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Conseils carrière

Les pièges à éviter lorsqu’on annonce en ligne sa nomination à un poste de professeur

Il est temps de réfléchir aux principes éthiques et aux pratiques exemplaires qui doivent encadrer ce genre d’annonce.

par ANDREA EIDINGER | 04 DÉC 19

Les nouvelles technologies ont métamorphosé le milieu universitaire au cours de la dernière décennie. Certains changements se sont avérés positifs, et d’autres non. Les plateformes comme Twitter ont facilité la création de communautés universitaires en ligne où il est possible de discuter, de s’encourager et de publier son travail. Mais avec l’arrivée de nouveaux espaces de publication (comme les blogues), les étudiants aux cycles supérieurs et les débutants subissent davantage de pression pour produire des articles. D’autres changements sont plus difficiles à catégoriser, mais ils soulèvent d’importantes questions qui méritent une réflexion de notre part. Je pense ici aux postes annoncés sur Internet, une pratique de plus en plus répandue. Je ne parle pas des offres d’emploi publiées en ligne, mais bien des personnes qui annoncent une promotion ou leur nomination à un poste.

À une époque (bien avant la percée des réseaux sociaux), ces annonces étaient beaucoup plus discrètes. Le comité de recrutement avisait bien sûr le reste du département et, parfois, publiait un avis dans le bulletin ou l’infolettre. L’heureux élu téléphonait à ses amis pour leur apprendre la bonne nouvelle. Pour les embauches de personnalités éminentes, le département ou l’université diffusait parfois un avis officiel, mais seulement quand tous les documents administratifs avaient été remplis et que le nouveau professeur était prêt à passer à l’action. Et c’était à peu près tout.

De nos jours, peut-être sous l’influence de la culture du partage de l’information née avec les réseaux sociaux, les nouvelles nominations sont souvent annoncées par les candidats eux-mêmes sur des plateformes comme Twitter et Facebook. Et souvent, les candidats publient la nouvelle des mois avant d’être prêts à commencer leur nouveau travail.

Comprenez-moi bien. J’adore lire ce genre de nouvelle. Je me réjouis toujours du succès de mes amis et de mes collègues sur le marché du travail, et je veux célébrer avec eux. Je les comprends. Si j’obtenais un jour un poste universitaire, je voudrais le crier sur tous les toits. Dans certains cas, ces annonces sont de puissants exemples de réussite. Pensons au membre d’un groupe marginalisé qui obtient un poste menant à la permanence et qui l’annonce sur Internet. Il passe en réalité un message politique important, si on considère tous les obstacles qu’il a dû surmonter. Je suis toutefois d’avis qu’il est temps de réfléchir aux principes éthiques et aux pratiques exemplaires qui doivent encadrer ces annonces.

Historiquement parlant, la recherche d’emploi se faisait en quelque sorte dans le silence. Les optimistes envoyaient leur demande d’emploi et ils n’en entendaient plus parler pendant des mois, à moins d’avoir été invités à passer une entrevue ou à visiter le campus. L’arrivée de sites Web comme Academic Job Wiki a démystifié une bonne partie de ce processus. Quoi qu’il en soit, les nominations annoncées sur Internet peuvent déstabiliser les autres candidats, surtout ceux qui avaient été convoqués en entrevue. Ce ne sont pas tous les départements qui demandent au candidat choisi d’attendre que tous les autres postulants aient été avertis avant d’annoncer la nouvelle. Je n’ai jamais rien vécu de tel, mais c’est arrivé à certaines de mes connaissances. Et je ne peux qu’imaginer à quel point la situation peut être éprouvante.

Le deuxième problème entourant ce genre d’annonce est le manque de sensibilité dans le contexte actuel du marché de l’emploi. Chaque année, environ 7 000 nouveaux doctorants entrent sur le marché du travail. Ils ne seront qu’environ 20 pour cent à obtenir un poste à temps plein ou un poste menant à la permanence, même si seulement deux pour cent des emplois hors du cadre universitaire exigent un doctorat. Nous aimerions qu’il en soit autrement, mais le milieu universitaire n’est pas une méritocratie. Les succès et les échecs des candidats sont souvent liés à des facteurs qui échappent à leur contrôle. De nombreux universitaires talentueux demeurent dans une situation précaire, même s’ils n’ont rien à se reprocher.

Enfin, plusieurs universitaires comme Gill Frank ont fait remarquer que ces annonces omettent de reconnaître le fait que notre profession exploite le travail non rémunéré et sous-rémunéré des universitaires en situation de précarité et des étudiants aux cycles supérieurs, et que les candidats choisis se joignent à ceux qui profitent de cette exploitation. En raison des compressions budgétaires et de l’augmentation de l’effectif étudiant, les universités canadiennes dépendent maintenant du travail des chargés de cours. Ils sont beaucoup moins bien payés que les professeurs réguliers (et ils n’ont pas d’avantages sociaux), sous prétexte que leur seule tâche est d’enseigner. Mais tous ceux qui ont déjà occupé un emploi précaire en milieu universitaire savent qu’il est très rare que les chargés de cours ne fassent « rien d’autre qu’enseigner ».

Je ne prétends pas avoir toutes les réponses et je ne pense pas que les gens cesseront d’annoncer leur nomination sur Internet de sitôt. Mais je sais que cette pratique est de plus en plus courante et que nous devons réfléchir aux manières de l’encadrer pour la rendre respectueuse, éthique et responsable. Comme je l’ai mentionné précédemment, les établissements pourraient systématiquement demander aux candidats choisis d’attendre que les autres candidats aient été informés avant d’annoncer publiquement leur nomination. Tout comme Gill Frank, j’aime bien que le candidat choisi profite de son annonce afin d’expliquer ce qu’il compte faire pour aider ceux qui sont dans une position précaire et lutter contre l’exploitation. Si vous avez besoin d’idées, Aimée Morrison a publié une liste géniale avec quelques suggestions : exiger davantage de contrats stables pour les travailleurs au statut précaire, plaider en faveur de l’embauche de candidats issus de la diversité et veiller à ce que les postes permanents soient conservés. Pour vous donner un exemple, j’ai particulièrement aimé ce qu’a écrit ma consœur historienne Whitney Wood pour annoncer son nouveau poste à l’Université de l’Île de Vancouver :

L’article est tiré des conversations que j’ai eues avec plusieurs amis au fil des années. Je remercie de nouveau Krista McCracken, Gillian Frank et Whitney Wood pour leurs commentaires sur une ébauche de l’article. Merci à Whithey Wood de m’avoir permis de la citer.

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