-Bretagne avec l’Inde était particulière et ne pouvait pas être comparée aux relations avec les autres pays du Commonwealth. Lorsque j’ai corrigé mon article pour sa publication dans un autre journal, j’ai ajouté un paragraphe expliquant pourquoi l’Inde ne faisait pas partie des pays étudiés. Ainsi, j’ai anticipé la critique et clairement établi les termes de mon argumentation, et l’article a survécu au processus d’examen par les pairs.

Passer au travers du processus d’examen par les pairs est un rituel universitaire que vous devrez répéter encore et encore, peu importe le nombre de vos publications. Les critiques ne sont pas toujours agréables à recevoir, mais vous pouvez toujours en tirer un apprentissage. Prenez le temps d’y donner suite, même si vous êtes pressé de publier. Défendez vos idées avec confiance : c’est votre nom qui figurera sur le texte publié, pas celui des examinateurs. Faites preuve de tact, même si vous n’êtes pas d’accord avec l’examinateur. Enfin, souvenez-vous que l’examen par les pairs est une occasion d’apprentissage que vous pourriez considérer comme un baptême du feu pour vous préparer à devenir examinateur à votre tour.

Francine McKenzie est professeure adjointe au département d’histoire de la University of Western Ontario.

COMMENTAIRES
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  1. Caroline Caron / 11 novembre 2009 à 12:54

    Trop peu d’entre nous publions sur ce processus de révision par les pairs, essentiel et incontournable dans le milieu universitaire et de l’édition scientifique. Merci de partager ainsi votre expérience en incitant les auteurs à percevoir le processus comme une occasion d’apprentissage en soi. Il est vrai que les rapports reçus peuvent parfois nous laisser perplexes et susctier toutes sortes d’interrogations. Quelle est la juste part à accorder à ces rapports? Vous nous donnez d’excellentes pistes de réflexions ainsi que des conseils utiles. Une autre étape de la réflexion pourrait consister à traverser le miroir pour voir comment, en tant qu’évaluateurs/trices, nous pouvons contribuer à faire en sorte que nos évaluations soient constructives, c’est-à-dire, utiles aux auteurs dont nous évaluons le travail. L’exercice de production d’un rapport d’évaluation est en soi une contribution à la rechercher et à la diffusion des connaissances. Comme évaluatrice, j’apprécie beacoup travailler avec les revues qui ont élaboré un guide de révision à l’intention des évaluateurs/trices. C’est un autre aspect de la profession universitaire qui exige la maîtrise de compétences distinctes des compétences relatives à nos domaines d’expertise. Tout comme il faut publier pour devenir un bon auteur, il faut évaluter pour devenir un bon évaluateur.

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