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À mon avis

Nos jours sur les campus sont comptés

Les changements à venir dans le milieu universitaire vus sous un angle différent

par PATRICK J. J. PHILLIPS | 05 OCT 09

Ceux qui travaillent actuellement dans le milieu universitaire sont sur le point d’assister à un grand bouleversement. La portée et les répercussions de la construction massive de campus universitaires qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale ne seront rien en comparaison. Ceux qui ont vécu cette vague de construction et qui espèrent maintenant voir leurs enfants fréquenter un campus universitaire au cours des 15 prochaines années seront les témoins directs de cette impressionnante transformation.

Le changement le plus frappant et le plus immédiat sera la disparition du campus physique. La nouvelle réalité aura pour conséquence de supplanter et, dans certains cas, d’éliminer les modèles pédagogiques issus des années 1950 et 1960.

La technologie adaptative est déjà largement répandue en classe. Il suffit de penser à PowerPoint, à la vidéo en continu, aux cours en ligne et aux livres électroniques, autant d’exemples qui ne sont toutefois que les précurseurs de la révolution à venir.

L’expérience postsecondaire que vivront nos enfants est à mille lieues de celle du campus traditionnel où des étudiants se rassemblent dans d’immenses amphithéâtres ou se retrouvent pour socialiser et discuter en petits groupes. Les étudiants de demain évolueront plutôt dans divers environnements à différents moments au moyen d’Internet, un mode de fonctionnement qui sera comme une seconde nature pour eux. Peut-être même le préféreront-ils aux salles de conférence vastes et intimidantes.

L’élimination du campus physique sera tout aussi attribuable aux enjeux environnementaux qu’à l’économie. Les grands immeubles qui peuplent les campus sont construits à coup de millions de dollars et génèrent des frais exorbitants d’entretien, de nettoyage, de chauffage, d’assurance et de personnel. Les étudiants doivent par ailleurs se rendre régulièrement sur les campus, ce qui entraîne des déplacements de masse. En d’autres mots, les campus génèrent des coûts difficiles à justifier et produisent une importante empreinte carbone.

La politique aura aussi son rôle à jouer dans l’élimination des campus. Comme les dirigeants universitaires sont tenus de rendre des comptes sur les produits de leur établissement, notamment une liste des compétences acquises par l’étudiant à la fin d’un programme d’études, la pédagogie par Internet sera mieux adaptée à ce type de reddition de comptes.

Les modèles pédagogiques actuels précipiteront également la fin de l’ère du campus physique. Pour répondre aux besoins d’étudiants qui apprennent différemment de la génération précédente, l’enseignement supérieur a fait appel à toute une gamme de technologies adaptatives comme outils pédagogiques. Suite logique de la « diversité des méthodes d’apprentissage », la « diversité des méthodes d’évaluation » est à nos portes. Bientôt, il y aura de multiples façons de satisfaire aux exigences d’un même cours.

Cette combinaison de méthodes d’apprentissage et d’évaluation viendra peu à peu combler l’écart qui s’est creusé entre les départements et la direction sur la question de la conception universelle de cours. La conception universelle de cours nécessite une méthode d’enseignement (ou de prestation de cours) uniforme ainsi que de la rigueur et de l’engagement. La satisfaction de ces exigences passe nécessairement par le contenu en ligne.

Quelles seront les incidences de l’élimination des campus physiques? Peut-être verra-t-on émerger un système d’enseignement hiérarchique offrant un produit adapté à la capacité de payer de l’étudiant. Il y a une analogie à faire avec le séminaire juridique, dans le cadre duquel des experts s’expriment devant des auditeurs qui ont payé cher leur siège pour avoir le privilège de poser des questions en direct. Des auditeurs de deuxième catégorie assistent aussi à l’événement, mais par vidéoconférence, installés devant un ordinateur. Ils ont déboursé moins, mais ont tout de même la possibilité de poser des questions à distance. Des auditeurs de troisième catégorie assistent eux aussi au séminaire, mais ne peuvent participer à la discussion. Les étudiants de demain seront peut-être appelés eux aussi à choisir parmi plusieurs catégories – à des coûts différents – de services d’éducation postsecondaire.

<>En ce qui a trait à l’infrastructure des campus, ce qui en restera servira de centres d’examen régionaux qui conserveront le nom de l’établissement d’origine (s’il s’agit bien entendu d’un nom vendeur). Ces noms ne seront pas synonymes de réputation dans le sens classique du terme. Il s’agira plutôt de marques de commerce possédant leur propre valeur économique dans le marché concurrentiel des étudiants potentiels.

Certains sentent sans doute que le changement est imminent et se demandent si les échanges d’idées, héritage de l’honorable et édifiante tradition socratique, entre universitaires en chair et en os survivront à cette révolution. La réponse est évidemment oui.

Le sort qui attend ces échanges est cependant celui de bon nombre de traditions, à l’image de la toge que les diplômés enfilent à la collation des grades. Sans être appelées à disparaître, elles ne se manifesteront qu’en de rares occasions au sein d’une élite qui peut se payer le luxe de s’encombrer de traditions en cette époque mercantile.

M. Phillips est chargé de cours au département de philosophie de la York University.

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