Sunil Semplay a posé ses valises à Thunder Bay à l’aube de 2022, par un hiver glacial lors duquel les résident.e.s cassaient leurs pelles dans une lutte impitoyable contre les bancs de neige.
Même si la maison lui manquait – lui qui venait du chaud Pendjab, en Inde –, M. Semplay se sentait plutôt bien. L’étudiant au baccalauréat en sciences informatiques avait reçu une bourse annuelle de 10 000 dollars pour étudier à l’Université Lakehead, ce qui avait pesé lourd dans le choix de son établissement. Les gens étaient sympathiques. Et avec la pandémie qui continuait de se faire sentir, « il n’y avait personne à proximité » : les emplois à temps partiel pleuvaient et les logements aussi.
Deux ans plus tard, la route s’est avérée plutôt cahoteuse. Même s’il ne regrette pas son choix, il a été pris de cours par l’augmentation des droits de scolarité – cela lui coûte quelque 31 000 dollars cette année – alors que sa bourse n’a pas été bonifiée pour suivre cette hausse (l’Université affirme qu’elle augmente périodiquement la valeur des bourses en plus d’en augmenter le nombre, la dernière augmentation atteignant jusqu’à 50 % remonte à 2021). Il cumule trois emplois à temps partiel pour réussir à tout payer. Comme membre du conseil du syndicat étudiant de l’Université Lakehead, il a reçu tout l’automne durant des messages d’étudiant.e.s d’origine étrangère désespérément à la recherche d’un endroit où vivre. Le Canada lui a offert des possibilités, concède-t-il. « Mais si quelqu’un en Inde me demandait si c’est une bonne idée de venir ici, je dirais non sans hésiter. Ce n’est plus un bon endroit où aller. Ce l’était, à un moment. »
À chaque fois que des histoires comme celle de M. Semplay (parfois même plus graves) font les grands titres, la réputation du Canada sur le marché mondial de l’éducation redevient une préoccupation pour toute personne craignant que le pays de la feuille d’érable ne soit plus à la hauteur des attentes. Affaires mondiales Canada (AMC), le ministère fédéral chargé des questions commerciales, a commencé l’an dernier à consulter le milieu en vue du renouvellement de sa stratégie d’éducation internationale au début de 2024. Son objectif? Mieux répondre aux besoins des marchés de l’emploi national et régionaux, mieux équilibrer la répartition géographique des étudiant.e.s de l’étranger (la majorité se trouve actuellement en Ontario et en Colombie-Britannique), et protéger la marque canadienne en réglant les problèmes tels que les agences de recrutement malveillantes. Du côté d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), le ministre Marc Miller a annoncé des changements à la fin d’octobre pour protéger les étudiant.e.s contre les offres d’admission frauduleuses et « récompenser les bons acteurs » qui s’astreignent à des normes supérieures en matière de soutien et de parcours étudiant.
« Si quelqu’un en Inde me demandait si c’est une bonne idée de venir ici, je dirais non sans hésiter. Ce n’est plus un bon endroit où aller. »
Si M. Miller refuse de limiter le nombre de permis d’études pour le moment, une idée qui avait été évoquée plus tôt en 2023, on sent, même dans le milieu, qu’on paie aujourd’hui le prix d’une véritable déferlante, du moins en chiffres. Entre 2014 (année de la première stratégie nationale officielle d’éducation internationale) et 2022, le nombre de permis d’études accordés à des étudiant.e.s de l’étranger est passé de 330 000 à 805 000, dont 40 % pour des études universitaires. On pensait que le Canada pouvait offrir une éducation de qualité à un prix concurrentiel dans un pays sûr qui voit un intérêt à accueillir des étudiant.e.s d’origine étrangère, pas seulement pour leurs contributions à court terme à l’économie canadienne, mais aussi comme source de travailleurs et travailleuses qualifié.e.s. On craint toutefois que cette promesse ne soit pas entièrement tenue. « Si le Canada ne tient pas ses engagements à l’égard des étudiant.e.s de l’étranger, si nous n’offrons pas une expérience éducative à la hauteur, c’est notre réputation internationale comme destination d’études qui en fera les frais », prévenait le Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI) aux consultations d’AMC.
Ce n’est pas que les universités n’ont pas planifié la venue des étudiant.e.s de l’étranger. Lorsque les fonds gouvernementaux ont commencé à diminuer et que les universités ont constaté une baisse, voire un aplatissement, des inscriptions des étudiant.e.s du Canada dans les années 2010, le recrutement d’étudiant.e.s de l’étranger et l’exploration de nouveaux pays sont devenus des éléments clés des stratégies d’internationalisation et de recrutement. L’Université du Cap Breton à Sydney, en Nouvelle-Écosse, représente un cas extrême : elle est passée de quelque 2 600 étudiant.e.s en 2017 à une double cohorte de 9 100 à la dernière rentrée, dont 80 % proviennent de l’extérieur du pays. L’établissement tente de stabiliser ses effectifs à 7 000 d’ici 2027, et de faire baisser la portion étrangère à 60 %. L’internationalisation a été « un moyen de survie » pour l’Université, de même qu’un important moteur économique pour la région, écrivait le directeur du recrutement international et des partenariats mondiaux de l’établissement, Victor Tomiczek, dans The PIE News.
Si certains collèges professionnels privés ont été critiqués pour leur croissance insoutenable et un soutien étudiant largement insuffisant, même les universités ayant un plus faible ratio d’étudiant.e.s de l’étranger peuvent avoir du mal à répondre à leurs besoins spécifiques. Même si elles sont pleines de ressources, ces personnes ont souvent besoin d’une aide supplémentaire (temps, attention, langue) difficile à donner pour le personnel enseignant, explique Nigmendra Narain, qui enseigne les sciences politiques à l’Université Western de London, en Ontario (où environ 14 % des quelque 34 000 étudiant.e.s étaient d’origine étrangère en 2021-2022). Or, les services universitaires subissent les pressions d’un dur environnement financier : l’Ontario arrive au dernier rang en matière de fonds gouvernementaux par étudiant.e, ce qui nourrit une forte dépendance à l’égard des inscriptions étrangères. Ajoutons à cela les défis de l’acculturation, du logement et des finances, sans oublier les cours manqués en raison de conflits d’horaire avec le travail. Résultat? « On ne se soucie pas de leur offrir une éducation de qualité dans notre université de calibre mondial. Au lieu de cela, nous nous retrouvons à affronter toutes sortes de pressions que ces étudiant.e.s subissent à l’intérieur et à l’extérieur des salles de classe », déclare M. Narain, également président de l’Union des associations des professeur.e.s des universités de l’Ontario, qui a réclamé une bonification du financement provincial. Les étudiant.e.s de l’étranger « ne méritent pas qu’on les traite comme des guichets automatiques. On en vient à une situation qui nous paraît irresponsable ».
De l’importance de la communauté
Pour Bryan et Neil Oforikuma, un logement stable et un lien avec la communauté locale ont été les ingrédients principaux d’une expérience étudiante de premier cycle réussie. Les frères ghanéens vivent dans une résidence tissée serrée d’une centaine d’étudiant.e.s majoritairement d’origine étrangère, un établissement que le Collège St. John’s (fondateur de l’Université du Manitoba) exploite selon un modèle de recouvrement des coûts. « On a des gens à qui parler, ce qui atténue la solitude, et on a beaucoup de services d’accompagnement », relate Neil. Le club Rotary sur le campus, nous explique Bryan, a été la porte d’entrée des deux frères pour participer à des activités de bénévolat dans la collectivité, notamment le projet de construction de logement d’Habitat pour l’humanité à Winnipeg l’été dernier. « Je suis devenu plus sociable, plus extraverti – je suis sorti de ma coquille », raconte Bryan, ajoutant qu’il a pu « apprendre à connaître des personnes intéressantes, ainsi que leur vision, leurs croyances et leur culture ».
« Il faut tracer sa propre voie »
Lanre Adenekan a « essuyé une multitude de refus » après l’obtention en 2019 de sa maîtrise en gestion, comptabilité internationale et finance à l’Université de Windsor. Mais cinq ans plus tard, M. Adenekan est bien établi à Windsor. Il est devenu citoyen canadien, a décroché le titre de comptable professionnel agréé et a un emploi d’analyste principal de la trésorerie. « Mon expertise est recherchée », dit-il. Si son diplôme a été un facilitateur, on peut en dire autant de son expérience dans le milieu bancaire du Nigeria, son pays natal, ainsi que de son cheminement professionnel autonome (il a étudié pour décrocher le titre de CPA pendant le confinement pandémique). Or, certain.e.s de ses collègues diplômé.e.s d’origine étrangère se contentent toujours d’un emploi à faible salaire dans le service à la clientèle. Selon lui, le Canada et les universités ne devraient pas gonfler les attentes : il faut plutôt présenter les vraies données d’emploi et bien conseiller les étudiant.e.s quant aux dépenses à prévoir. Les étudiant.e.s ne devraient pas s’attendre à ce que les universités leur donnent absolument tout ce qu’il leur faut pour réussir. « Au début, la vie sera plus difficile. Il faut tracer sa propre voie. »
Tisser des liens
En plus de montrer aux étudiant.e.s de l’étranger que leur valeur va au-delà des droits de scolarité élevés qui leur sont imposés, nous devons inspirer un sentiment d’appartenance, ce qui est particulièrement important si le Canada souhaite voir ces personnes s’installer à long terme. Un sondage mené en 2021 par le BCEI a révélé que plus d’un tiers ne se sentent pas proches de leurs collègues canadien.ne.s. Les étudiant.e.s d’origine étrangère doivent souvent « jouer un rôle actif pour s’adapter à leur université », commente Juana Du, professeure à la maîtrise en communication interculturelle et internationale à l’Université Royal Roads à Victoria, en Colombie-Britannique. Il peut en résulter « une frontière invisible entre les étudiant.e.s de l’étranger et du pays », observe-t-elle, avant d’ajouter que cette réalité vient gâcher ce qu’on présente comme une occasion d’apprendre réciproquement et de tisser des liens. Les travaux de la professeure montrent que les universités doivent faire plus qu’organiser une semaine d’activités d’accueil. Il faut par exemple penser à des moyens permanents d’aider les étudiant.e.s à cultiver des liens, que ce soit en classe, lors d’activités parascolaires ou grâce à une culture de campus qui ne compartimente pas la diversité.
Depuis que ses activités de recherche l’ont menée aux mêmes conclusions, c’est ce que tente de mettre en place Saba Safdar dans son cours de troisième année en psychologie interculturelle à l’Université de Guelph. Des étudiant.e.s du pays et de l’étranger font équipe pour creuser un sujet interculturel, comme l’amitié, s’intéressant aux différents modes d’expression et écrivant sur la question selon l’angle de la psychologie. Les étudiant.e.s d’origine étrangère « n’interagissent pas assez avec les étudiant.e.s de nationalité canadienne… Plus on a d’interactions, plus on remet en question certaines idées et je crois que c’est une manière novatrice de créer des liens entre étudiant.e.s », explique Mme Safdar. Mais pour que les effets perdurent, « il nous faut des groupes de travail, il nous faut du leadership, il nous faut des comités qui se réunissent pour faire éclore ces idées ». Il serait utile d’offrir des services adaptés aux besoins des étudiant.e.s originaires de l’étranger, par exemple du mentorat individuel, poursuit-elle, mais les bureaux d’études étrangères sont souvent surchargés et en sous-effectif. Même quand il y a de tels services, ceux-ci ne sont pas toujours connus ou utilisés. En revanche, certains établissements, comme l’Université de Calgary, font appel à des étudiant.e.s bénévoles du pays afin d’opérer des programmes de pairs pour aider les recrues de l’étranger à comprendre le fonctionnement de l’établissement, jusqu’aux petits détails comme la possibilité de cogner à la porte d’un.e professeur.e ou d’abandonner un cours sans pénalité après un premier examen.
« [Les étudiant.e.s de l’étranger] ne méritent pas qu’on les traite comme des guichets automatiques. On en vient à une situation qui nous paraît irresponsable. »
Bien que le Canada désire que les étudiant.e.s de l’étranger restent en son sol une fois leur diplôme obtenu pour y travailler, les travaux de Mme Safdar montrent que le processus n’est pas si simple. Le International Student Barometer, un sondage annuel qu’effectue le service d’analyse comparative en matière d’éducation mondiale i-graduate, a révélé que l’« effet sur la carrière future » était depuis 2018 la principale raison motivant le choix d’étudier à l’étranger, influençant même la décision de recommander ou non un établissement. Or, au Canada, les étudiant.e.s d’origine étrangère ont peu accès à des occasions d’apprentissage en milieu de travail (programmes coop, stages), nous apprend Mme Safdar, ce qui assombrit leurs perspectives d’emploi après les études. Récemment, dans une étude encore non publiée, ses collègues et elle ont constaté que les étudiant.e.s de l’étranger étaient beaucoup moins susceptibles d’avoir cumulé une expérience de travail avant leur diplomation, en plus de gagner un revenu inférieur à celui des diplômé.e.s de nationalité canadienne ayant le même niveau d’études. L’une des solutions suggérées par l’équipe de recherche consiste à adapter les programmes coop et les stages aux étudiant.e.s d’origine étrangère, puisque ces programmes exigent souvent d’obtenir un permis spécial, en plus du permis d’études habituel. Or, cette expérience de travail doit être rendue obligatoire dans le cadre du programme, ce qui rend difficile, voire impossible la participation à ce type de programmes s’ils sont facultatifs. Universités Canada (éditrice d’Affaires universitaires), par exemple, a réclamé que le permis d’études donne automatiquement la possibilité de participer à des expériences d’apprentissage en milieu de travail, obligatoires ou facultatives.
Cette faible employabilité fait partie des nombreux problèmes qui soulignent l’importance pour le Canada de s’intéresser à l’ensemble du parcours de l’étudiant.e de l’étranger, de la candidature à la vie après les études – bien au-delà du recrutement et de l’accueil initial, affirme Isaac Garcia-Sitton, directeur général, recrutement international, éducation et inclusion à l’Université métropolitaine de Toronto. Le logement, l’abordabilité et les obstacles administratifs sont « de nature systémique », et nécessitent selon lui « une action stratégique et concertée de la part d’une diversité de parties prenantes ». Le BCEI, par exemple, réclame une stratégie visant les collectivités, entreprises et autres organismes pour qui la réussite des étudiant.e.s de l’étranger représente un intérêt, et qui ont peut-être déjà des services ou des ressources qui pourraient aider, pour peu que l’on puisse mailler le tout. « L’éducation internationale est une grande oubliée », reconnaît Larissa Bezo, présidente et chef de la direction du BCEI. « Rien n’est fait de manière systématique. » Il nous faut colliger et intégrer les données locales sur les marchés de l’emploi, le logement et d’autres réalités géographiques, de façon à mieux diriger les étudiant.e.s provenant de l’étranger vers les collectivités qui ont besoin de ces personnes et qui peuvent répondre à leurs besoins. « Dans bien des cas, on avance à l’aveugle », ajoute-t-elle.
Pour l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), en revanche, faire le pont entre les étudiant.e.s de l’étranger et les employeurs locaux n’a rien de sorcier. Cet établissement, dont les inscriptions étrangères représentent 8 % de son effectif total (plus de 6 000), collabore avec les partenaires privés pour s’assurer que les étudiant.e.s puissent finir leur programme avant qu’on leur mette le grappin dessus pour combler une pénurie chronique régionale. Outre le manque persistant de logements, la plus grande difficulté pour l’UQAT consiste à augmenter le nombre d’admissions étrangères, ce que compliquent notamment les délais de traitement des permis d’études au ministère de l’Immigration et les refus (les universités francophones se heurtent à un taux de refus élevé pour les demandes issues de pays francophones de l’Afrique). Selon le recteur de l’UQAT, Vincent Rousson, l’automne dernier, seulement 27 des 42 recrues internationales ont pu bénéficier des bourses provinciales en raison des délais de traitement à l’immigration. « Un partenariat plus direct avec nos universités » et le gouvernement fédéral serait utile, observe M. Rousson, puisque les étudiant.e.s ont déjà été sélectionné.e.s par leur établissement. Abstraction faite de ces obstacles, l’UQAT désire hausser l’effectif international à une part maximale de 18 % pour la prochaine décennie. « Accueillir trop d’étudiant.e.s trop rapidement leur serait tout aussi dommageable qu’à notre université et nos partenaires. [Nous allons] faire les choses en douceur », conclut M. Rousson.
Plus à l’est, Shawna Garrett a vu les retombées positives d’une approche collaborative visant à exploiter les compétences des étudiant.e.s de l’étranger pour combler les besoins locaux en matière de main-d’œuvre. Le programme Étudier pour m’y établir Nouvelle-Écosse, qu’elle supervise, donne accès chaque année à des ressources sur mesure de mentorat, de développement de carrière et de réseautage aux finissant.e.s d’origine étrangère des universités et collèges de la province. Le succès obtenu a été tel – un an après la fin de leurs études, 86 % des diplômé.e.s de la province travaillent dans leur domaine d’études – que l’initiative a fait des petits dans les trois autres provinces de l’Atlantique, où des programmes sont pilotés distinctement à l’aide de fonds du fédéral. La mouture néo-écossaise, toutefois, ne peut accueillir que 100 étudiant.e.s par année. Dans le but d’atteindre plus de personnes, un second programme a vu le jour en parallèle cette année pour 400 étudiant.e.s des années inférieures. Pour Mme Garrett, on voit aujourd’hui le résultat d’une collecte et d’une analyse assidues permettant de mettre au jour les besoins et les manques à combler chez la population étudiante et sur le marché de l’emploi, de mettre en lien les étudiant.e.s avec leurs collectivités et d’asseoir une vaste collaboration entre les collèges et universités, les employeurs, les organismes à but non lucratif et le gouvernement. « C’est vraiment un programme local basé sur les parties prenantes, avec une optique communautaire », souligne Mme Garrett, présidente et directrice générale d’EduNova, une coopérative à but non lucratif financée par les gouvernements fédéral et néo-écossais ainsi que des partenaires de l’éducation. « On vient puiser dans une multiplicité de champs d’expertise. »
Les intervenant.e.s du milieu de l’éducation internationale promettent un brassage mondial d’idées et de cultures, mais il n’en est rien sans coordination adéquate et sans appui. « Comme politologue et enseignant, je trouve extraordinaire de voir des étudiant.e.s originaires des quatre coins du monde parler de leurs propres expériences, qu’il soit question de changements climatiques, de politique sociale ou de démocratie », lance Joseph Wong, vice-recteur aux affaires internationales à l’Université de Toronto, qui accueille la plus vaste population étudiante étrangère (plus de 27 000, soit environ 26 % de son effectif). Le plan international actuel de l’établissement prévoit de réserver 6 % des coûteux droits de scolarité imposés aux étudiant.e.s de l’étranger (à partir de quelque 60 000 dollars) à des bourses exclusives. Une somme de trois millions de dollars est également versée dans un fonds pour l’expérience étudiante internationale fournissant un financement de départ aux initiatives vouées à la réussite des étudiant.e.s de l’étranger, par exemple des activités d’accueil et d’orientation à Toronto réunissant des diplômé.e.s, un programme de jumelage en première année et une formation interculturelle pour le personnel professoral.
Plaçant les étudiant.e.s d’origine étrangère au cœur de sa mission d’université mondiale en planifiant hausser leur nombre proportionnellement à la croissance de son effectif total, l’Université de Toronto a fait partie des quelques universités canadiennes à réclamer l’élaboration d’une distinction comme celle dont fait mention le modèle « d’établissements désignés » annoncé par IRCC en octobre dernier en vue d’une mise en œuvre pour l’automne 2024. Selon ce modèle, les établissements recevant leur désignation sur la base d’indicateurs comme la disponibilité des logements et l’aide étudiante seront admissibles à un traitement accéléré des permis d’études; certaines précisions demeurent toutefois à venir.
Pour sa part, le BCEI réfléchit à un code d’éthique qu’il souhaite imposer à l’ensemble des établissements d’enseignement canadiens autorisés par un gouvernement provincial ou territorial à accueillir des étudiant.e.s d’origine étrangère. Contrairement au cadre d’établissements désignés, qui, selon Mme Bezo, « vient diviser les établissements entre ceux qui sont sur la liste et ceux qui n’y sont pas », le code exigerait de tous les établissements qu’ils fondent leur recrutement international sur des chiffres qui sont viables pour eux, pour leurs communautés et pour le bien-être étudiant. On prévoit aussi un cadre qui obligerait les établissements à ne collaborer qu’avec des agent.e.s de recrutement qualifié.e.s au comportement éthique.
Le Canada n’est pas seul; des concurrents comme le Royaume-Uni et l’Australie ont aussi essuyé des critiques en raison d’une croissance débridée de l’éducation internationale au détriment de la qualité et de l’expérience étudiante. Ceci étant dit, il ne revient qu’à nous de décider comment le pays doit se sortir du guêpier actuel. Le ministre Miller a mis en garde qu’un « sous-financement chronique de l’éducation postsecondaire » dans les provinces a créé « des incitatifs pernicieux » dans le système d’études étrangères, exigeant d’élargir la discussion (en Ontario, un comité nommé par le gouvernement a recommandé à la fin de novembre 2023 que la province augmente le financement par étudiant.e ainsi que les droits de scolarité assumés par les étudiant.e.s du pays). Le logement représente également un enjeu national que les universités ne peuvent résoudre à elles seules. Quelle que soit l’avenue empruntée, il y a fort à parier que les étudiant.e.s comme Sunil Semplay auront plus d’endroits où amorcer leur carrière que de temps pour patienter.